L'origine du scénario remonte à quelques années...
La première version avait été développée par Elise Larnicol qui est une amie et qui jouait déjà dans La finale. Il y avait des thématiques qui me touchaient, par rapport à mes parents, à des amis, à cet âge dont je me rapproche.
Sexygénaires est une comédie sur toutes les questions que l'on se pose à l'horizon de la retraite : s'arrêter de travailler, continuer, perdre nos liens sociaux, aimer encore mais différemment...
Notre rapport à la vieillesse est chamboulé depuis une quinzaine d'années et les réflexions que ça suscite sont cruellement d'actualité.
Je voulais aussi refaire un film avec Thierry Lhermitte et tourner avec Patrick Timsit. Avec Antoine Raimbault, on a repris le scénario de départ en accentuant l'émotion des personnages, en cherchant le mélange des tons comme dans La finale.
On a aussi voulu retrouver l’univers des comédies sociales des années 80, celles de Michel Blanc en particulier. Ces films reposaient moins sur des punchlines que sur un comique de situations. (…) Nos deux personnages portent d'ailleurs les mêmes prénoms que le duo de Marche à l’ombre !
Parler de Sexygénaires comme d'une comédie tendre et touchante, ça vous convient ?
La finale et Sexygénaires sont des comédies d'émotion. Avec un angle sociétal, aussi. La finale parlait de la maladie d'Alzheimer, Sexygénaires de ce qu'on appelait avant le « troisième âge » ! L'image de nos « anciens » a changé.
Les grands-parents d'aujourd'hui ne ressemblent plus aux nôtres qui avaient des cheveux blancs et se déplaçaient avec une canne : ils sont actifs, dynamiques, aiment prendre du temps pour leurs petits enfants.
Ce nouveau lien intergénérationnel est un sujet en soi. Je l'ai esquissé à travers les rapports entre Denis et sa fille, quand elle lui annonce être enceinte. C'est un choc, il ne veut pas être grand-père : dans son esprit, c'est devenir « un vioque » ! Pour lui, vieillir c'est déjà mourir.
Michel accepte davantage son âge ; ce qu’il n’accepte pas, c’est de se retrouver dans la nécessité, à l’âge de la retraite, d’avoir encore à se battre pour sa survie après une vie de travail.
Être un senior aujourd'hui est le point de départ de vos deux films. Vous les décrivez avec empathie, acuité. En quoi vous inspirent-ils particulièrement ?
La vieillesse me questionne autant que l'adolescence. La finale était guidé par le regard qu'un adolescent porte sur son grand-père. Il y a de ça dans Sexygénaires : Michel ne veut décevoir ni son fils ni sa petite fille ; Denis est vu par sa fille comme un éternel adolescent...
Les seniors me touchent. Le cinéma a souvent traité de la vieillesse de manière dramatique, notamment à travers la fin de vie. Ce n'est pas mon choix. Je m'entends bien avec cette génération-là, j'ai le sentiment de la comprendre. Il y a une maturité, une expérience qu'ils ont envie de partager sans forcément se considérer comme des modèles.
On ne montre pas assez qu'ils aiment s'amuser et qu'ils ont gardé beaucoup d'espièglerie.
C'est la première fois que le milieu du mannequinat senior est montré. Qu'avez-vous découvert de plus fou sur ses coulisses ?
Cet univers m'a interpellé après avoir découvert que la maquilleuse de Thierry Lhermitte était devenue mannequin senior. Elle a commencé cette nouvelle carrière et ne travaille plus comme maquilleuse que par amitié pour Thierry.
Elle a un compte Instagram suivi par des milliers de personnes, elle voyage tout le temps de New York à Moscou en passant par l'Afrique du Nord pour des shootings et des défilés.
J'étais sidéré : il y a un marché des seniors très lucratif avec des femmes de plus de 60 ans, habillées hyper coloré, avec des coupes incroyables, et des hommes à la barbe rutilante !
On oublie souvent que les seniors sont de gros consommateurs. Ils ont tous du temps, certains ont de l'argent et il y a ce phénomène de jeunisme qui sévit. Il n'y a pas que la mode, le parfum, les vêtements et le luxe, la publicité cible aussi des choses moins glamour comme les médicaments, les assurances vie, les conventions obsèques et les couches-culottes.
