Les idoles de Christophe Honoré au Théâtre de la Porte Saint-Martin : comment danse-t-on après ?

Ils sont six : Cyril Collard, Bernard-Marie Koltès, Jacques Demy, Jean-Luc Lagarce, Hervé Guibert et Serge Daney, tous morts du Sida entre 1989 et 1995, ces années de plomb où les trithérapies n’existaient pas encore.

PAR SENIORACTU.COM | Publié le 19/02/2025

Ce sont les idoles de Christophe Honoré, qui avait vingt ans à cette époque et qui était monté à Paris depuis sa Bretagne natale.
 
Les six qui ont compté dans sa trajectoire artistique même si, de fait, il ne les a pas rencontrés. Six hommes, tous bien ancrés dans le monde du spectacle, mais avec des trajectoires très différentes.
 
La pièce, écrite en 2018, fut créée à l’Odéon en janvier 2019.
 
Les six personnages, tous morts depuis près de trente ans, se retrouvent dans un lieu incertain, sombre et vide qui fait d’abord penser à un purgatoire sartrien. Mais la comparaison s’arrête là car on est bien loin de la représentation d’un huis clos.
 
Christophe Honoré a composé un texte mêlant avec une grande justesse l’émotion et l’humour, avec beaucoup de répliques et de gestuelles très drôles qui dédramatisent complètement la situation.
 
On y trouve des réflexions sur l’engagement, le dévoilement de l’artiste, souvent revendiqué mais que Demy, à la différence des cinq autres, a toujours refusé.
 
Et puis il y a ces scènes où sont évoqués des proches de l’un ou de l’autre, par exemple Patrice Chéreau, Agnès Varda ou Michel Foucaut (le Muzil d’Hervé Guibert).
 
Ils sont tous morts mais évoluent pourtant bien vivants lors de ces retrouvailles où le passé et les souvenirs se mêlent aux projets les plus fous, ou les plus gais, comme de célébrer ce retour à la vie par une danse quasi rituelle.
 
Les six personnages sont des hommes mais Christophe Honoré a eu l’idée de choisir deux femmes pour les rôles d’Hervé Guibert et celui de Jacques Demy. Pour éviter le biopic, confie-t-il dans une note d’intention.
 
Harrison Arévalo porte le spectacle, il nous propose un Collard truculent, attiré par tout ce qui bouge et parfaitement à l’aise dans sa bisexualité.
 
Marina Foïs dans le rôle d’Hervé Guibert reçut pour cette interprétation le Molière de la meilleure actrice en 2019. Sa belle évocation de Muzil, déchirante et parfaitement retenue, y a sans doute contribué.
 
Marlène Saldana est un Jacques Demy tout en rondeurs, tout en contraste avec le modèle d’origine, qui déborde de son personnage initial en diverses créations.
 
Paul Kircher, le petit nouveau de la distribution, en Bernard-Marie Koltès, cherche encore un peu ses marques mais ses succès récents au cinéma prouvent qu’il apprendra vite.
 
Julien Honoré, le frère de Christophe est Lagarce, un Lagarce bien dans sa peau, différent de l’idée qu’on s’en fait par les spectacles de cet auteur actuellement joués à Paris. Jean-Charles Clichet tient le rôle de Serge Daney, le moins connu de tous.
 
Honoré situe ses personnages dans un sous-sol de parking -ou de garage, on ne sait pas très bien- encombré de tuyaux et de câbles électriques. La scène du théâtre, pourtant grande, est totalement utilisée, permettant une chorégraphie parfaitement réglée de la part des six protagonistes, jusqu’à certaines excursions en coulisses que l’on suit sur écran grâce à la vidéo.
 
Tous ces éléments de décors sont mis en valeur par des éclairages bien maîtrisés, comme ces énormes hauts parleurs qui apparaissent au fil des scènes, délivrant une musique du passé qui va des Doors aux Parapluies de Cherbourg.
 
Un spectacle très dense, qui dure deux bonnes heures, mais où l’on ne voit pas le temps passer tant on est pris par cet émouvant come-back qu’on voudrait éternel.
 
Les Idoles de Christophe Honoré
Théâtre de la Porte Saint Martin
18 Boulevard Saint-Martin 75010 Paris
Du mardi au vendredi 20h.  Samedi 20h30. Dimanche 15h
Jusqu’au 6 avril 2025









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