Être vieux, c’est encore ce qu’ils ont trouvé de mieux à faire pour s’occuper, faire la nique à la Camarde et, tant qu’à faire, emmerder le monde (une de leurs activités favorites, au sens figuré comme au sens propre, si l’on peut dire).
Moyenne d’âge de leurs artères : entre 70 et 80 balais. Moyenne d’âge mental : beaucoup, beaucoup plus basse… Dans la vie, il y a ceux qui sont vieux avant l’heure et ceux qui passent leur temps à rajeunir. Nos trois héros (quoique le mot « héros » les ferait sans doute bien rigoler) appartiennent sans hésiter à cette seconde catégorie.
Pour ceux qui n’auraient pas lu cette saga revigorante, rappelons que tout commence le jour où Lucette, l’épouse d’Antoine, quitte ce bas-monde sans crier gare. Branle-bas de combat chez Pierrot qui enfile son plus beau costard (enfin, le seul qu’il possède), sort du coma sa vieille guimbarde (une insulte à l’écologie à elle toute seule) et file sortir Mimile de sa maison de retraite (bienvenue à la « résidence Meuricy »).
Bien entendu, ils loupent la crémation. Panne de voiture, invoque Pierrot qui ne peut pas s’empêcher de faire le malin en demandant : « Y a de la gonzesse ? » Ensuite, c’est la routine des réunions de famille et d’amis qui suivent ce genre d’événement. On bavarde, on boit un coup, on évoque la mémoire de la défunte, on rigole quand même (il faut bien), on règle quelques comptes avec ceux qui restent.
La vie pourrait reprendre son cours, peinarde, entre nostalgie du bon vieux temps et souvenirs des quatre cents coups. Sauf qu’Antoine, convoqué chez le notaire, en sort avec un air furibard. Avant de s’engouffrer dans sa voiture avec, pour tout bagage, un fusil et sa mine des mauvais jours…
Inutile de s’appesantir sur le succès mérité de cette série originale, vendue à plus d’1,2 millions d’exemplaires et récompensée par une flopée de prix en tout genre. Ou alors, un tout petit peu, histoire de rappeler que le scénario et le dessin rivalisent de talent et d’ingéniosité.
Intrigues parfaites, dialogues impressionnants de finesse et de drôlerie (sans jamais tomber dans la facilité), personnages aussi attachants qu’inoubliables, le tout servi par un graphisme d’une justesse imparable, qui allie précision du trait, imagination dans la mise en scène et bonne humeur contagieuse.
Mais avec leurs vieux fourneaux, Lupano et Cauuet ne se sont pas contentés de signer une série hilarante, pittoresque et haute en couleur : à travers la passion militante de leurs trois lascars, ils donnent leur avis sur la marche du monde actuel (un peu de traviole, la marche), défendent quelques idées qui leur tiennent à cœur et rappellent au lecteur qu’on peut être drôle tout en disant des choses sérieuses (ou l’inverse).
Et quand il s’agit de ruer dans les brancards, retraite ou pas, Antoine (ex-militant syndical inflexible chez Garan-Servier) et Pierrot (vieil anar indomptable) répondent présent. Entre les « attentats gériatriques », les bonnes combines pour bloquer la porte d’une agence bancaire avec une simple allumette et les happenings de leur copain Jean-Chi (le bien nommé), ils savent faire.
Dans Les vieux fourneaux, c’est toute la société d’aujourd’hui qui défile, entre utopies nouvelles et fléaux éternels, des altermondialistes aux ravages du néocolonialisme et des zones à défendre aux marchands de pesticides. Sans oublier cette manie des boulangers de vouloir nous fourguer des baguettes aux noms ridicules.
Bilan des quatre premiers tomes : de l’humour, de l’engagement (non, ce n’est pas un gros mot) et une bonne dose de tendresse. Mais pas seulement : pour raconter une bonne histoire, il faut aussi savoir titiller l’émotion du lecteur sans tomber dans le pathos racoleur, ce qui n’est pas donné à tout le monde. À ce petit jeu, les auteurs excellent.
Et leurs trois gaillards, qui portent bien haut l’étendard de la révolte et de l’intégrité morale, n’ont pas toujours été à la hauteur de leurs belles idées, comme le révèle Sophie, la petite-fille d’Antoine, dans une scène poignante du troisième tome. « J’ai déjà eu honte, dans ma vie, comme ça, en amateur, mais depuis deux jours, j’ai vraiment l’impression d’être passé professionnel », dit Pierrot à Antoine.