Je me suis baladé dans ce milieu, j'ai discuté avec plusieurs mannequins. Au-delà du marketing des apparences, ces hommes et ces femmes qui ont déjà bien vécu ne se battent pas pour faire carrière comme les jeunes. Ils se prennent moins au sérieux parce qu'il n'y a pas vraiment d'enjeu professionnel ni de sexualisation de l'image.
Avoir auparavant réussi à convaincre Thierry Lhermitte d'incarner un grand-père atteint d'Alzheimer vous a-t-il facilité la tâche pour Sexygénaires ?
On s'est vraiment trouvé sur La finale et on est resté très proche, ce qui a facilité les choses. Thierry est un homme réservé, pudique, avec un côté anglo-saxon que j'apprécie beaucoup et c’est un grand acteur. Il est marqué par certains rôles qui l'ont rendu populaire mais il a aussi une grande finesse de jeu.
Il lui suffit d'un regard, d'une attitude, d'un léger sourire pour imprimer la marque d'un personnage. On avait envie de faire un autre film ensemble et je lui ai écrit ce rôle sur-mesure. Michel est un bel homme –Thierry l'a toujours été– mais il est aussi marqué par les choses de la vie.
Après la mort de sa femme, il s’est enfermé dans le travail, ça l’a éloigné de son fils et quand le moment vient, il ne se résout pas à faire le deuil de son entreprise. Comme pour Denis, c’est une affaire de résilience. Au-delà de son physique séduisant, Michel ressemble beaucoup à Thierry dans sa façon d'être au monde, dans son rapport aux autres.
Il y a chez eux une distance bienveillante. Sur La finale, j’avais déjà compris que Thierry n'avait pas besoin d'échange permanent, ce qui me correspond. Sur le tournage de Sexygénaires, on a développé cette complicité, ce langage qui nous est propre et qui permet de tourner vite, sans avoir besoin de multiplier les prises.
La première version avait été développée par Elise Larnicol qui est une amie et qui jouait déjà dans La finale. Il y avait des thématiques qui me touchaient, par rapport à mes parents, à des amis, à cet âge dont je me rapproche.
Sexygénaires est une comédie sur toutes les questions que l'on se pose à l'horizon de la retraite : s'arrêter de travailler, continuer, perdre nos liens sociaux, aimer encore mais différemment...
Notre rapport à la vieillesse est chamboulé depuis une quinzaine d'années et les réflexions que ça suscite sont cruellement d'actualité.
Je voulais aussi refaire un film avec Thierry Lhermitte et tourner avec Patrick Timsit. Avec Antoine Raimbault, on a repris le scénario de départ en accentuant l'émotion des personnages, en cherchant le mélange des tons comme dans La finale.
On a aussi voulu retrouver l’univers des comédies sociales des années 80, celles de Michel Blanc en particulier. Ces films reposaient moins sur des punchlines que sur un comique de situations. (…) Nos deux personnages portent d'ailleurs les mêmes prénoms que le duo de Marche à l’ombre !
Parler de Sexygénaires comme d'une comédie tendre et touchante, ça vous convient ?
La finale et Sexygénaires sont des comédies d'émotion. Avec un angle sociétal, aussi. La finale parlait de la maladie d'Alzheimer, Sexygénaires de ce qu'on appelait avant le « troisième âge » ! L'image de nos « anciens » a changé.
Les grands-parents d'aujourd'hui ne ressemblent plus aux nôtres qui avaient des cheveux blancs et se déplaçaient avec une canne : ils sont actifs, dynamiques, aiment prendre du temps pour leurs petits enfants.
Ce nouveau lien intergénérationnel est un sujet en soi. Je l'ai esquissé à travers les rapports entre Denis et sa fille, quand elle lui annonce être enceinte. C'est un choc, il ne veut pas être grand-père : dans son esprit, c'est devenir « un vioque » ! Pour lui, vieillir c'est déjà mourir.
Michel accepte davantage son âge ; ce qu’il n’accepte pas, c’est de se retrouver dans la nécessité, à l’âge de la retraite, d’avoir encore à se battre pour sa survie après une vie de travail.
Être un senior aujourd'hui est le point de départ de vos deux films. Vous les décrivez avec empathie, acuité. En quoi vous inspirent-ils particulièrement ?
