Comment avez-vous eu l’idée de transposer la pièce de Florian Zeller ?
C’est la première fois que j’adapte une oeuvre préexistante : d’ordinaire je travaille toujours sur des sujets originaux. Je développais un scénario depuis presque un an, c’est toujours long et compliqué d’écrire dans la solitude, et puis j’ai découvert Le Père, la pièce de Florian Zeller, au théâtre. J’ai été immédiatement séduit par l’originalité de la construction.
La pièce s’ouvre sur un père et sa fille qui dialoguent sur la scène pendant une quinzaine de minutes, dans une atmosphère de comédie assez légère. Il y a un noir, on passe à la scène suivante, et on retrouve le même personnage du père avec sa fille… mais cette fois elle est jouée par une autre comédienne.
On se demande alors si la première actrice était sa fille ou pas, on éprouve un doute sur la réalité du personnage qu’on vient de voir. On est dans la confusion, on hésite, et peu à peu on découvre que le héros de la pièce perd la mémoire !
Florian Zeller nous fait entrer dans la tête de son héros. Au théâtre, le point de vue est toujours celui du spectateur et là Zeller réussit à adopter un point de vue subjectif... C’est un formidable tour de force théâtral.
Comment avez-vous développé le scénario avec Jérôme Tonnerre ?
Il ne s’agissait en aucun cas de filmer une captation améliorée. Mes producteurs, Jean-Louis Livi et Philippe Carcassonne, nous ont encouragés à nous éloigner de la forme théâtrale, et Florian Zeller nous a lui-même poussés dans ce sens. (…) Nous avons cherché dans plusieurs directions et c’est Jérôme Tonnerre qui a trouvé le déclencheur en imaginant le personnage dans un avion. Sans doute parti pour un ultime voyage, un aller sans retour. Où va-t-il ? Que va-t-il trouver au bout du chemin ?
Ce voyage nous donnait une ligne directrice, en écho à la trajectoire d’un film. Rien n’est plus cinématographique évidemment qu’un personnage qui voyage d’un endroit à un autre. Je précise que ce voyage n’a rien d’imaginaire, ou de rêvé, même si le déroulement du récit apparaît, disons, comme un processus « mental » : on est dans la tête d’un homme.
Rapidement, on s’est dit que cet homme aurait un but, une idée fixe : aller rejoindre sa fille qui habite en Floride. Du coup, on ne traite pas la partie « médicale » du dossier, les symptômes de la perte de mémoire. Je ne voulais pas brosser la chronique d’une maladie. Pour moi le film, c’est l’histoire d’un homme qui va voir sa fille en Floride…
Il a une autre fille avec laquelle il est plutôt rude...
Il idéalise la fille cadette partie à l’autre bout du monde et qui lui envoie une carte postale tous les six mois ; alors que l’aînée qui passe le voir quatre fois par semaine et s’occupe de tout pour lui, est rudoyée en permanence. Tout le monde a observé cette injustice d’un père ou d’une mère qui n’aime pas ses enfants de la même façon. C’est une situation cruelle bien sûr, mais il y a aussi quelque chose de comique tant la mauvaise foi peut être grande. Ce mélange de cruauté et d’humour installe la tonalité du film…
C’est la première fois que j’adapte une oeuvre préexistante : d’ordinaire je travaille toujours sur des sujets originaux. Je développais un scénario depuis presque un an, c’est toujours long et compliqué d’écrire dans la solitude, et puis j’ai découvert Le Père, la pièce de Florian Zeller, au théâtre. J’ai été immédiatement séduit par l’originalité de la construction.
La pièce s’ouvre sur un père et sa fille qui dialoguent sur la scène pendant une quinzaine de minutes, dans une atmosphère de comédie assez légère. Il y a un noir, on passe à la scène suivante, et on retrouve le même personnage du père avec sa fille… mais cette fois elle est jouée par une autre comédienne.
