Sans présumer de la suite de l’expérimentation en cours qui va se poursuivre durant deux ans, il est possible à l’issue de la première année de prendre du recul, à des fins d’amélioration du dispositif en place mais aussi pour poser des premières bases et éclairer son transfert possible à d’autres territoires.
Enfin les aspects les plus pratiques et les plus contingents de cette expérimentation de terrain ont une portée plus large pour des projets similaires touchant à « l’aller vers », la préoccupation des populations plus vulnérables économiquement et socialement, la lutte contre l’isolement des personnes âgées.
Nos observations sont regroupées en quatre points qui constituent des axes essentiels de ce type d’opération et en conditionnent l’efficacité. Ils soulèvent également des questions pour lesquelles les réponses sont encore parfois à creuser ou inventer :
- La prévention chez les personnes âgées précaires
- La formation et l’accompagnement des médiateurs sociaux (et d’autres acteurs de proximité)
- Les besoins rencontrés et le rôle de différents acteurs de proximité
- Parmi les pistes d’amélioration : l’articulation avec les acteurs opérationnels et les ressources pour traiter les cas rencontrés
La prévention chez les personnes âgées précaires
De nombreuses études concernant la prévention ont été confirmées lors de ce projet. Ainsi, les actions traditionnelles de prévention ne fonctionnent pas auprès des publics précaires, et plus encore avec l’avancée en âge du public car elles sont inadaptées en l’espèce aux publics concernés.
Cette inadéquation s’explique de manière objective, d’une part, par la plus grande distance existante entre l’émetteur et le récepteur des messages de prévention et, d’autre part, pour reprendre une notion conceptualisée par le sociologue Pierre Bourdieu, par le poids des « habitus » chez les personnes âgées en situation de précarité, c’est-à-dire le fruit des expériences passées, du vécu social et de l’apprentissage.
Ceci renforce le rôle de l’acte communicationnel avec tous les présupposés nécessaires sur la dimension relationnelle et le contenu délivré. Cela renforce aussi le choix de médiateurs bien formés pour accomplir cette tâche. On observe au début de l’expérimentation une absence d’accompagnement des personnes âgées surtout parmi la population précaire et isolée.
Formation et accompagnement
Les médiateurs sociaux n’ont pas au départ de connaissance (ni parfois même une pratique) de l’accompagnement des personnes âgées.
Cela est d’ailleurs vrai pour beaucoup d’acteurs de proximité comme des bénévoles d’associations caritatives, des volontaires du service civique, des agents d’accueil territoriaux ou sociaux, et même la plupart des jeunes professionnels sanitaires et sociaux (à tous les niveaux de qualification). Ces observations ont donc une portée générale.
Un éventail très large de connaissances à acquérir
Ces agents de proximité sont confrontés à l’ensemble des situations concernant les personnes âgées, de façon souvent plus aiguë lorsque la vulnérabilité sociale et économique est présente. Ils ont donc besoin de mobiliser des connaissances dans de nombreux domaines :
- Compréhension générale du vieillissement, et en particulier travail sur les représentations et la lutte contre l’âgisme (essentiel pour favoriser l’autonomie des personnes et ne pas faire à la place sans nécessité), notions sur la fragilité du sujet âgé
- Connaissances générales sur l’environnement institutionnel : vers qui orienter en fonction de la nature des problèmes (sanitaires, sociaux, logistiques, …)
- Conduite à tenir et appréciation du degré d’urgence sanitaire
- Compréhension minimale des troubles cognitifs et de problèmes de santé mentale (attitudes à avoir, …)
- Sensibilisation et approche des aidants naturels
Des savoir-faire comportementaux
Les qualités personnelles des médiateurs sociaux et leur expérience de la médiation sociale sont les ressources de base. Cependant la particularité des situations rencontrées et l’importance des attitudes appellent une attention à la progression régulière sur les savoir-faire comportementaux.
Cela implique un investissement dans les différentes formes pédagogiques que sont l’analyse des pratiques en équipe, la simulation et les jeux de rôle,…
Ces pratiques d’équipes sont également très appropriées pour aborder les questions d’éthique et de bienveillance. Il est nécessaire et plus facile de pouvoir conduire ce type d’actions de façon régulière au fil du projet.
L’encadrement et l’organisation
Toutes les connaissances ne peuvent pas s’acquérir immédiatement, toutes les situations ne peuvent pas s’anticiper.
L’encadrement de l’équipe est donc fondamental pour gérer de façon efficace les situations rencontrées au fur et à mesure, mais aussi pour conduire dans le temps cet apprentissage.
Ces deux missions conjointes nécessitent et justifient le taux d’encadrement élevé mis en place ; c’est une condition de réussite pour de tels projets.
