Alors que les sénateurs débattent depuis hier du Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, l’association promeut une série de mesures ambitieuses destinées à mettre un coup d’arrêt au phénomène et à ses conséquences désastreuses pour les usagers.
Un phénomène à la dynamique explosive
Encore marginales au cours des années 2000, le nombre de pénuries de médicaments a subi une forte croissance au début de cette décennie et connait, ces dernières années, une augmentation des plus préoccupantes.
En effet, alors qu’en 2016 on recensait déjà 405 pénuries, ce chiffre a quasiment triplé en l’espace de 3 ans pour atteindre 1.200 l’année dernière. Pire, l’Agence nationale du médicament prévoit qu’en 2020, notamment en conséquence de la crise sanitaire, ce sont 2.400 ruptures qui seront constatées, six fois plus qu’en 2016.
Cette situation est d’autant plus alarmante que ces médicaments déclarés en pénurie par les laboratoires partagent tous une caractéristique primordiale : il s’agit de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), pour lesquels une interruption de traitement peut être susceptible de mettre en jeu le pronostic vital des patients. Rien que ça !
Les piètres alternatives aux médicaments en pénurie
Cette situation déjà extrêmement préoccupante est aggravée par les solutions alternatives proposées par les laboratoires, rarement à la hauteur des enjeux sanitaires.
Ainsi, notre étude montre que dans 30% des situations, les industriels renvoient vers un autre médicament, solution parfois médiocre puisque les substitutions peuvent entraîner des effets secondaires plus importants, ou nécessiter un temps d’adaptation à la nouvelle posologie, particulièrement pour les patients âgés.
Plus révélateur encore du danger des pénuries, 12% des producteurs orientent les professionnels de santé vers des solutions de derniers recours, comme la diminution de la posologie. Enfin, et c’est le plus grave, dans près d’un cas sur cinq (18%), les laboratoires ne proposent tout simplement aucune solution de substitution, laissant entrevoir pour les malades une terrible impasse, des annulations de traitements, et in fine, des conséquences médicales qui peuvent être lourdes.
Dans la course à la rentabilité des laboratoires, c’est l’usager qui souffre
Souvent bien légers dans la gestion des pénuries, les laboratoires semblent en outre faire preuve d’une coupable avidité dans leur processus de production et d’approvisionnement.
Notre étude, sur la base d’une analyse du profil des médicaments en pénurie, montre en effet que les médicaments qui font l’objet de tensions d’approvisionnement ne sont pas les molécules récentes vendues à prix d’or.
Au contraire, le portrait-robot d’un médicament en pénurie est celui d’un produit ancien (75% sont commercialisés depuis plus de 20 ans) et vendu peu cher (3/4 coûtent moins de 25 euros, et même 1/4 moins de 4 euros). Les industriels semblent donc bien faire le choix de sécuriser l’approvisionnement des médicaments rentables, au détriment des plus anciens, pourtant toujours indispensables aux usagers.
C’est en effet cette stratégie de rationalisation à tout prix des coûts qui fragilise la chaîne du médicament. Tout d’abord, les industriels ont massivement fait le choix de l’externalisation : 80% du volume de principes actifs est fabriqué en dehors de l’Union européenne, contre 20% il y a 30 ans.
A cela s’ajoute l’ultra fragmentation des étapes d’élaboration des médicaments aboutissant, par effet domino, à l’assèchement total de l’approvisionnement à la suite de la moindre défaillance d’un maillon de la chaîne de production.
A cet ensemble déjà très fragilisé, s’ajoute la volonté des industriels de produire en flux tendu, méthode logiquement incompatible avec les fluctuations imprévues de la demande mondiale. Dans ces conditions, et alors que des relocalisations de production sont enfin envisagées, il serait inacceptable que des subventions publiques soient déviées de leur but par les laboratoires.
Les aides éventuelles doivent aller à la production en Europe des médicaments anciens et à l’utilité démontrée, régulièrement touchés par des pénuries, et non vers les onéreuses innovations thérapeutiques, déjà largement produites en Europe.