La vieillesse me questionne autant que l'adolescence. La finale était guidé par le regard qu'un adolescent porte sur son grand-père. Il y a de ça dans Sexygénaires : Michel ne veut décevoir ni son fils ni sa petite fille ; Denis est vu par sa fille comme un éternel adolescent...
Les seniors me touchent. Le cinéma a souvent traité de la vieillesse de manière dramatique, notamment à travers la fin de vie. Ce n'est pas mon choix. Je m'entends bien avec cette génération-là, j'ai le sentiment de la comprendre. Il y a une maturité, une expérience qu'ils ont envie de partager sans forcément se considérer comme des modèles.
On ne montre pas assez qu'ils aiment s'amuser et qu'ils ont gardé beaucoup d'espièglerie.
C'est la première fois que le milieu du mannequinat senior est montré. Qu'avez-vous découvert de plus fou sur ses coulisses ?
Cet univers m'a interpellé après avoir découvert que la maquilleuse de Thierry Lhermitte était devenue mannequin senior. Elle a commencé cette nouvelle carrière et ne travaille plus comme maquilleuse que par amitié pour Thierry.
Elle a un compte Instagram suivi par des milliers de personnes, elle voyage tout le temps de New York à Moscou en passant par l'Afrique du Nord pour des shootings et des défilés.
J'étais sidéré : il y a un marché des seniors très lucratif avec des femmes de plus de 60 ans, habillées hyper coloré, avec des coupes incroyables, et des hommes à la barbe rutilante !
On oublie souvent que les seniors sont de gros consommateurs. Ils ont tous du temps, certains ont de l'argent et il y a ce phénomène de jeunisme qui sévit. Il n'y a pas que la mode, le parfum, les vêtements et le luxe, la publicité cible aussi des choses moins glamour comme les médicaments, les assurances vie, les conventions obsèques et les couches-culottes.
Je me suis baladé dans ce milieu, j'ai discuté avec plusieurs mannequins. Au-delà du marketing des apparences, ces hommes et ces femmes qui ont déjà bien vécu ne se battent pas pour faire carrière comme les jeunes. Ils se prennent moins au sérieux parce qu'il n'y a pas vraiment d'enjeu professionnel ni de sexualisation de l'image.
Avoir auparavant réussi à convaincre Thierry Lhermitte d'incarner un grand-père atteint d'Alzheimer vous a-t-il facilité la tâche pour Sexygénaires ?
On s'est vraiment trouvé sur La finale et on est resté très proche, ce qui a facilité les choses. Thierry est un homme réservé, pudique, avec un côté anglo-saxon que j'apprécie beaucoup et c’est un grand acteur. Il est marqué par certains rôles qui l'ont rendu populaire mais il a aussi une grande finesse de jeu.
Il lui suffit d'un regard, d'une attitude, d'un léger sourire pour imprimer la marque d'un personnage. On avait envie de faire un autre film ensemble et je lui ai écrit ce rôle sur-mesure. Michel est un bel homme –Thierry l'a toujours été– mais il est aussi marqué par les choses de la vie.
Après la mort de sa femme, il s’est enfermé dans le travail, ça l’a éloigné de son fils et quand le moment vient, il ne se résout pas à faire le deuil de son entreprise. Comme pour Denis, c’est une affaire de résilience. Au-delà de son physique séduisant, Michel ressemble beaucoup à Thierry dans sa façon d'être au monde, dans son rapport aux autres.
Il y a chez eux une distance bienveillante. Sur La finale, j’avais déjà compris que Thierry n'avait pas besoin d'échange permanent, ce qui me correspond. Sur le tournage de Sexygénaires, on a développé cette complicité, ce langage qui nous est propre et qui permet de tourner vite, sans avoir besoin de multiplier les prises.
Patrick Timsit, en revanche, c'était une première pour vous !
J'ai attendu un an et demi qu'il soit disponible. J'avais deux bonnes raisons : Patrick est l'un des rares acteurs à dégager cette candeur, ce côté à la fois exaspérant et attachant ; et il fallait que la complicité entre Michel et Denis soit la plus authentique possible.
Je voulais ressusciter le Timsit qui m’avait fait rire dans mon enfance, ce personnage qu’il avait abandonné ces quinze dernières années, excepté sur scène, au profit de rôles plus éclectiques. Patrick est un instinctif, différemment de Thierry.