Nous observons à cette occasion les savoir-faire et les outils de suivi propres à la médiation sociale qui ont été mis en place : reporting individuel et par quartier, traçabilité des partenariats, fréquence hebdomadaire,…
Ce sont des pratiques inspirantes qui pourraient nourrir la réflexion et l’organisation d’autres actions de proximité similaires : associations, service civique, services sociaux et d’accueil de proximité,…
Besoins rencontrés et rôle des acteurs de proximité
L’isolement et le besoin d’échanger
L’analyse détaillée sur trois mois des situations rencontrées confirme la nature des besoins des populations âgées en habitat social et la pertinence d’une démarche de médiation sociale.
Focus sur les proches aidants
Au-delà de la réponse aux besoins de l’ensemble de la population âgée, cette première année l’expérimentation permet de souligner l’intérêt de la médiation sociale concernant les proches aidants.
Cette population se caractérise en particulier par :
- Une difficulté à se reconnaître comme tel, et donc à solliciter et utiliser les dispositifs d’accompagnement institutionnels à sa disposition,
- Une évolution dans le temps de ses besoins et de sa situation, qui rend là aussi l’offre d’accompagnement difficile à porter : une action ponctuelle d’offre de service a peu de chance de tomber au bon moment pour être entendue,
- Un facteur de risque majeur en soi, qui se traduit souvent par l’épuisement et la négligence de sa propre santé. C’est pourquoi un investissement au long court se justifie en termes de prévention.
Le suivi régulier et la confiance instaurée par les équipes de médiation sociale doivent permettre de répondre à cette situation et d’articuler progressivement l’offre de service en conséquence.
Pistes d’amélioration
Il convient d’abord de préciser que les résultats des différentes étapes du projet que l’on doit envisager comme des boucles itératives révèlent des résultats positifs. Ces constatations seront la source d’échanges entre France Médiation et le Gérontopôle Sud.
Toutefois des pistes d’amélioration peuvent être envisagées et être source d’une dynamique partagée.
Le Gérontopôle Sud a souligné l’importance des processus : identification - observations - transmission - parcours, suivi et coordination dans ce projet.
Pour chacun de ces items, les critères contraignants sont identifiés et corrigés au fur et à mesure.
A ce stade une démarche d'amélioration porte particulièrement sur l’identification et les observations des médiateurs de terrain.
Effectivement déployé depuis mars 2021 dans les Bouches-du-Rhône, ce concept sera ensuite élargi d’ici à 2023 à deux autres territoires : le département du Nord par la structure de médiation sociale Citéo et la Métropole de Lyon par la structure de médiation sociale Agence Lyon Tranquillité Médiation.
*L’association est spécialisée dans la médiation sociale sur le territoire des Bouches-du-Rhône, oeuvrant dans les champs de la prévention de la délinquance et de l'éducation par le sport depuis 2002.
Enfin les aspects les plus pratiques et les plus contingents de cette expérimentation de terrain ont une portée plus large pour des projets similaires touchant à « l’aller vers », la préoccupation des populations plus vulnérables économiquement et socialement, la lutte contre l’isolement des personnes âgées.
Nos observations sont regroupées en quatre points qui constituent des axes essentiels de ce type d’opération et en conditionnent l’efficacité. Ils soulèvent également des questions pour lesquelles les réponses sont encore parfois à creuser ou inventer :
- La prévention chez les personnes âgées précaires
- La formation et l’accompagnement des médiateurs sociaux (et d’autres acteurs de proximité)
- Les besoins rencontrés et le rôle de différents acteurs de proximité
- Parmi les pistes d’amélioration : l’articulation avec les acteurs opérationnels et les ressources pour traiter les cas rencontrés
La prévention chez les personnes âgées précaires
De nombreuses études concernant la prévention ont été confirmées lors de ce projet. Ainsi, les actions traditionnelles de prévention ne fonctionnent pas auprès des publics précaires, et plus encore avec l’avancée en âge du public car elles sont inadaptées en l’espèce aux publics concernés.
Cette inadéquation s’explique de manière objective, d’une part, par la plus grande distance existante entre l’émetteur et le récepteur des messages de prévention et, d’autre part, pour reprendre une notion conceptualisée par le sociologue Pierre Bourdieu, par le poids des « habitus » chez les personnes âgées en situation de précarité, c’est-à-dire le fruit des expériences passées, du vécu social et de l’apprentissage.
Ceci renforce le rôle de l’acte communicationnel avec tous les présupposés nécessaires sur la dimension relationnelle et le contenu délivré. Cela renforce aussi le choix de médiateurs bien formés pour accomplir cette tâche. On observe au début de l’expérimentation une absence d’accompagnement des personnes âgées surtout parmi la population précaire et isolée.
Formation et accompagnement
Les médiateurs sociaux n’ont pas au départ de connaissance (ni parfois même une pratique) de l’accompagnement des personnes âgées.
Cela est d’ailleurs vrai pour beaucoup d’acteurs de proximité comme des bénévoles d’associations caritatives, des volontaires du service civique, des agents d’accueil territoriaux ou sociaux, et même la plupart des jeunes professionnels sanitaires et sociaux (à tous les niveaux de qualification). Ces observations ont donc une portée générale.
