Nos retraites sont aujourd'hui plus longues, et nous les vivons mieux. Une femme qui a pris sa retraite en 2012 à 60 ans et 9 mois disposera en moyenne de sa retraite pendant 26 ans et demi, soit 4 années de plus qu'une femme qui serait partie en 1982, à 60 ans. Avec une perspective de 22 années de retraite, le gain est identique pour les hommes.
C'est une chance pour chacun d'entre nous, comme pour la société. Mais c'est un défi pour l'avenir de nos régimes de retraites.
Ce bel héritage, nous nous devons de le préserver. Nous en avons les moyens. Nous en avons d'autant plus les moyens que nous bénéficions d'un dynamisme démographique exceptionnel.
Avec deux enfants par femme en moyenne contre 1,6 en moyenne pour l'Union européenne, la France assure le remplacement des générations.
En 2035, le « choc démographique » de l'arrivée à la retraite des générations nombreuses de l'après-guerre aura fini de produire ses effets. Nos régimes de retraite retrouveront une stabilité sur le plan démographique, et seront donc durablement équilibrés, alors que la situation devrait continuer de se dégrader dans les pays qui nous entourent.
Cela nous permet d'envisager avec confiance l'avenir à long terme de nos régimes. A condition toutefois que nous sachions faire aujourd'hui les efforts nécessaires pour assurer leur équilibre financier dans la période intermédiaire.
La tâche n'est pas simple. En 2000, il y avait encore quatre retraités pour dix actifs ; aujourd'hui, il y a près de cinq retraités pour dix actifs ; en 2035, ce sera sept retraités pour dix actifs.
Le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus était encore de 12 millions en 2000 ; il est aujourd'hui de 15 millions et sera de 20 millions en 2035. S'agissant de l'espérance de vie à 60 ans, elle va continuer à augmenter et atteindre un peu plus de 25 ans pour les hommes et 30 ans pour les femmes en 2035.
A l'horizon 2020, le besoin de financement est de l'ordre de 21 Mdeuros, dont 7,6 Mdeuros pour le régime général et les régimes assimilés ; à l'horizon 2035, il pourrait atteindre 27 Mdeuros.
C'est ma responsabilité que de rétablir durablement l'équilibre.
Pour y parvenir, il n'est pas d'autre solution que d'allonger la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d'une pension à taux plein.
Ne pas le faire, ce serait s'exposer soit à une diminution des pensions des actuels comme des futurs retraités, soit à une augmentation insupportable des prélèvements.
Les Français comprennent que les gains d'espérance de vie dont ils bénéficient doivent être partagés entre le temps du travail et le temps à la retraite.
La clé de ce partage fixée depuis 10 ans (qui affecte deux tiers des gains d'espérance de vie au travail, un tiers à la retraite) me paraît équilibrée. Elle aboutit à une augmentation de la durée de cotisation de l'ordre d'un trimestre tous les trois ans.
Je veux rassurer tout de suite les personnes qui vont partir à la retraite d'ici 2020. Le gouvernement ne propose pas un changement des règles. Un nouveau report de l'âge de départ à la retraite ou une accélération de l'augmentation de la durée de cotisations ne produirait d'ailleurs que des économies modestes. Mais il aurait un impact brutal sur les intéressés mais aussi sur les comptes du chômage et les minima sociaux. Ainsi l'augmentation de la durée de cotisation se fera comme prévu par la loi jusqu'en 2020.
Entre 2020 et 2035, nous poursuivrons l'augmentation de la durée de cotisation, au rythme d'un trimestre tous les trois ans. Chacun connaîtra ainsi précisément l'âge auquel il pourra partir à la retraite. A l'issue de ce processus, la génération née en 1973 devra avoir cotisé 43 ans pour bénéficier d'une cotisation à taux plein, contre 41 ans et demie aujourd'hui pour la génération née en 1956. Nous pourrons alors nous arrêter là, à 43 ans, puisque, à partir de 2035, la démographie permettra aux régimes de retraite de s'équilibrer.
Certains contestent cette augmentation de la durée de cotisation. Je leur dit franchement que je la préfère à la diminution du niveau des pensions.
D'autres nous accusent de ne pas avoir eu la main assez lourde et nous reprochent de ne pas avoir reculé l'âge légal de départ à la retraite, comme ils l'ont fait en 2010. Mais, si le recul de l'âge légal génère des économies immédiates, il pénalise ceux qui ont commencé tôt leur carrière professionnelle.
Le système que je propose est plus juste car il tient compte de l'âge de début de la carrière professionnelle, il ne bloque pas les personnes ayant acquis toutes leurs annuités. La réforme de 2010 a d'ailleurs créé bien des injustices.