Il n’a pas besoin de bosser en amont, hormis quelques lectures du scénario, c’est dans l’instant qu’il s’implique. Il adore improviser, suggérer, proposer sur le plateau. Et ça n’était pas toujours simple de rire ou d’avoir envie de faire rire avec le Covid en embuscade !
Le sujet du film touche Patrick autant que Thierry
Lorsque Denis découvre que sa fille est enceinte, il a cette réplique « Grand-père, j’peux pas ! » et c’est comme un cri de révolte. À l’inverse de Michel qui est en voie d’accepter son âge, Denis est dans le déni total.
Tous les deux se sont appropriés leur personnage, leur univers et leur trajectoire, au-delà de ce que je pouvais attendre. C’est un âge, un moment de vie, qu’ils connaissent mieux que moi. Ils n’ont eu aucun mal à jouer sur leur âge et sur leur physique. Ils étaient tous les deux demandeurs !
À quel point était-ce important de reformer le duo Thierry Lhermitte et Patrick Timsit ?
C’était un rêve de gosse. Près de 30 ans après Un Indien dans la ville, leur premier film ensemble, je voulais les retrouver à l’écran, nourrir le film de leur complicité. Michel et Denis, je les ai écrits en tenant compte de leur évolution à tous les deux, de leur parcours d’acteur d’homme public et de personne.
Le film confronte ce que Michel et Denis étaient à 25 ans à ce qu’ils sont devenus. Le fait qu’ils soient des « sexygénaires » est un prétexte pour raconter une histoire d’amitié sur 40 ans. Celle qui unit dans la vie Patrick et Thierry a nourri chaque scène. Personnellement, je crois à l’existence d’un lien indéfectible qui survit au temps, à des valeurs communes qui ne se dégradent pas.
Les deux personnages féminins qui (re)croisent le chemin de Michel sont comme les deux facettes d’une femme idéale. Comment avez-vous dirigé Marie Bunel et Zineb Triki ?
J’ai eu beaucoup de chance. La première fois que j’ai discuté avec Marie Bunel du scénario et de mes intentions, elle m’a clairement expliqué qu’elle avait envie de jouer des femmes de son âge, que c’était l’expérience, la sensibilité, le temps qui a passé, les rides qui comptaient.
Elle ne voulait pas être embellie, encore moins rajeunie. Sylvie, son personnage, est honnête dans sa démarche : elle prend Michel comme il est, réveille en lui des émotions sans chercher à le séduire avec des artifices.
Marie et Zineb ont apporté de la délicatesse à leurs rôles. Marie, dans ce regard lumineux, serein qu’elle porte à Michel ; Zineb dans sa compréhension d’un rôle qui aurait pu être antipathique, une croqueuse d’hommes qui évolue dans un milieu d’argent et de faux-semblants.
Elle a défendu la vérité de Manon, cette directrice d’agence qui se fiche de la différence d’âge en amour, qui affirme son désir en toute sincérité.
C’est elle qui drague Michel et non l’inverse. Je voulais à tout prix éviter le cliché du sexagénaire qui craque pour une petite jeune Manon incarne la modernité, la possibilité de vivre une histoire d’amour et d’y renoncer rapidement. Michel, lui, n’oublie jamais son âge et la mort de son ami proche agit comme un catalyseur. Si jamais il décide de refaire sa vie, ce sera avec une femme de sa génération.
Deux scènes émouvantes illustrent la tendresse du regard que vous portez à vos personnages : les
retrouvailles à l’aéroport, et les adieux dans la voiture.
L’aéroport est la première scène entre Thierry et Marie, tout repose sur le passé de leurs personnages. Il y a plusieurs années, ils se sont croisés, ils se sont plu mais ils ont choisi de partager leur vie avec quelqu’un d’autre.
À leur âge, on arrive avec un bagage amoureux : Michel est veuf, Sylvie a divorcé, tous les deux ont eu des enfants. Ce qui se passe à l’aéroport, c’est la promesse de ranimer l’étincelle de jeunesse et d’amour, une forme de renaissance. Dans cette scène romantique, il y a un sujet qui me tient à coeur : accepter l’endroit où l’on est dans sa vie et se donner une seconde chance.
