Les Gros patinent bien et Le Conte d'Hiver au Théâtre du Peuple de Bussang : excellent cru 2024

On ne présente plus le Théâtre du Peuple, que nous avions découvert il y a quelques années avec Peer Gynt, puis Hamlet. Cette année la nouvelle directrice Julie Delille propose, comme il est de coutume à Bussang, deux spectacles de style et de gabarit très différents.

PAR SENIORACTU.COM | Publié le 20/08/2024

Le spectacle du soir est une reprise.

Il s’agit de « Les Gros patinent bien » de Pierre Guillois et Olivier Martin-Salvan, spectacle déjà donné sur de nombreuses scènes de l’Hexagone où il récolta un triomphe et qui lui valut, le Molière du théâtre Public en 2022.

Le sous-titre d’origine de cette pièce était d’ailleurs « Cabaret de carton », et c’est bien de cela qu’il s’agit.

Deux personnages improbables, du genre Laurel et Hardy contemporains, l’un en maillot de bain, toujours virevoltant et l’autre, tout habillé mais constamment assis, se donnent la réplique de manière burlesque, le premier sous forme de mots écrits en lettres capitales sur des bouts de carton, l’autre débitant à toute vitesse un sabir totalement incompréhensible.

Procédé qui n’est pas sans rappeler le bon vieux cinéma muet où, faute de bande son, l’écran laissait place de temps en temps à des commentaires en inscription joliment calligraphiées.

On voyage depuis le Grand Nord jusqu’à l’extrême sud de notre continent à la recherche d’une sirène, de Coca-Cola et d’un moyen de locomotion, dans de nombreuses situations rocambolesques où, les deux compères croisent toutes sortes d’animaux, de la mouette irrespectueuse au phoque malicieux, en passant par les dents d’un requin ou celles d’un ours.

Pierre Guillois retrouve ici ses chères planches de Bussang, lieu qu’il a dirigé pendant plusieurs années.

Pour la première semaine, il donne la réplique, presque constamment muette, à son complice de longue date Olivier Martin-Salvan. Les trois autres semaines sont assurées par trois autres distributions, tout autant talentueuses.

Un spectacle délirant qui plaira à tous, de 7 à 77 ans…

Le spectacle de l’après-midi rend un nouvel hommage à William Shakespeare en reprenant son émouvant « Conte d’hiver ».

La pièce, écrite vers 1610, n’est pas très souvent montée en France (on se souvient de deux mises en scène au festival d’Avignon dans les années 80 dans une traduction de Bernard-Marie Koltès), peut-être à cause d’une certaine dissymétrie de tons entre le drame des trois premiers actes et la fête champêtre de la deuxième partie, et qui se termine de manière heureuse.

Julie Delille, nouvellement nommée à la tête de ces planches vosgiennes, reprend le pari de redonner vie à ce drame de la jalousie et de la repentance.

Elle en propose une mise en scène novatrice qui recadre fortement cette opposition, avec le dernier acte où les évènements, certes heureux, ne font pas oublier ce qui s’est joué quinze ans plus tôt et qui ne pourra pas s’effacer des mémoires des protagonistes, mais aussi de nous-mêmes en tant que spectateurs.
 
Elle utilise pour cela des procédés chers à ses prédécesseurs du lieu, qui certes rallongent un peu la durée du spectacle, mais laissent place à la lumière, aux ombres et à la musique comme bien sûr, moment tant attendu, l’utilisation de l’ouverture du fond de scène ici particulièrement réussie.

Les acteurs, professionnels ou non, sont tous et toutes à la hauteur de l’enjeu.

Magnétique Baptiste Relat dans le rôle de Léonte, double d’Othello rongé par la jalousie puis par le remord, et qui glisse sur le plateau tel un Nosferatu inquiétant guettant sa proie en préparant sa vengeance.

Il reçoit d’ailleurs des applaudissements spontanés totalement mérités avant la fin de la première partie, alors que l’entracte n’est pas encore annoncé…

Laurence Cordier joue successivement les deux rôles, celui de la mère Hermione puis de sa fille Perdita. Et ce qui pourrait passer pour une simple économie d’actrice rend en fait encore plus lumineuse cette transmission de la pureté et de la fraicheur face à la noirceur psychotique de son époux et père.

On ressort de la salle le cœur serré, mais heureux d’avoir assisté à un grand moment de théâtre.


Alex Kiev


Les Gros patinent bien de Pierre Guillois et Olivier Martin-Salvan
Mercredi 18h De jeudi à samedi 20h durée 1h30
Jusqu’au 31 août

Le Conte d’hiver de William Shakespeare
Du jeudi au dimanche 15h durée 3h30 avec entracte
Jusqu’au 31 août

Théâtre du Peuple-Maurice Pottecher
40 rue du Théâtre
88540 Bussang
Billetterie 03 29 61 50 48




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