VIH et cholestérol : tandem bancal...

De nos jours, pour les personnes infectées et sous traitement, grâce aux progrès constants de la recherche, le risque de mortalité imputable au SIDA ne représente « plus » qu'un quart des causes des décès entraînant une nouvelle réalité : le vieillissement de la population de ces patients vivant avec le VIH, qui se trouvent tout naturellement exposée aux maladies liées à l'âge !

PAR SENIORACTU.COM | Publié le Vendredi 10 Avril 2015

Devenue chronique pour les patients traités, le VIH laisse alors place à d'autres préoccupations santé comme le cholestérol, responsable de la première cause de mortalité en France et dans le monde : les maladies cardiovasculaires.
 
Bien qu'essentiel à l'organisme, le cholestérol, quand il présente un taux sanguin élevé, est un facteur de risque dans la survenue des maladies cardiovasculaires. En France, son excès est impliqué dans environ 120.000 infarctus et 50.000 décès par an et trois millions de Français sont menacés. Rappelons que les maladies cardiovasculaires sont aujourd'hui la première cause de mortalité en France, elles représentent un tiers (32%) des décès, dont près de 10% surviennent avant 65 ans.
 
Rappelons que le cholestérol est une graisse (lipides) fabriquée aux trois quart par le foie (organe auquel il incombe également son élimination), le reste étant apporté par l'alimentation d'origine animale : viandes, poissons, œufs, produits laitiers. Quand il est présent en excès, le cholestérol se dépose sur la paroi des artères avec pour conséquences de limiter le passage du sang, entraînant, selon l'artère bouchée, infarctus du myocarde (crise cardiaque), accident vasculaire cérébral,  artérite des membres inférieurs etc.
 
Comme le cholestérol n'est soluble ni dans l'eau ni dans le sang, il utilise des transporteurs :

- les lipoprotéines à haute densité (High Density Lipoproteins ou HDL) qui le transportent des tissus vers le foie, en vue de son élimination, évitant ainsi son accumulation dans les tissus. On parle alors de bon cholestérol (HDL-cholestérol),

- les lipoprotéines à basse densité (Low Density Lipoproteins ou LDL) qui le transportent du foie vers les tissus, où il est capté. Quand il y a un trop plein de cholestérol, celui-ci s'accumule sur les parois artérielles. C'est lui que l'on nomme le mauvais cholestérol (LDL-cholestérol).

​Lipides et alimentation

Selon l'origine des graisses contenues dans notre alimentation, le foie fabriquera plus ou moins de cholestérol et verra ses capacités d'élimination plus ou moins optimisées. Parmi ces graisses, on note les :

- acides gras saturés (AGS) : acide palmitique et acide stéarique contenus essentiellement dans les produits animaux (de type lait entiers, viandes grasses et abats mais aussi pâtisseries, gâteaux apéritifs, barres chocolatées et certains plats industriels cuisinés),

- acides gras monoinsaturés (AGMI) : ils comportent deux familles dont le représentant le plus répandu est l'acide oléique essentiellement contenu dans des huiles végétales (colza, olive, etc.) et dans les produits animaux,

- acides gras polyinsaturés (AGPI) : les omega-3 et les omega-6.
 
Les études épidémiologiques mettant en évidence l'effet délétère des acides gras saturés sont nombreuses. Tous les résultats montrent de façon concordante une relation entre la qualité d'AGS et le risque cardiovasculaire. A l'inverse, diverses études épidémiologiques d'observation ont montré une corrélation inverse entre consommation d'AGMI et mortalité cardiovasculaire.
 
Lorsque l'apport en AGPI est bas, elles mettent en évidence un accroissement du risque de mortalité coronarienne. Pour ces raisons, la contribution des AGS devrait être réduite et celle des AGPI et AGMI favorisée.

​Interview du Professeur Franck Boccara, cardiologue à l’Hôpital Saint-Antoine de Paris

Qu’est-ce que l’hypercholestérolémie ?

On parle d’hypercholestérolémie quand le taux de cholestérol total, ou le LDL cholestérol (le mauvais cholestérol) est élevé. L’hypercholestérolémie est l’une des causes de l’apparition des maladies cardiovasculaires, en particulier l’infarctus du myocarde et l’accident vasculaire cérébral.

Il existe des facteurs associés aux risques d’hypercholestérolémie qui sont :

- les aliments riches en graisses saturées en graisse trans (fritures, fromages, pâtisseries)
- le surpoids
- un tour de taille important
- la  sédentarité
 
D’autres facteurs sont associés au risque de maladie cardiovasculaire et peuvent, en association à l’hypercholestérolémie, favoriser eux-mêmes le risque de maladie cardiovasculaire tels que le tabagisme, l’hypertension artérielle et le diabète de type 2.

 
Quels sont les facteurs responsables de l’hypercholestérolémie chez les patients vivant avec le VIH ?