La déplorable incurie des pouvoirs publics
Au lieu de développer des mesures de prévention des pénuries, les réponses proposées par les pouvoirs publics sont majoritairement de l’ordre de la gestion, et sont, qui plus est, lacunaires.
Les plans de gestion des pénuries, pourtant désormais obligatoires pour les MITM, souffrent de leur manque d’uniformisation, se construisant au gré des interprétations des laboratoires quant à leur contenu.
Pire, les obligations de service public des industriels semblent de l’ordre de l’anecdote tant le nombre de sanctions prononcées pour rupture de stock est dérisoire : deux seulement contre des laboratoires en 2019, qui plus est pour des montants ridicule (830 euros et 5.807 euros), alors que jamais la situation n’a été aussi préoccupante !
Il est grand temps de réarmer l’Etat face aux producteurs, en augmentant dans la loi les possibilités de sanction… et en n’ayant pas la main qui tremble à l’heure d’en faire usage.
Même l’élaboration de stocks de médicaments, qui relève pourtant du bon sens, est négligée. Comment accepter qu’aux quatre mois de stocks proposés en décembre par les parlementaires, le gouvernement prévoit de répondre avec un décret (toujours pas publié) n’imposant que deux mois de stocks ? Quand on sait que la durée médiane des ruptures d’approvisionnement en officine est de 8 mois en 2020, le compte n’y est tout simplement pas.
Préoccupée par l’explosion du phénomène des pénuries de médicaments, et par ses conséquences désastreuses pour la santé des usagers, l’UFC-Que Choisir demande :
- L’obligation pour les laboratoires de constituer des stocks suffisants pour répondre aux besoins des usagers du système de santé pour l’ensemble des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur ;
- Le renforcement, dans la loi et dans les faits, des sanctions envers les laboratoires négligents dans leur gestion de l’approvisionnement du marché français ;
- Que, si des relocalisations devaient être entreprises grâce à des financements publics, celles-ci ne concernent que des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), et prioritairement les plus anciens et concernés par des pénuries récurrentes ;
- Le développement d’une production publique de médicaments, à même d’assurer la fabrication continue de ceux délaissés par les laboratoires.
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Un phénomène à la dynamique explosive
Encore marginales au cours des années 2000, le nombre de pénuries de médicaments a subi une forte croissance au début de cette décennie et connait, ces dernières années, une augmentation des plus préoccupantes.
En effet, alors qu’en 2016 on recensait déjà 405 pénuries, ce chiffre a quasiment triplé en l’espace de 3 ans pour atteindre 1.200 l’année dernière. Pire, l’Agence nationale du médicament prévoit qu’en 2020, notamment en conséquence de la crise sanitaire, ce sont 2.400 ruptures qui seront constatées, six fois plus qu’en 2016.
Cette situation est d’autant plus alarmante que ces médicaments déclarés en pénurie par les laboratoires partagent tous une caractéristique primordiale : il s’agit de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), pour lesquels une interruption de traitement peut être susceptible de mettre en jeu le pronostic vital des patients. Rien que ça !
Les piètres alternatives aux médicaments en pénurie
Cette situation déjà extrêmement préoccupante est aggravée par les solutions alternatives proposées par les laboratoires, rarement à la hauteur des enjeux sanitaires.
Ainsi, notre étude montre que dans 30% des situations, les industriels renvoient vers un autre médicament, solution parfois médiocre puisque les substitutions peuvent entraîner des effets secondaires plus importants, ou nécessiter un temps d’adaptation à la nouvelle posologie, particulièrement pour les patients âgés.
Plus révélateur encore du danger des pénuries, 12% des producteurs orientent les professionnels de santé vers des solutions de derniers recours, comme la diminution de la posologie. Enfin, et c’est le plus grave, dans près d’un cas sur cinq (18%), les laboratoires ne proposent tout simplement aucune solution de substitution, laissant entrevoir pour les malades une terrible impasse, des annulations de traitements, et in fine, des conséquences médicales qui peuvent être lourdes.
