Cancer du poumon : l'immunothérapie, une véritable révolution (partie 2)

Les thérapies ciblées sont apparues il y a dix ans, ouvrant une première brèche dans le mur auquel se heurtait de nombreux patients en situation d’impasse thérapeutique. En moins de cinq ans, l’immunothérapie a bouleversé le traitement du cancer du poumon avec des perspectives prometteuses. Le point avec le Pr Jacques Cadranel, responsable du Centre Expert en Oncologie Thoracique à l’Hôpital Tenon.

PAR SENIORACTU.COM | Publié le Jeudi 25 Janvier 2018

De nombreux bénéficiaires potentiels
« L’autre avantage de l’immunothérapie tient à son efficacité potentielle sur un grand nombre de patients atteints d’une tumeur broncho-pulmonaire ». Jusqu’à présent, les grandes avancées thérapeutiques dans le cancer du poumon étaient réservées à une petite proportion de malades, comme celles des non-fumeurs pour les thérapies ciblées.
 
A l’inverse, les médicaments d’immunothérapie concernent plutôt la population des fumeurs, qui représentent 80% des patients atteints d’un cancer du poumon. C’est donc un espoir pour la plupart des malades, même s’ils ne fonctionneront pas chez tous. 
 
Des réponses prolongées
L’autre axe de progrès tient à la durée d’action de l’immunothérapie. Avec les thérapies ciblées, qui fonctionnent dans 70% des cas chez les malades présentant l’anomalie moléculaire ciblée, un phénomène d’échappement apparait environ un an après dans la moitié des cas. La cellule cancéreuse sélectionne une autre anomalie moléculaire, qui la fait échapper au traitement. 
 
« Avec l’immunothérapie, une partie des malades voit disparaitre ou se stabiliser leur cancer, mais chez certains on observe un effet qui peut se prolonger très longtemps. Grâce à l’administration régulière du traitement, leur état s’apparente, si ce n’est à une guérison, du moins à une maladie chronique. La tumeur n’évolue plus ».
 
Parmi les patients atteints d’un cancer du poumon métastatique (60 à 70% des cancers broncho-pulmonaires), sans distinction de type histologique du cancer ni de niveau d’expression PD-L1, et qui ont bénéficié à ce jour d’une immunothérapie après échec d’une chimiothérapie conventionnelle, environ 20 à 25% en ont tiré un bénéfice en termes de survie et ce bénéfice est de longue durée (au moins trois ans). 
 
Les résultats sont aussi spectaculaires en première ligne de traitement. « L’immunothérapie est alors efficace, de façon très prolongée, chez 40% des malades, à condition que leurs cellules cancéreuses expriment fortement la protéine PD-L1, ce qui représente 25 à 35% des cas. C’est impressionnant ! »
 
Encore plus impressionnant est le cas de certains malades, qui n’ont eu qu’une injection d’immunothérapie, ou quelques-unes seulement, et ont dû les interrompre à cause d’un effet secondaire. L’efficacité du traitement a néanmoins persisté chez eux plusieurs mois, voire plusieurs années. 
 
Les indications s’étendent et s’affinent
Fort de tous ces succès, la tendance actuelle est de prescrire une immunothérapie à un nombre croissant de patients atteints d’un cancer du poumon métastatique, seule ou associée à d’autres méthodes de traitement (chimiothérapie, autre immunothérapie, thérapie ciblée...).
 
L’immunothérapie fait également l’objet d’essais cliniques dans les formes cette fois localisées (sans métastase) mais non opérables de cancer du poumon, soit environ 15% des patients. 
 
« Jusqu’à présent, nous n’avions que la radio-chimiothérapie à leur proposer. Un essai thérapeutique récent, très impressionnant, a démontré que chez ces patients, le durvalumab, une nouvelle molécule d’immunothérapie, triple la durée de survie sans progression de la maladie en comparaison du placebo, après radio-chimiothérapie ».
 
D’autres essais en cours explorent l’intérêt de l’immunothérapie pour les tumeurs localisées et opérables.
 
Des questions encore en suspens
L’extension progressive des indications, et du nombre de produits disponibles, n’en efface pas moins des interrogations de fond, à l’exemple de la nécessité de disposer de marqueurs prédictifs fiables de la réponse à l’immunothérapie. Ils permettraient de mieux identifier les patients à qui prescrire ce type de médicaments... mais aussi ceux auxquels il ne faut pas en administrer.

« Chez un petit nombre de malades atteints d’un cancer du poumon métastatique, que nous n’arrivons pas actuellement à bien caractériser, l’immunothérapie peut aggraver la maladie » !
 
Une autre interrogation actuelle porte sur la durée optimale du traitement. « Nous ne savons pas quand arrêter une immunothérapie. Jusqu’à présent, elle est administrée au long cours, par perfusion tous les 15 jours ou toutes les trois semaines. L’arrêt n’est décidé que si le cancer récidive ou que surviennent des effets secondaires ».
 
Ces derniers (des maladies auto-immunes) sont globalement moins fréquents et moins graves que ceux de la chimiothérapie conventionnelle. Néanmoins, la perspective de combiner plusieurs approches thérapeutiques (chimiothérapie, thérapie ciblée, immunothérapie) risque de conduire à cumuler les toxicités.

Cela coûte cher ! 
Elle va également de façon certaine faire exploser les coûts. Les molécules d’immunothérapie sont extrêmement chères, plusieurs milliers d’euros par cure, et elles vont concerner un nombre important de malades pour une durée prolongée.  










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