Le tiers des personnes âgées de plus de 65 ans vivaient seules au pays, selon le recensement de 2016. Et parmi les gens de 85 ans et plus, ce taux atteignait 56% chez les femmes et 29% chez les hommes.
Est-ce à dire qu’à partir d’un certain âge –où l’on doit parfois composer avec une perte d’autonomie physique ou psychologique– vivre en solo signifie être isolé du monde et se sentir malheureux, comme on l’entend souvent dans le discours public?
Pas tout à fait, d’après une étude effectuée avec la collaboration de l’organisme Les Petits Frères auprès de 32 femmes et 11 hommes âgés de 65 à 93 ans habitant seuls dans la région de Montréal. Dirigé par Michèle Charpentier, de l’École de travail social de l’UQAM, le projet a réuni une équipe de recherche dont faisait partie le professeur adjoint Maryse Soulières de l’École de travail social de l’Université de Montréal.
L’objectif de l’étude était, dans un premier temps, d’explorer la perception qu’ont les personnes âgées vivant seules de leur quotidien et de leurs relations sociales sous l’angle de la théorie de la sociologie de l’expérience. Cette théorie fait référence à la façon dont un individu comprend sa réalité et lui donne un sens et aux moyens qu’il utilise pour s’y adapter.
Dans un deuxième temps, l’équipe de recherche a soumis ses résultats à quelque 120 personnes qui travaillent auprès des aînés, dont des intervenants psychosociaux, des bénévoles, des dirigeants d’organismes communautaires et des décideurs.
Parmi les personnes âgées ayant pris part à l’étude –dont certaines présentaient des pertes d’autonomie fonctionnelle importantes au quotidien–, plus de la moitié habitaient seules depuis plus de 25 ans et la très grande majorité avaient un revenu modeste, soit moins de 25 000 $ par année (ndlr : environ 18.000 euros). Elles vivaient soit dans leur maison ou leur appartement, dans des HLM ou des coopératives d’habitation ou encore dans des résidences pour aînés.
Interrogés entre 2016 et 2019 sur leurs expériences de vie et sur les moyens utilisés pour se débrouiller au jour le jour, la plupart des sujets ont dit que leurs enfants occupaient une place centrale dans leur vie sociale.
Majoritairement, celles et ceux qui n’avaient pas d’enfants ou qui n’avaient plus de contact avec eux conservaient des liens avec des jeunes, tels leurs petits-enfants, leurs neveux et nièces ou encore les enfants de leurs amis.
La plupart avaient aussi des amis –parfois de longue date, parfois récents– avec lesquels ils échangeaient régulièrement.
« Au cours de nos entretiens, presque tous les participants nous ont aussi parlé de leurs liaisons amoureuses, qu’il s’agisse de relations qu’ils entretenaient déjà ou de leur espoir d’en avoir une, souligne Maryse Soulières. Certaines personnes ont exprimé le besoin d’avoir une vie intime et sexuelle, tandis que d’autres –surtout des femmes– ont rapporté une certaine réticence à avoir un ami de cœur, généralement par crainte de perdre les avantages associés à leur mode de vie en solo ».
Des aînés débrouillards et utilisateurs des technologies
S’ils ont indiqué avoir des relations sociales diversifiées, les participants à l’étude ont aussi montré qu’ils savaient les préserver et en créer de nouvelles pour compenser leur isolement.
Ainsi, lorsque les rencontres en personne devenaient plus difficiles à organiser, le téléphone figurait parmi les moyens utilisés pour maintenir le contact. Plus encore, des aînés ont appris à se servir d’Internet et des réseaux sociaux avec une aisance certaine.
« L’envoi de courriels tout comme le recours à Facebook ainsi qu’à la visioconférence par Skype faisaient partie des différents moyens employés par les personnes de tous âges, ajoute Maryse Soulières. Une dame de 81 ans tenait même un blog qui lui permettait d’être en relation avec un large auditoire ».
Par ailleurs, plusieurs personnes interrogées ont affirmé prendre part à des activités sportives, de loisir et artistiques dans leur communauté rapprochée. Une autre dame âgée de 87 ans a dit affectionner ses cours hebdomadaires de danse qui lui permettaient à la fois de garder la forme et de socialiser.
Mieux s’occuper des personnes réellement isolées
Bien que la majorité des participants ai soutenu avoir une vie sociale satisfaisante –parfois même malgré une perte d’autonomie physique ou psychologique, 20% des personnes du groupe étaient en état d’isolement social important.
La plupart étaient des hommes de plus de 80 ans qui avaient vécu seuls pendant la majeure partie de leur vie. « Ils éprouvaient beaucoup de difficulté, voire une incapacité, à désigner une personne qui pourrait leur venir en aide rapidement, en cas de besoin » poursuit Maryse Soulières.
Pour certains, le cours de la vie avait érodé leur réseau social –tous leurs amis et connaissances étaient morts par exemple– tandis que d’autres se décrivaient comme des marginaux, la vie de solitaire leur convenant davantage.
« En somme, notre recherche nous indique qu’il ne faut pas mettre tous les aînés dans le même panier, plusieurs étant bien entourés de leur famille, mais aussi de leurs amis, qu’on sous-estime trop souvent » insiste Maryse Soulières.
Elle ajoute que l’étude pourrait permettre de mieux cibler et organiser des interventions destinées aux aînés qui sont vraiment isolés socialement.
« Pour ce faire, les divers intervenants doivent faire preuve d’originalité pour réussir à joindre les aînés isolés et pour rendre les services plus flexibles afin qu’ils soient accessibles lors de moments charnières, tels un déménagement forcé ou le décès des seules personnes qui faisaient partie de leur réseau », conclut le professeur.