« Pareil », lui répond celui-ci. Les êtres humains sont parfois bourrés de contradictions. C’est la vie. Et l’amour de la vie, justement, c’est ce qui définit le mieux cette belle épopée : alors, autant en profiter. Comme dirait Pierrot : « Ça brûle encore, dans ce vieux fourneau ! »
T. 1 : Ceux qui restent (avril 2014)
T. 2 : Bonnie and Pierrot (octobre 2014)
T. 3 : Celui qui part (novembre 2015)
T. 4 : La Magicienne (novembre 2017)
T.5. : Bons pour l’asile (à paraître, novembre 2018)
Moyenne d’âge de leurs artères : entre 70 et 80 balais. Moyenne d’âge mental : beaucoup, beaucoup plus basse… Dans la vie, il y a ceux qui sont vieux avant l’heure et ceux qui passent leur temps à rajeunir. Nos trois héros (quoique le mot « héros » les ferait sans doute bien rigoler) appartiennent sans hésiter à cette seconde catégorie.
Pour ceux qui n’auraient pas lu cette saga revigorante, rappelons que tout commence le jour où Lucette, l’épouse d’Antoine, quitte ce bas-monde sans crier gare. Branle-bas de combat chez Pierrot qui enfile son plus beau costard (enfin, le seul qu’il possède), sort du coma sa vieille guimbarde (une insulte à l’écologie à elle toute seule) et file sortir Mimile de sa maison de retraite (bienvenue à la « résidence Meuricy »).
Bien entendu, ils loupent la crémation. Panne de voiture, invoque Pierrot qui ne peut pas s’empêcher de faire le malin en demandant : « Y a de la gonzesse ? » Ensuite, c’est la routine des réunions de famille et d’amis qui suivent ce genre d’événement. On bavarde, on boit un coup, on évoque la mémoire de la défunte, on rigole quand même (il faut bien), on règle quelques comptes avec ceux qui restent.
La vie pourrait reprendre son cours, peinarde, entre nostalgie du bon vieux temps et souvenirs des quatre cents coups. Sauf qu’Antoine, convoqué chez le notaire, en sort avec un air furibard. Avant de s’engouffrer dans sa voiture avec, pour tout bagage, un fusil et sa mine des mauvais jours…
Inutile de s’appesantir sur le succès mérité de cette série originale, vendue à plus d’1,2 millions d’exemplaires et récompensée par une flopée de prix en tout genre. Ou alors, un tout petit peu, histoire de rappeler que le scénario et le dessin rivalisent de talent et d’ingéniosité.
Intrigues parfaites, dialogues impressionnants de finesse et de drôlerie (sans jamais tomber dans la facilité), personnages aussi attachants qu’inoubliables, le tout servi par un graphisme d’une justesse imparable, qui allie précision du trait, imagination dans la mise en scène et bonne humeur contagieuse.
Mais avec leurs vieux fourneaux, Lupano et Cauuet ne se sont pas contentés de signer une série hilarante, pittoresque et haute en couleur : à travers la passion militante de leurs trois lascars, ils donnent leur avis sur la marche du monde actuel (un peu de traviole, la marche), défendent quelques idées qui leur tiennent à cœur et rappellent au lecteur qu’on peut être drôle tout en disant des choses sérieuses (ou l’inverse).
Et quand il s’agit de ruer dans les brancards, retraite ou pas, Antoine (ex-militant syndical inflexible chez Garan-Servier) et Pierrot (vieil anar indomptable) répondent présent. Entre les « attentats gériatriques », les bonnes combines pour bloquer la porte d’une agence bancaire avec une simple allumette et les happenings de leur copain Jean-Chi (le bien nommé), ils savent faire.
Dans Les vieux fourneaux, c’est toute la société d’aujourd’hui qui défile, entre utopies nouvelles et fléaux éternels, des altermondialistes aux ravages du néocolonialisme et des zones à défendre aux marchands de pesticides. Sans oublier cette manie des boulangers de vouloir nous fourguer des baguettes aux noms ridicules.
Bilan des quatre premiers tomes : de l’humour, de l’engagement (non, ce n’est pas un gros mot) et une bonne dose de tendresse. Mais pas seulement : pour raconter une bonne histoire, il faut aussi savoir titiller l’émotion du lecteur sans tomber dans le pathos racoleur, ce qui n’est pas donné à tout le monde. À ce petit jeu, les auteurs excellent.
Et leurs trois gaillards, qui portent bien haut l’étendard de la révolte et de l’intégrité morale, n’ont pas toujours été à la hauteur de leurs belles idées, comme le révèle Sophie, la petite-fille d’Antoine, dans une scène poignante du troisième tome. « J’ai déjà eu honte, dans ma vie, comme ça, en amateur, mais depuis deux jours, j’ai vraiment l’impression d’être passé professionnel », dit Pierrot à Antoine.
« Pareil », lui répond celui-ci. Les êtres humains sont parfois bourrés de contradictions. C’est la vie. Et l’amour de la vie, justement, c’est ce qui définit le mieux cette belle épopée : alors, autant en profiter. Comme dirait Pierrot : « Ça brûle encore, dans ce vieux fourneau ! »
T. 1 : Ceux qui restent (avril 2014)
T. 2 : Bonnie and Pierrot (octobre 2014)
T. 3 : Celui qui part (novembre 2015)
T. 4 : La Magicienne (novembre 2017)
T.5. : Bons pour l’asile (à paraître, novembre 2018)