Château en Suède de Françoise Sagan au Théâtre de Poche-Montparnasse : un brillant marivaudage contemporain

La pièce, écrite en trois semaines, fut créée en 1960 par André Barsacq dans son Théâtre de l’Atelier avec Claude Rich, Françoise Brion et Philippe Noiret dans les rôles principaux. Comme Sagan aimait à le dire, une de ses pièces sur deux fit un succès, et ce fut le cas de celle-ci.

PAR SENIORACTU.COM | Publié le 23/12/2024

La Compagnie du Colimaçon, qui nous avait enchanté ce printemps avec une reprise de l’Eurydice de Jean Anouilh, s’attaque cette fois à la mythique et toute première pièce de Françoise Sagan, disparue il y a tout juste vingt ans, intitulée lapidairement « Château en Suède ».
 
Car de château il y en a bien un et, situé effectivement en Suède, loin de Stockholm, en plein hiver en plus où la neige bloque pendant quatre mois toute communication avec le monde extérieur.
 
Dans cette atmosphère proche à la fois de Tchekhov et d’Agatha Christie, la romancière de talent qu’est Françoise Sagan ne succombe pas à la tentation d’un huis clos sartrien qui pourrait tourner au drame et préfère, pour notre plus grand bonheur, accoucher d’une comédie féroce et cynique, bien dans le style de ses précédents romans.
 
Dans ce château vit Hugo, son épouse Éléonore mais aussi le frère de celle-ci, le fringant Sébastien qui vit en parasite auprès d’eux. S’y rajoute Agathe, la sœur d’Hugo, grande défenseuse de la tradition familiale et qui oblige tout le monde à se vêtir en tenues 18ème comme au temps de leurs ancêtres.
 
Il y a aussi Ophélie, du moins c’est ainsi qu’on la nomme, qui est peut-être la première épouse d’Hugo.
 
Et voilà que s’annonce un lointain cousin en provenance de Stockholm venu rendre visite à sa supposée famille. L’occasion pour ces personnages de sortir leurs couteaux et de mettre en place un jeu cruel et dangereux qui n’épargnera personne…
 
Tous les acteurs, jeunes et toniques et, qui pour la plupart jouaient déjà dans la dernière « Eurydice », ont trouvé d’instinct le ton brillant et léger qui convient pour dire sur scène le texte ciselé de Sagan.
 
Odile Blanchet campe une Éléonore malicieuse et insaisissable, donnant l’impression d’accepter avec plaisir les charmes du visiteur mais, sans jamais y succomber.
 
Benjamin Romieux est Sébastien, son frère très (trop) attaché, son complice comme le fut Valmont pour Madame de Merteuil, que Sagan n’a certainement pas oubliés. Son style de parfait dandy n’est pas sans nous rappeler le regretté Claude Rich, qui créa le rôle.
 
Emmanuel Gaury, déjà connu pour de nombreuses mises en scène, est un Hugo bourru et viril à souhait, un homme comme les aiment les héroïnes de Sagan, un homme fort sur lequel la fragile Éléonore aime à se reposer.
 
Gaspard Cuillé, qui fut un remarqué Orphée dans l’Eurydice d’Anouilh, est Frédéric, l’homme fragile, peut-être moins qu’on pense d’ailleurs, mais malgré tout victime des machinations du trio infernal qui l’accueille.
 
Bérénice Boccara en Agathe et Sana Puis en Ophélie complètent heureusement la distribution.
 
Pour éviter le décor unique de la salle de garde où toute l’action est censée se dérouler, Bastien Forestier a imaginé un rideau semi transparent en milieu de plateau qui permet d’imaginer ce qui se passe dans les autres pièces de la demeure.
 
Quelques objets de décor, dont cette maquette de château qui rappelle le jeu qui se joue sur scène, complètent harmonieusement un ensemble féérique constellé de paillettes.
Sans oublier les élégants costumes de Guenièvre Lafarge qui contribuent encore à l’illusion voulue par l’autrice.
 
Un spectacle plein de verve et d’énergie, subtil et futile, qui fait plaisir en ces temps moroses et nous prépare à la fête.
 
Alex Kiev
 
Théâtre de Poche-Montparnasse
75 Boulevard du Montparnasse. 75006 Paris
Du mardi au samedi 19h dimanche 15h




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