On se demande alors si la première actrice était sa fille ou pas, on éprouve un doute sur la réalité du personnage qu’on vient de voir. On est dans la confusion, on hésite, et peu à peu on découvre que le héros de la pièce perd la mémoire !
Florian Zeller nous fait entrer dans la tête de son héros. Au théâtre, le point de vue est toujours celui du spectateur et là Zeller réussit à adopter un point de vue subjectif... C’est un formidable tour de force théâtral.
Comment avez-vous développé le scénario avec Jérôme Tonnerre ?
Il ne s’agissait en aucun cas de filmer une captation améliorée. Mes producteurs, Jean-Louis Livi et Philippe Carcassonne, nous ont encouragés à nous éloigner de la forme théâtrale, et Florian Zeller nous a lui-même poussés dans ce sens. (…) Nous avons cherché dans plusieurs directions et c’est Jérôme Tonnerre qui a trouvé le déclencheur en imaginant le personnage dans un avion. Sans doute parti pour un ultime voyage, un aller sans retour. Où va-t-il ? Que va-t-il trouver au bout du chemin ?
Ce voyage nous donnait une ligne directrice, en écho à la trajectoire d’un film. Rien n’est plus cinématographique évidemment qu’un personnage qui voyage d’un endroit à un autre. Je précise que ce voyage n’a rien d’imaginaire, ou de rêvé, même si le déroulement du récit apparaît, disons, comme un processus « mental » : on est dans la tête d’un homme.
Rapidement, on s’est dit que cet homme aurait un but, une idée fixe : aller rejoindre sa fille qui habite en Floride. Du coup, on ne traite pas la partie « médicale » du dossier, les symptômes de la perte de mémoire. Je ne voulais pas brosser la chronique d’une maladie. Pour moi le film, c’est l’histoire d’un homme qui va voir sa fille en Floride…
Il a une autre fille avec laquelle il est plutôt rude...
Il idéalise la fille cadette partie à l’autre bout du monde et qui lui envoie une carte postale tous les six mois ; alors que l’aînée qui passe le voir quatre fois par semaine et s’occupe de tout pour lui, est rudoyée en permanence. Tout le monde a observé cette injustice d’un père ou d’une mère qui n’aime pas ses enfants de la même façon. C’est une situation cruelle bien sûr, mais il y a aussi quelque chose de comique tant la mauvaise foi peut être grande. Ce mélange de cruauté et d’humour installe la tonalité du film…
La maladie du père permet d’évoquer un rapport au temps qui n’est plus linéaire et qui offre davantage de liberté narrative.
Il y a trois temporalités dans le film : le voyage en Floride, les deux mois qui précédent ce voyage et qui nous renseignent sur le personnage de Claude. Et puis il y a ces bouffées de mémoire qui sont comme des images mentales. Des images liées à des sensations, à des souvenirs enfouis. Par exemple, quand on enflamme une meule par accident ; quand on regarde, transi, sa mère en train de jouer du piano; ou, pendant la guerre, quand on éprouve un sentiment confus de menace. Tout cela instaure un paysage mental et sensoriel qui enrichit le personnage de Jean. J’aime ces images impressionnistes qu’on retrouve dans le cinéma d’Alain Resnais et tout particulièrement Mon oncle d’Amérique. Il suffit d’un rideau qui frémit dans un souffle de vent pour installer une rime visuelle et lier le présent et le passé…
Claude, campé par Jean Rochefort, perd toutes ses inhibitions…
La perte des inhibitions est un grand thème propre à la vieillesse. En vieillissant, on se détache de la norme et de ce que pensent les gens. On n’a plus rien à perdre à tout oser. On se rapproche aussi de l’enfance qui témoigne du même manque d’inhibitions. Claude a un but : il ne veut pas que son meilleur ami, dont il pense qu’il l’a trahi, soit enterré dans son cimetière.