Je trouve tellement beau de pouvoir tomber ou retomber amoureux après 60 ans. Love Actually est un film que j’adore : il est riche de rencontres comme celle-là, filmées avec sincérité, c’est pour moi un modèle du genre.
À la fin, ce qui se joue entre Manon et Michel marque le tournant de leur relation. Ils sont tous les deux à l’arrière d’une voiture, Michel est ailleurs. Il vient de perdre un ami très cher, l’âge le rattrape, la mort est présente. Il sait qu’il a un choix à faire. Cette scène est teintée de romantisme, d’un peu de tristesse aussi : il est question de sentiments, de projection dans une histoire viable au-delà d’une aventure.
Sylvie a cette réplique qui résonne furieusement avec l’actualité : « J’en avais marre de perdre ma vie à la gagner ». C’est une phrase qui résonne chez Michel. Il s’est enfermé dans le travail après la perte de sa femme, son hôtel est devenu toute sa vie.
C’est un personnage inspiré de ma grand-mère qui tenait une boutique de vêtements dans le Sud de la France et qui y est restée jusqu’à ses 94 ans. J’ai découvert que, les dix dernières années, elle travaillait à perte. Juste pour conserver ce qui la maintenait en vie : le plaisir du contact avec ses clients, les relations sociales.
Si Michel s’acharne à sauver son hôtel, c’est parce qu’il lui donne le sentiment d’exister. L’un des enjeux du film est de montrer que l’on est encore vivant à cet âge, que l’on ait choisi de continuer à travailler ou pas et que l’on a, aussi, encore le temps et le droit d’aimer.
Beaucoup de seniors ont des petites ressources et voient arriver la retraite avec angoisse. Il y a la peur de se retrouver coincé chez soi, personne avec qui communiquer, ne plus avoir de vie sociale, être vide de sens. Le film ne parle pas au nom de tous les seniors mais il ouvre une fenêtre optimiste : il y a une vie pour les sexagénaires et bien au-delà.
J'ai attendu un an et demi qu'il soit disponible. J'avais deux bonnes raisons : Patrick est l'un des rares acteurs à dégager cette candeur, ce côté à la fois exaspérant et attachant ; et il fallait que la complicité entre Michel et Denis soit la plus authentique possible.
Je voulais ressusciter le Timsit qui m’avait fait rire dans mon enfance, ce personnage qu’il avait abandonné ces quinze dernières années, excepté sur scène, au profit de rôles plus éclectiques. Patrick est un instinctif, différemment de Thierry.
Il n’a pas besoin de bosser en amont, hormis quelques lectures du scénario, c’est dans l’instant qu’il s’implique. Il adore improviser, suggérer, proposer sur le plateau. Et ça n’était pas toujours simple de rire ou d’avoir envie de faire rire avec le Covid en embuscade !
Le sujet du film touche Patrick autant que Thierry
Lorsque Denis découvre que sa fille est enceinte, il a cette réplique « Grand-père, j’peux pas ! » et c’est comme un cri de révolte. À l’inverse de Michel qui est en voie d’accepter son âge, Denis est dans le déni total.
Tous les deux se sont appropriés leur personnage, leur univers et leur trajectoire, au-delà de ce que je pouvais attendre. C’est un âge, un moment de vie, qu’ils connaissent mieux que moi. Ils n’ont eu aucun mal à jouer sur leur âge et sur leur physique. Ils étaient tous les deux demandeurs !
À quel point était-ce important de reformer le duo Thierry Lhermitte et Patrick Timsit ?
C’était un rêve de gosse. Près de 30 ans après Un Indien dans la ville, leur premier film ensemble, je voulais les retrouver à l’écran, nourrir le film de leur complicité. Michel et Denis, je les ai écrits en tenant compte de leur évolution à tous les deux, de leur parcours d’acteur d’homme public et de personne.
Le film confronte ce que Michel et Denis étaient à 25 ans à ce qu’ils sont devenus. Le fait qu’ils soient des « sexygénaires » est un prétexte pour raconter une histoire d’amitié sur 40 ans. Celle qui unit dans la vie Patrick et Thierry a nourri chaque scène. Personnellement, je crois à l’existence d’un lien indéfectible qui survit au temps, à des valeurs communes qui ne se dégradent pas.
Les deux personnages féminins qui (re)croisent le chemin de Michel sont comme les deux facettes d’une femme idéale. Comment avez-vous dirigé Marie Bunel et Zineb Triki ?