En dehors même de l’infection par le VIH, il existe plusieurs causes d’hypercholestérolémie. Tout d’abord des causes familiales, le fait d’avoir dans sa famille des personnes présentant une hyperlipidémie chez un parent du premier degré est un facteur de risque de présenter soi-même une hypercholestérolémie. Il existe des signes cliniques faisant évoquer une hypercholestérolémie familiale (anomalies des tendons, un arc blanc autour de la cornée).
 
Certains traitements médicamenteux peuvent provoquer une hypercholestérolémie : médicaments prescrits pour l’acné, certaines pilules contraceptives, certains antirétroviraux antiVIH et corticoïdes. Certaines maladies sont elles aussi responsables d’hypercholestérolémie dite secondaire, telle que l’hypothyroïdie, l’insuffisance rénale chronique, le syndrome néphrotique et le diabète. Le plus souvent l’hypercholestérolémie ne présente pas de cause évidente. Il faut alors rechercher des facteurs modifiables en particulier du côté de l’alimentation.
 
Ces différents facteurs modifiables sont alimentation, en favorisant les fruits et les légumes polyinsaturés, en réduisant son surpoids et son tour de taille, en augmentant son activité physique, en essayant d’arrêter de fumer et en prenant en charge médicalement une hypertension artérielle et un diabète.
 
En cas de persistance d’une hypercholestérolémie, malgré ces différents efforts, le médecin peut être amené à prescrire un traitement, aidant à réduire le taux de LDL cholestérol (le mauvais cholestérol).

 
Pour les personnes vivant avec le VIH, quel impact une hypercholestérolémie a-t-elle sur  le plan cardiovasculaire ?

Comme dans la population générale, le fait d’avoir une augmentation du LDL cholestérol est un facteur de risque de présenter une maladie cardiovasculaire, c'est-à-dire un infarctus du myocarde (une oblitération par un caillot sanguin d’une artère du cœur), un risque d’AVC (phénomène identique au niveau des artères du cerveau, occlusion aigue d’une artère cérébrale), un risque de développer un rétrécissement au niveau des artères des membres inférieurs, favorisant ce que l’on appelle une claudication intermittente, c'est-à-dire le plus souvent des douleurs des muscles des membres inférieurs, mollets, cuisses, fessier à la marche, obligeant le sujet à arrêter de marcher. Il existe une relation linéaire entre le taux de mauvais cholestérol, ou de cholestérol total et le  risque survenue d’infarctus du  myocarde.
 
Quelles sont les particularités de l’hypercholestérolémie chez une personne vivant avec le VIH ?

L’infection par le VIH en elle-même provoque une anomalie du cholestérol avec en l’absence de traitement une baisse du cholestérol total, du LDL cholestérol (mauvais cholestérol), une baisse du HDL cholestérol (bon cholestérol) et une augmentation des triglycérides liées à l’inflammation.
 
Après la mise en route d’un traitement antirétroviral, le plus souvent on obtient une baisse des triglycérides mais aussi une augmentation du LDL cholestérol (mauvais cholestérol)  alors que le HDL cholestérol (bon cholestérol) reste souvent à un niveau bas. Cette spécificité pourrait être associée à un risque plus important d’infarctus du myocarde chez les personnes vivant avec le VIH.

​Le VIH : chiffres, évolution et nouvelle réalité

Au niveau mondial, la situation reste préoccupante

Selon l'ONUSIDA, le nombre de personnes vivant avec le VIH a encore augmenté en 2013, passant à 35 millions contre 34,6 millions en 2012 (+ 1,16%). En 2013, il y avait 2,1 millions de nouveaux cas. L'Afrique subsaharienne reste la zone la plus touchée avec 24,7 millions de personnes vivant avec le VIH, suivie par l'Asie et le Pacifique (4,8 millions), l'Europe occidentale, centrale et l'Amérique du Nord (2,3 millions), l'Amérique Latine (1,6 million), et l'Europe orientale et Asie centrale (1,1 million).
 
Depuis le début de l'épidémie, 39 millions de personnes sont mortes du SIDA, dont 1,5 million en 2013 (contre 2,4 millions en 2005).
 
Des chiffres qui autorisent aussi l'optimisme

Même s'il reste des difficultés importantes, des progrès remarquables ont été accomplis au cours des dix dernières années :

- 33% de nouvelles infections à VIH en moins depuis 2001

- 29% de décès liés au sida en moins (adultes et enfants) depuis 2005

- 52% de nouvelles infections à VIH en moins chez les enfants depuis 2001

- 40 fois : c’est le taux d’augmentation de l’accès au traitement antirétroviral entre 2002 et 2012

- En 2013, 12,9 millions de personnes sont prises en charge contre 5,2 millions en 2009
 
En France, avec 7.000 à 8.000 nouvelles contaminations chaque année,  l'épidémie évolue toujours. Population estimée à 149 900 cas, les personnes vivant avec le VIH seraient 19% à l'ignorer (28.800 personnes) et 7% à connaître leur situation mais sans prise en charge  (9.600 personnes). Trois quart d'entre elles (111.500 personnes) sont prises en charge.










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