Un éventail très large de connaissances à acquérir
Ces agents de proximité sont confrontés à l’ensemble des situations concernant les personnes âgées, de façon souvent plus aiguë lorsque la vulnérabilité sociale et économique est présente. Ils ont donc besoin de mobiliser des connaissances dans de nombreux domaines :
- Compréhension générale du vieillissement, et en particulier travail sur les représentations et la lutte contre l’âgisme (essentiel pour favoriser l’autonomie des personnes et ne pas faire à la place sans nécessité), notions sur la fragilité du sujet âgé
- Connaissances générales sur l’environnement institutionnel : vers qui orienter en fonction de la nature des problèmes (sanitaires, sociaux, logistiques, …)
- Conduite à tenir et appréciation du degré d’urgence sanitaire
- Compréhension minimale des troubles cognitifs et de problèmes de santé mentale (attitudes à avoir, …)
- Sensibilisation et approche des aidants naturels
Des savoir-faire comportementaux
Les qualités personnelles des médiateurs sociaux et leur expérience de la médiation sociale sont les ressources de base. Cependant la particularité des situations rencontrées et l’importance des attitudes appellent une attention à la progression régulière sur les savoir-faire comportementaux.
Cela implique un investissement dans les différentes formes pédagogiques que sont l’analyse des pratiques en équipe, la simulation et les jeux de rôle,…
Ces pratiques d’équipes sont également très appropriées pour aborder les questions d’éthique et de bienveillance. Il est nécessaire et plus facile de pouvoir conduire ce type d’actions de façon régulière au fil du projet.
L’encadrement et l’organisation
Toutes les connaissances ne peuvent pas s’acquérir immédiatement, toutes les situations ne peuvent pas s’anticiper.
L’encadrement de l’équipe est donc fondamental pour gérer de façon efficace les situations rencontrées au fur et à mesure, mais aussi pour conduire dans le temps cet apprentissage.
Ces deux missions conjointes nécessitent et justifient le taux d’encadrement élevé mis en place ; c’est une condition de réussite pour de tels projets.
Nous observons à cette occasion les savoir-faire et les outils de suivi propres à la médiation sociale qui ont été mis en place : reporting individuel et par quartier, traçabilité des partenariats, fréquence hebdomadaire,…
Ce sont des pratiques inspirantes qui pourraient nourrir la réflexion et l’organisation d’autres actions de proximité similaires : associations, service civique, services sociaux et d’accueil de proximité,…
Besoins rencontrés et rôle des acteurs de proximité
L’isolement et le besoin d’échanger
L’analyse détaillée sur trois mois des situations rencontrées confirme la nature des besoins des populations âgées en habitat social et la pertinence d’une démarche de médiation sociale.
Focus sur les proches aidants
Au-delà de la réponse aux besoins de l’ensemble de la population âgée, cette première année l’expérimentation permet de souligner l’intérêt de la médiation sociale concernant les proches aidants.
Cette population se caractérise en particulier par :
- Une difficulté à se reconnaître comme tel, et donc à solliciter et utiliser les dispositifs d’accompagnement institutionnels à sa disposition,
- Une évolution dans le temps de ses besoins et de sa situation, qui rend là aussi l’offre d’accompagnement difficile à porter : une action ponctuelle d’offre de service a peu de chance de tomber au bon moment pour être entendue,
- Un facteur de risque majeur en soi, qui se traduit souvent par l’épuisement et la négligence de sa propre santé. C’est pourquoi un investissement au long court se justifie en termes de prévention.
Le suivi régulier et la confiance instaurée par les équipes de médiation sociale doivent permettre de répondre à cette situation et d’articuler progressivement l’offre de service en conséquence.
Pistes d’amélioration
Il convient d’abord de préciser que les résultats des différentes étapes du projet que l’on doit envisager comme des boucles itératives révèlent des résultats positifs. Ces constatations seront la source d’échanges entre France Médiation et le Gérontopôle Sud.
Toutefois des pistes d’amélioration peuvent être envisagées et être source d’une dynamique partagée.
Le Gérontopôle Sud a souligné l’importance des processus : identification - observations - transmission - parcours, suivi et coordination dans ce projet.
Pour chacun de ces items, les critères contraignants sont identifiés et corrigés au fur et à mesure.
A ce stade une démarche d'amélioration porte particulièrement sur l’identification et les observations des médiateurs de terrain.
Effectivement déployé depuis mars 2021 dans les Bouches-du-Rhône, ce concept sera ensuite élargi d’ici à 2023 à deux autres territoires : le département du Nord par la structure de médiation sociale Citéo et la Métropole de Lyon par la structure de médiation sociale Agence Lyon Tranquillité Médiation.
*L’association est spécialisée dans la médiation sociale sur le territoire des Bouches-du-Rhône, oeuvrant dans les champs de la prévention de la délinquance et de l'éducation par le sport depuis 2002.