J’ai eu beaucoup de chance. La première fois que j’ai discuté avec Marie Bunel du scénario et de mes intentions, elle m’a clairement expliqué qu’elle avait envie de jouer des femmes de son âge, que c’était l’expérience, la sensibilité, le temps qui a passé, les rides qui comptaient.
Elle ne voulait pas être embellie, encore moins rajeunie. Sylvie, son personnage, est honnête dans sa démarche : elle prend Michel comme il est, réveille en lui des émotions sans chercher à le séduire avec des artifices.
Marie et Zineb ont apporté de la délicatesse à leurs rôles. Marie, dans ce regard lumineux, serein qu’elle porte à Michel ; Zineb dans sa compréhension d’un rôle qui aurait pu être antipathique, une croqueuse d’hommes qui évolue dans un milieu d’argent et de faux-semblants.
Elle a défendu la vérité de Manon, cette directrice d’agence qui se fiche de la différence d’âge en amour, qui affirme son désir en toute sincérité.
C’est elle qui drague Michel et non l’inverse. Je voulais à tout prix éviter le cliché du sexagénaire qui craque pour une petite jeune Manon incarne la modernité, la possibilité de vivre une histoire d’amour et d’y renoncer rapidement. Michel, lui, n’oublie jamais son âge et la mort de son ami proche agit comme un catalyseur. Si jamais il décide de refaire sa vie, ce sera avec une femme de sa génération.
Deux scènes émouvantes illustrent la tendresse du regard que vous portez à vos personnages : les
retrouvailles à l’aéroport, et les adieux dans la voiture.
L’aéroport est la première scène entre Thierry et Marie, tout repose sur le passé de leurs personnages. Il y a plusieurs années, ils se sont croisés, ils se sont plu mais ils ont choisi de partager leur vie avec quelqu’un d’autre.
À leur âge, on arrive avec un bagage amoureux : Michel est veuf, Sylvie a divorcé, tous les deux ont eu des enfants. Ce qui se passe à l’aéroport, c’est la promesse de ranimer l’étincelle de jeunesse et d’amour, une forme de renaissance. Dans cette scène romantique, il y a un sujet qui me tient à coeur : accepter l’endroit où l’on est dans sa vie et se donner une seconde chance.
Je trouve tellement beau de pouvoir tomber ou retomber amoureux après 60 ans. Love Actually est un film que j’adore : il est riche de rencontres comme celle-là, filmées avec sincérité, c’est pour moi un modèle du genre.
À la fin, ce qui se joue entre Manon et Michel marque le tournant de leur relation. Ils sont tous les deux à l’arrière d’une voiture, Michel est ailleurs. Il vient de perdre un ami très cher, l’âge le rattrape, la mort est présente. Il sait qu’il a un choix à faire. Cette scène est teintée de romantisme, d’un peu de tristesse aussi : il est question de sentiments, de projection dans une histoire viable au-delà d’une aventure.
Sylvie a cette réplique qui résonne furieusement avec l’actualité : « J’en avais marre de perdre ma vie à la gagner ». C’est une phrase qui résonne chez Michel. Il s’est enfermé dans le travail après la perte de sa femme, son hôtel est devenu toute sa vie.
C’est un personnage inspiré de ma grand-mère qui tenait une boutique de vêtements dans le Sud de la France et qui y est restée jusqu’à ses 94 ans. J’ai découvert que, les dix dernières années, elle travaillait à perte. Juste pour conserver ce qui la maintenait en vie : le plaisir du contact avec ses clients, les relations sociales.
Si Michel s’acharne à sauver son hôtel, c’est parce qu’il lui donne le sentiment d’exister. L’un des enjeux du film est de montrer que l’on est encore vivant à cet âge, que l’on ait choisi de continuer à travailler ou pas et que l’on a, aussi, encore le temps et le droit d’aimer.
Beaucoup de seniors ont des petites ressources et voient arriver la retraite avec angoisse. Il y a la peur de se retrouver coincé chez soi, personne avec qui communiquer, ne plus avoir de vie sociale, être vide de sens. Le film ne parle pas au nom de tous les seniors mais il ouvre une fenêtre optimiste : il y a une vie pour les sexagénaires et bien au-delà.