Dans la course à la rentabilité des laboratoires, c’est l’usager qui souffre
Souvent bien légers dans la gestion des pénuries, les laboratoires semblent en outre faire preuve d’une coupable avidité dans leur processus de production et d’approvisionnement.
Notre étude, sur la base d’une analyse du profil des médicaments en pénurie, montre en effet que les médicaments qui font l’objet de tensions d’approvisionnement ne sont pas les molécules récentes vendues à prix d’or.
Au contraire, le portrait-robot d’un médicament en pénurie est celui d’un produit ancien (75% sont commercialisés depuis plus de 20 ans) et vendu peu cher (3/4 coûtent moins de 25 euros, et même 1/4 moins de 4 euros). Les industriels semblent donc bien faire le choix de sécuriser l’approvisionnement des médicaments rentables, au détriment des plus anciens, pourtant toujours indispensables aux usagers.
C’est en effet cette stratégie de rationalisation à tout prix des coûts qui fragilise la chaîne du médicament. Tout d’abord, les industriels ont massivement fait le choix de l’externalisation : 80% du volume de principes actifs est fabriqué en dehors de l’Union européenne, contre 20% il y a 30 ans.
A cela s’ajoute l’ultra fragmentation des étapes d’élaboration des médicaments aboutissant, par effet domino, à l’assèchement total de l’approvisionnement à la suite de la moindre défaillance d’un maillon de la chaîne de production.
A cet ensemble déjà très fragilisé, s’ajoute la volonté des industriels de produire en flux tendu, méthode logiquement incompatible avec les fluctuations imprévues de la demande mondiale. Dans ces conditions, et alors que des relocalisations de production sont enfin envisagées, il serait inacceptable que des subventions publiques soient déviées de leur but par les laboratoires.
Les aides éventuelles doivent aller à la production en Europe des médicaments anciens et à l’utilité démontrée, régulièrement touchés par des pénuries, et non vers les onéreuses innovations thérapeutiques, déjà largement produites en Europe.
La déplorable incurie des pouvoirs publics
Au lieu de développer des mesures de prévention des pénuries, les réponses proposées par les pouvoirs publics sont majoritairement de l’ordre de la gestion, et sont, qui plus est, lacunaires.
Les plans de gestion des pénuries, pourtant désormais obligatoires pour les MITM, souffrent de leur manque d’uniformisation, se construisant au gré des interprétations des laboratoires quant à leur contenu.
Pire, les obligations de service public des industriels semblent de l’ordre de l’anecdote tant le nombre de sanctions prononcées pour rupture de stock est dérisoire : deux seulement contre des laboratoires en 2019, qui plus est pour des montants ridicule (830 euros et 5.807 euros), alors que jamais la situation n’a été aussi préoccupante !
Il est grand temps de réarmer l’Etat face aux producteurs, en augmentant dans la loi les possibilités de sanction… et en n’ayant pas la main qui tremble à l’heure d’en faire usage.
Même l’élaboration de stocks de médicaments, qui relève pourtant du bon sens, est négligée. Comment accepter qu’aux quatre mois de stocks proposés en décembre par les parlementaires, le gouvernement prévoit de répondre avec un décret (toujours pas publié) n’imposant que deux mois de stocks ? Quand on sait que la durée médiane des ruptures d’approvisionnement en officine est de 8 mois en 2020, le compte n’y est tout simplement pas.
Préoccupée par l’explosion du phénomène des pénuries de médicaments, et par ses conséquences désastreuses pour la santé des usagers, l’UFC-Que Choisir demande :
- L’obligation pour les laboratoires de constituer des stocks suffisants pour répondre aux besoins des usagers du système de santé pour l’ensemble des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur ;
- Le renforcement, dans la loi et dans les faits, des sanctions envers les laboratoires négligents dans leur gestion de l’approvisionnement du marché français ;
- Que, si des relocalisations devaient être entreprises grâce à des financements publics, celles-ci ne concernent que des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), et prioritairement les plus anciens et concernés par des pénuries récurrentes ;
- Le développement d’une production publique de médicaments, à même d’assurer la fabrication continue de ceux délaissés par les laboratoires.
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