C'est pourquoi l'une des premières actions de mon gouvernement a été d'y remédier en rétablissant le droit à partir à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler très jeunes et qui peuvent justifier des annuités nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein. 140 000 personnes par an peuvent utiliser ce nouveau dispositif.
L'allongement de la durée de cotisation est aussi plus efficace pour assurer le financement des régimes dans la durée. Il conduira petit à petit à un recul de l'âge effectif de départ à la retraite. C'est en cela que cette mesure est une réforme structurelle majeure.
Elle s'appliquera à tous : salariés du privé, fonctionnaires et agents des entreprises publiques.
A l'horizon 2020, il est nécessaire de solliciter d'autres sources de financement pour assurer l'équilibre de nos régimes de retraite.
C'est l'effort que je demande aux Français.
Les partenaires sociaux ont montré l'exemple lorsqu'ils ont, au printemps dernier, pris les mesures qui leur paraissaient nécessaires pour assurer l'équilibre des régimes de retraite complémentaire, l'ARRCO et l'AGIRC.
Je le dis immédiatement : j'écarte l'augmentation de la CSG. Elle pèserait sur l'ensemble des ménages. Elle n'a pas été créée pour financer les retraites. Ce sont donc les cotisations sociales qui seront sollicitées, à un faible niveau et progressivement. C'était le voeu des organisations de salariés.
Elles augmenteront de 0,15 point en 2014, puis de 0,05 chacune des années suivantes jusqu'en 2017. En 2017, l'accroissement sera donc limité à 0,3 point. Tous les régimes seront concernés, celui des fonctionnaires, les régimes spéciaux, comme le régime général ou par exemple celui des indépendants, selon des modalités propres.
S'agissant des retraités, il n'y aura pas non plus d'augmentation du taux de CSG qui leur est applicable. Nous ne toucherons pas plus à l'abattement de 10% dont ils bénéficient sur leur impôt sur le revenu car cette mesure rendrait beaucoup de retraités imposables.
Enfin, il est hors de question de recalculer ou de baisser les retraites. Le gouvernement refuse de sous-indexer les pensions pour plusieurs années.
Les retraités seront néanmoins mis à contribution sous deux formes.
Une mesure générale, tout d'abord : au lieu d'intervenir au 1er avril, la revalorisation annuelle des pensions interviendra désormais au 1er octobre. L'augmentation aura bien lieu chaque année ; elle sera simplement décalée.
Une mesure plus ciblée ensuite, qui est aussi une mesure de justice. Les parents de trois enfants et plus bénéficient, lorsqu'ils liquident leur pension, d'une majoration de cette pension de 10%. Cette majoration est aujourd'hui exonérée de l'impôt sur le revenu, contrairement au reste de la pension. Elle y sera désormais soumise. Cette mesure sera bien entendu applicable à tous les régimes.
A ce stade, je voudrais insister sur deux éléments :
Grâce à ces dispositions, nous équilibrerons en 2020 le régime général et les régimes qui lui sont associés ; ensuite, l'alignement progressif de la durée de cotisation jusqu'à 43 ans permettra de garantir cet équilibre des régimes en 2040.
Pour y veiller, un mécanisme de pilotage sera mis en place. Il permettra notamment de corriger la trajectoire si les besoins de financement se révèlent plus importants que prévu. Le cas échéant, il reviendra in fine à l'autorité politique, après concertation avec les partenaires sociaux, de prendre les décisions nécessaires.
Je veux enfin évoquer la question des régimes de fonctionnaires et des régimes spéciaux. Pour réaffirmer d'abord que tous les salariés du public, comme ceux du privé, sont concernés par la réforme et pour dissiper un certain nombre de préjugés.
La durée de cotisation des fonctionnaires est alignée sur celle des salariés du privé, elle le sera en 2017 pour les agents des régimes spéciaux. Leur âge effectif de départ à la retraite augmente régulièrement. A l'exception des fonctionnaires en catégorie active, comme les pompiers ou les policiers, les fonctionnaires partent à la retraite à un âge effectif proche des salariés du privé.
Quant au calcul des pensions, la commission Moreau a montré que les taux de remplacement étaient proches, autour de 75%. Si l'on voulait aligner les règles, cela demanderait de revoir les modes de rémunération des fonctionnaires - et notamment la question des primes qui ne comptent pas pour la retraite - sans apport financier pour le système de retraite.
La réforme que je propose a vocation à rééquilibrer durablement les comptes mais aussi à corriger bon nombre d'injustices.
La première touche ceux qui ont effectué durant des années des travaux pénibles et qui, de ce fait, ne pourront espérer la même durée de vie à la retraite que leurs collègues de la même génération.