Cet objectif l’active et l’anime, même s’il s’agit d’une finalité absurde qui n’a rien de concret. Et puis il y a aussi son obsession priapique : Claude se renseigne sur la sexualité des gens, que ce soit la gouvernante ou son petit-fils. Il a une curiosité qui n’est pas scabreuse, mais qui est de l’ordre de la célébration de la vie. Je voulais que le personnage digresse vers des obsessions qui témoignent d’un enracinement dans la vie. Là encore, Jean Rochefort transforme tout par sa poésie et sa truculence.
Il chante une chanson de Jean Sablon, « puisque vous partez en voyage »…
C’est une des coïncidences magiques d’un tournage. Je voulais un moment de complicité entre Claude et sa fille, et sur le plateau, Jean a proposé cette chanson. C’est seulement après coup que je me suis rendu compte que cela faisait écho avec le thème du voyage en Floride. Cette destination du voyage nous est venue presque par hasard, puis elle s’est déclinée peu à peu en plusieurs motifs. Il y a la voiture Floride, le jus d’orange, il y a Miami et les palmiers… La Floride devient cet endroit mythique où on est protégé, où plus rien ne peut vous atteindre. C’est le lieu de l’apaisement, où tout ce qui vous fait violence dans la vie cesse de vous faire mal. Au fond, la Floride, c’est un peu la salle de cinéma, un écran-écrin où l’on peut rêver, où ceux qu’on aime sont à jamais avec vous…
Il y a trois temporalités dans le film : le voyage en Floride, les deux mois qui précédent ce voyage et qui nous renseignent sur le personnage de Claude. Et puis il y a ces bouffées de mémoire qui sont comme des images mentales. Des images liées à des sensations, à des souvenirs enfouis. Par exemple, quand on enflamme une meule par accident ; quand on regarde, transi, sa mère en train de jouer du piano; ou, pendant la guerre, quand on éprouve un sentiment confus de menace. Tout cela instaure un paysage mental et sensoriel qui enrichit le personnage de Jean. J’aime ces images impressionnistes qu’on retrouve dans le cinéma d’Alain Resnais et tout particulièrement Mon oncle d’Amérique. Il suffit d’un rideau qui frémit dans un souffle de vent pour installer une rime visuelle et lier le présent et le passé…
Claude, campé par Jean Rochefort, perd toutes ses inhibitions…
La perte des inhibitions est un grand thème propre à la vieillesse. En vieillissant, on se détache de la norme et de ce que pensent les gens. On n’a plus rien à perdre à tout oser. On se rapproche aussi de l’enfance qui témoigne du même manque d’inhibitions. Claude a un but : il ne veut pas que son meilleur ami, dont il pense qu’il l’a trahi, soit enterré dans son cimetière.
Cet objectif l’active et l’anime, même s’il s’agit d’une finalité absurde qui n’a rien de concret. Et puis il y a aussi son obsession priapique : Claude se renseigne sur la sexualité des gens, que ce soit la gouvernante ou son petit-fils. Il a une curiosité qui n’est pas scabreuse, mais qui est de l’ordre de la célébration de la vie. Je voulais que le personnage digresse vers des obsessions qui témoignent d’un enracinement dans la vie. Là encore, Jean Rochefort transforme tout par sa poésie et sa truculence.
Il chante une chanson de Jean Sablon, « puisque vous partez en voyage »…
C’est une des coïncidences magiques d’un tournage. Je voulais un moment de complicité entre Claude et sa fille, et sur le plateau, Jean a proposé cette chanson. C’est seulement après coup que je me suis rendu compte que cela faisait écho avec le thème du voyage en Floride. Cette destination du voyage nous est venue presque par hasard, puis elle s’est déclinée peu à peu en plusieurs motifs. Il y a la voiture Floride, le jus d’orange, il y a Miami et les palmiers… La Floride devient cet endroit mythique où on est protégé, où plus rien ne peut vous atteindre. C’est le lieu de l’apaisement, où tout ce qui vous fait violence dans la vie cesse de vous faire mal. Au fond, la Floride, c’est un peu la salle de cinéma, un écran-écrin où l’on peut rêver, où ceux qu’on aime sont à jamais avec vous…