Conseil National de la Refondation "Bien Vieillir" : discours de J-C Combe, ministre de l'Autonomie

A l’occasion du lancement du Conseil National de la Refondation du Bien Vieillir, Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées est intervenu. Voici les grandes lignes de son discours prononcé le 11 octobre 2022.

PAR SENIORACTU.COM | Publié le 14/10/2022

Le point de départ c’est un constat que tout le monde connait : la population des pays développés vieillit. C’est-à-dire que la natalité baisse et que l’espérance de vie s’allonge. En 2030, un tiers de la population française aura plus de 60 ans.
 
Aujourd’hui que disons-nous ? Que c’est un sujet qui ne concerne pas uniquement les personnes qui avancent en âge, leur famille, et ceux qui prennent soin d’elles. Nous disons que c’est un sujet sociétal et qui doit donc embarquer l’ensemble de la société.
 
  1. C’est un sujet sociétal parce que toutes les étapes de la vie, toutes les activités que nous pratiquons, tous les secteurs de l'action publique sont concernés : le logement, le sport, la culture, la mobilité, la santé évidement. J’ai déjà eu l’occasion de le dire et cela peut paraitre évident mais bien vieillir c’est tout au long de la vie et ça commence dès la naissance.
  2. C’est un sujet sociétal ensuite parce qu’il touche à l’équilibre de notre modèle de protection sociale, à la solidarité entre les générations. Aujourd’hui nous refusons de choisir entre soutenir la jeunesse et accompagner ceux qui ont fait la route avant eux.
  3. C’est un sujet sociétal enfin, parce qu’il touche au regard que nous portons collectivement sur le vieillissement, sur ce qui nous enracine, sur les vulnérabilités aussi. Et ce regard doit changer si nous voulons réussir cette transition démographique.


Alors de quoi allons-nous parler ?

Sur la question du « bien vieillir », il y a une double temporalité : le court terme et le long terme.
 
Le court terme c’est l’urgence, c’est la poursuite de la transformation de l’offre, c’est ce que nous avons lancé sur la maltraitance.
 
L’urgence, c’est de soutenir le secteur médico-social face à l’inflation et aux difficultés de recrutement. Aucun Gouvernement n’a fait plus que nous depuis 1 an : 4 milliards pour revaloriser les salaires dans le champ médico-social, la création de la 5ème branche, la transparence et les contrôles pour rétablir la confiance dans les EHPAD, et dans le prochain PLFSS, 1,5 milliards sur l’autonomie, contre l’inflation, pour les recrutements, la transformation des EHPAD et la création des nouveaux services autonomie à domicile
 
Ce n’est jamais assez, mais tout cela c’est du concret, tout cela nous l’avons fait et nous allons continuer.
 
L’urgence c’est de faire cesser les maltraitances, maintenant, sans attendre. Ce n'est pas un projet simple nous le savons : il touche les organisations de travail, les effectifs disponibles.
 
Nous ne devons jamais accepter la maltraitance, ni dans des grandes organisations qui accueillent et qui soignent, ni dans les familles où une personne dépend de proches ou de professionnels pour se lever, pour avoir un soin ou un repas.
 
C'est pour cela que j’ai annoncé une stratégie dédiée qui nous permettra de rejoindre les ambitions internationales de la décennie du vieillissement en bonne santé lancé par l'Organisation mondiale de la santé.
 
L’urgence c’est enfin de continuer à transformer l’offre et d’accélérer sur le domicile. C’est le choix des Français, c’est notre choix, c’est un choix qui doit embarquer l’ensemble du secteur car tout le monde à un rôle à jouer : les service d’aide et soin, les EHPAD ou encore les aidants et tous ce qui peut leur offrir du répit.
 
Ce choix du domicile est déjà largement entamé, mais il doit monter en puissance pour accompagner, sur le long terme, cette transition démographique.
 
Le long terme, voilà l’objet du CNR que nous lançons ensemble ce soir. C’est à la fois la mobilisation de l’ensemble de la société, et puis c’est le choix d’une série de mesures, petites et grandes, que nous pouvons financer et mettre en place pour réussir cette transition.
 
Vous le comprenez bien : l’action du Gouvernement se poursuit sur le court-terme pendant que le CNR prépare le long-terme.

Trois thématiques ont été retenues pour ces travaux : adapter la société, promouvoir la citoyenneté et le lien social et enfin revaloriser les métiers.

  • Comment adapter nos territoires, nos villes et nos transports ?
  • Comment concevoir des horaires d’activité municipales, des lieux pour les bancs publics, des éclairages le soir, des adaptations dans les équipements culturels et sportifs, pour que les villes soient plus habitables pour les aînés ?
  • Comment adapter les logements ?
  • Comment mettre la liberté au cœur des choix de vie des personnes ?
  • Comment promouvoir les comportements qui permettent de maintenir l’autonomie le plus longtemps possible ?
  • Comment faire en sorte que les personnes âgées vivent en lien et participent pleinement à la vie de la Cité ?
  • Comment sécuriser et réduire tout qui empêche les personnes âgées de sortir de chez elles ?
  • Comment lutter contre le fléau de l’isolement social ?
  • Comment permettre à un conjoint, à une fille ou un fils, qui donnent du temps pour leur proche, de penser aussi un peu à eux, d’avoir des moments de repos où le souci de l’autre est un peu apaisé parce qu’une autre main, une autre ressource, est là pour prendre le relais ?
  • Comment donner envie à des femmes et à des hommes de devenir animateur, cuisinier, auxiliaire de vie, médecin gériatre ou infirmière en pratiques avancées spécialisée en gériatrie ?
  • Comment créer un écosystème favorable à de nouvelles actions bénévoles au service des personnes âgées ?
 