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Est-ce à dire qu’à partir d’un certain âge –où l’on doit parfois composer avec une perte d’autonomie physique ou psychologique– vivre en solo signifie être isolé du monde et se sentir malheureux, comme on l’entend souvent dans le discours public?
Pas tout à fait, d’après une étude effectuée avec la collaboration de l’organisme Les Petits Frères auprès de 32 femmes et 11 hommes âgés de 65 à 93 ans habitant seuls dans la région de Montréal. Dirigé par Michèle Charpentier, de l’École de travail social de l’UQAM, le projet a réuni une équipe de recherche dont faisait partie le professeur adjoint Maryse Soulières de l’École de travail social de l’Université de Montréal.
L’objectif de l’étude était, dans un premier temps, d’explorer la perception qu’ont les personnes âgées vivant seules de leur quotidien et de leurs relations sociales sous l’angle de la théorie de la sociologie de l’expérience. Cette théorie fait référence à la façon dont un individu comprend sa réalité et lui donne un sens et aux moyens qu’il utilise pour s’y adapter.
Dans un deuxième temps, l’équipe de recherche a soumis ses résultats à quelque 120 personnes qui travaillent auprès des aînés, dont des intervenants psychosociaux, des bénévoles, des dirigeants d’organismes communautaires et des décideurs.
Parmi les personnes âgées ayant pris part à l’étude –dont certaines présentaient des pertes d’autonomie fonctionnelle importantes au quotidien–, plus de la moitié habitaient seules depuis plus de 25 ans et la très grande majorité avaient un revenu modeste, soit moins de 25 000 $ par année (ndlr : environ 18.000 euros). Elles vivaient soit dans leur maison ou leur appartement, dans des HLM ou des coopératives d’habitation ou encore dans des résidences pour aînés.
Interrogés entre 2016 et 2019 sur leurs expériences de vie et sur les moyens utilisés pour se débrouiller au jour le jour, la plupart des sujets ont dit que leurs enfants occupaient une place centrale dans leur vie sociale.
Majoritairement, celles et ceux qui n’avaient pas d’enfants ou qui n’avaient plus de contact avec eux conservaient des liens avec des jeunes, tels leurs petits-enfants, leurs neveux et nièces ou encore les enfants de leurs amis.
La plupart avaient aussi des amis –parfois de longue date, parfois récents– avec lesquels ils échangeaient régulièrement.
« Au cours de nos entretiens, presque tous les participants nous ont aussi parlé de leurs liaisons amoureuses, qu’il s’agisse de relations qu’ils entretenaient déjà ou de leur espoir d’en avoir une, souligne Maryse Soulières. Certaines personnes ont exprimé le besoin d’avoir une vie intime et sexuelle, tandis que d’autres –surtout des femmes– ont rapporté une certaine réticence à avoir un ami de cœur, généralement par crainte de perdre les avantages associés à leur mode de vie en solo ».
Des aînés débrouillards et utilisateurs des technologies
S’ils ont indiqué avoir des relations sociales diversifiées, les participants à l’étude ont aussi montré qu’ils savaient les préserver et en créer de nouvelles pour compenser leur isolement.
Ainsi, lorsque les rencontres en personne devenaient plus difficiles à organiser, le téléphone figurait parmi les moyens utilisés pour maintenir le contact. Plus encore, des aînés ont appris à se servir d’Internet et des réseaux sociaux avec une aisance certaine.
« L’envoi de courriels tout comme le recours à Facebook ainsi qu’à la visioconférence par Skype faisaient partie des différents moyens employés par les personnes de tous âges, ajoute Maryse Soulières. Une dame de 81 ans tenait même un blog qui lui permettait d’être en relation avec un large auditoire ».
Par ailleurs, plusieurs personnes interrogées ont affirmé prendre part à des activités sportives, de loisir et artistiques dans leur communauté rapprochée. Une autre dame âgée de 87 ans a dit affectionner ses cours hebdomadaires de danse qui lui permettaient à la fois de garder la forme et de socialiser.
Mieux s’occuper des personnes réellement isolées
Bien que la majorité des participants ai soutenu avoir une vie sociale satisfaisante –parfois même malgré une perte d’autonomie physique ou psychologique, 20% des personnes du groupe étaient en état d’isolement social important.
La plupart étaient des hommes de plus de 80 ans qui avaient vécu seuls pendant la majeure partie de leur vie. « Ils éprouvaient beaucoup de difficulté, voire une incapacité, à désigner une personne qui pourrait leur venir en aide rapidement, en cas de besoin » poursuit Maryse Soulières.
Pour certains, le cours de la vie avait érodé leur réseau social –tous leurs amis et connaissances étaient morts par exemple– tandis que d’autres se décrivaient comme des marginaux, la vie de solitaire leur convenant davantage.
« En somme, notre recherche nous indique qu’il ne faut pas mettre tous les aînés dans le même panier, plusieurs étant bien entourés de leur famille, mais aussi de leurs amis, qu’on sous-estime trop souvent » insiste Maryse Soulières.
Elle ajoute que l’étude pourrait permettre de mieux cibler et organiser des interventions destinées aux aînés qui sont vraiment isolés socialement.
« Pour ce faire, les divers intervenants doivent faire preuve d’originalité pour réussir à joindre les aînés isolés et pour rendre les services plus flexibles afin qu’ils soient accessibles lors de moments charnières, tels un déménagement forcé ou le décès des seules personnes qui faisaient partie de leur réseau », conclut le professeur.
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