Voici quelques questions auxquelles je vous proposerai de répondre. Et nous en soulèverons certainement d’autres. Car c’est l’esprit du CNR, c’est la méthode que nous proposons.
 
Alors je souhaite terminer par cette question de la méthode, qui est, je crois, essentielle.

Je tire de mon expérience à la Croix-Rouge trois convictions.

  1. La première, c’est qu’on épuise l’intelligence collective à poser inlassablement les mêmes constats sans passer aux solutions. Depuis 2018, 18 rapports et 372 propositions ont été produites sur le sujet. L’heure n’est plus aux constats mais à la mise en œuvre des solutions. Des propositions opérationnelles, le Gouvernement en mettra sur la table.
  2. La deuxième conviction, c’est que des solutions qui ne se frottent pas aux réalités du terrain et de ses besoins, sont des solutions inutilisables et donc inutiles. Nous allons donc organiser 10 ateliers dans plusieurs départements, le Nord, la Marne, la Normandie, nous irons également dans les Outre-mer. Et nous allons y aller pour parler des modalités concrètes de mise en œuvre. Pour repérer les solutions locales et qui nécessitent une levée de freins réglementaires, organisationnels ou financiers pour pouvoir être généralisés. Je tiens ici à remercier l’Association des maires de France et l’Assemblé des départements de France qui seront naturellement pleinement associés à ses travaux.
  3. La troisième conviction, c’est que ceux qui savent sont ceux qui font. Il est donc essentiel de donner la parole aux personnes directement concernées. Ce n’est pas seulement une question de respect, c’est une question d’efficacité.
 
La parole de ces personnes sera donc au cœur de ces travaux. Qui sont-elles ? Ce sont les personnes vieillissantes, les familles, les aidants, les professionnels et bénévoles qui en prennent soin. Notre objectif collectif doit être que les réponses que nous mettons sur la table répondent aux questions qu’elles se posent.
 
Pour traduire l’approche large et sociétale dont je parlais toute à l’heure, il nous faudra aussi associer une grande diversité de métiers : des artisans, des transporteurs, des architectes et bien sûr les élus locaux et notamment les départements avec qui nous travaillerons très étroitement.
 
Pour traduire ces trois objectifs dans les mots, je vous propose d’appeler notre démarche « La Fabrique du bien vieillir ». Cela marque notre volonté de faire ensemble et de faire concret.

Après cette soirée de lancement, nous aurons donc une déclinaison en trois temps :

  • De novembre à mars les dix ateliers dans dix départements de métropole et d’Outre-Mer.
  • En avril trois séminaires de restitution, un par thématique.
  • Et en mai : une feuille de route de mise en œuvre concrète.
 
De tout cela, nous ressortirons avec un plan d’action et des outils qui s’inscriront dans le temps.
 
Puisque je parle de mise en œuvre, je voudrais dire un mot sur deux sujets que vous avez tous en tête : l’argent et la loi.
 
La loi d’abord. Je l’ai dit et redit : ni tabou, ni totem mais une approche pragmatique.
 
Dès qu’une disposition est prête, nous la mettons en œuvre. C’est ce que nous faisons avec le PLFSS pour l’année prochaine et c’est ce que nous continuerons à faire.
 
S’il faut une loi, grande ou petite, nous ferons une loi. Ce qui compte, c’est son ambition : c’est le contenu et son financement.
 
En ce qui concerne le besoin financement, là aussi : pas de tabou, mais pas d’irresponsabilité non plus.
 
Il faut d’abord regarder ce que nous avons mis sur la table et ce qui est déjà prévu. Pour les 5 prochaines années, le Gouvernement propose une augmentation des dépenses pour le « bien vieillir » de 9 milliards d’euros : de 32,6 milliards en 2021 à 42 Md€ en 2026.
 
Puisque je parle de loi et de financement, un mot sur la réforme des retraites. Le Ministre du Travail l’a dit : les cotisations retraite vont au financement des retraites, cela est évident. En revanche il faut avoir la vision d’ensemble : ça ne sert à rien de vouloir financer le « bien vieillir » si on n’est pas capable d’équilibrer les retraites.
 
Pas de confusion, mais pas d’hypocrisie non plus : il y a un équilibre global du système de protection sociale et c’est bien les deux qu’il nous faut : les retraites équilibrée et l’accompagnement du bien vieillir financé !
 
Et puisque je parle des retraites et d’hypocrisie je veux parler de l’emploi des seniors. Cette question est bien plus importante que les question d’âge, elle doit être au cœur du débat.  Le marché du travail ne peut pas rejeter les seniors comme il le fait encore trop souvent aujourd’hui.
 
Ce sont parfois des drames humains et surtout un immense gâchis, d’immenses pertes de compétences et de transmission. Alors il faut parler formation, il faut parler temps de travail, mais il faut encore et toujours parler regard que l’on porte sur les plus expérimentés d’entre nous.
 
Permettez-moi de finir par un mot plus personnel : je suis devenu qui suis grâce à mes grands-parents, grâce mon instituteur, monsieur Didier, qui, à quelques mois de la retraite, m’a donné le goût du travail bien fait, grâce à mes deux premiers patrons qui avaient dépassé l’âge de la retraite et continuait pourtant à transmettre et à servir l’intérêt général et grâce aux milliers de bénévoles de la Croix-Rouge qui bien souvent sont retraités et qui s’engagent au service du bien commun.










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