Le gouvernement a décidé de créer un « compte personnel de prévention de la pénibilité ». Le principe est simple : tout salarié exposé à un facteur de pénibilité voit son compte crédité d'un point par trimestre d'exposition. Ou de deux points en cas d'exposition à plusieurs facteurs de pénibilité.
Le salarié pourra utiliser son compte, soit pour suivre une formation et ainsi envisager une reconversion qualifiante, soit pour travailler à temps partiel à la fin de sa carrière, avec compensation de la baisse de rémunération, soit enfin, pour partir à la retraite plus tôt que ce que le droit commun lui permettrait.
L'objectif est d'abord de permettre à un maximum de personnes de sortir du travail pénible avant que celui-ci n'entraîne des conséquences irréversibles sur leur santé. Ensuite d'aider à la gestion des fins de carrière et au maintien en emploi des seniors exposés à des facteurs de pénibilité. Enfin, de tirer les conséquences sur la retraite des conditions de travail très difficiles que connaissent certains salariés.
Je rappelle que la réforme Fillon avait écarté la pénibilité pour en rester à l'invalidité. Et seules 5000 personnes ont pu bénéficier du dispositif prévu.
Dans la réforme que je propose, près de 20% des salariés du secteur privé auront vocation à détenir un compte pénibilité.
Je souhaite que ce compte puisse être mis en place en 2015. Nous aurons le souci qu'il ne soit pas complexe en gestion pour les entreprises comme pour les salariés.
Le mécanisme montera en charge progressivement. Mais il serait anormal que les personnes exposées à des facteurs de pénibilité, aujourd'hui très proches de la retraite et qui, de ce fait, ne pourront créditer leur compte très longtemps, ne puissent partir plus tôt à la retraite. Pour ces salariés, il sera prévu une majoration des points portés au compte.
Le coût du volet pénibilité devrait représenter moins de 1 Mdeuros à l'horizon 2020 et quelque 2 à 2,5 Mdeuros à l'horizon 2035.
Son financement devrait, à compter de 2016, reposer sur une contribution payée par toutes les entreprises au titre de la solidarité inter-professionnelle et modulée en fonction de la pénibilité propre à chacune des entreprises.
Ce dispositif ne s'appliquera pas aux agents qui bénéficient d'ores et déjà de mécanismes de réparation spécifique sous forme de départ anticipé à la retraite. C'est le cas dans la fonction publique des catégories actives.
Le compte personnel de prévention de la pénibilité va ainsi dans le sens de l'équité entre salariés du public et salariés du privé.
Un autre sujet d'injustice en matière de retraite est celle faite aux femmes.
Comment admettre que les femmes aient aujourd'hui une retraite inférieure de près de 30% à celle des hommes ? Les inégalités de rémunération en sont certes la cause - et le combat du gouvernement pour l'égalité salariale entre les femmes et les hommes doit permettre de les réduire - mais les modalités de calcul des retraites les aggravent. Plus de trois millions de femmes travaillent à temps partiel. Elles occupent 82% des emplois à temps partiel. Or les règles de validation des trimestres pénalisent les salariés qui combinent bas salaires et temps partiel, et donc très largement les femmes. Je souhaite que ces salariés puissent désormais valider 4 trimestres par année travaillée. A cet effet, il sera possible d'acquérir un trimestre avec 150H SMIC de cotisations au lieu de 200.
La maternité sera ensuite mieux prise en compte pour les femmes qui partent en retraite au titre des carrières longues et pour celles qui ont connu de longs congés de maternité.
Il nous faut enfin réformer les droits familiaux de retraite. Aujourd'hui, la majoration de 10% des pensions ne concerne que les parents de trois enfants et plus. En outre, ainsi que le rapport Moreau le démontre, cet avantage bénéficie pour 70% à des hommes et pour 30% à des femmes. Le Gouvernement souhaite engager une refonte de cette majoration afin qu'elle bénéficie davantage aux femmes et qu'elle puisse intervenir dès le premier enfant.
Pour les retraités actuels et ceux partant à la retraite d'ici à 2020, les règles actuelles ne sont pas modifiées. Au-delà de 2020, la majoration actuelle sera progressivement plafonnée et transformée en majoration forfaitaire par enfant. Elle bénéficiera principalement aux femmes.
S'agissant des jeunes, il nous faut améliorer la situation des jeunes en apprentissage ou en alternance qui, du fait de leur faible niveau de rémunération, ne peuvent valider tous les trimestres qu'ils travaillent. Là encore, les règles seront modifiées, de sorte qu'un trimestre d'apprentissage soit désormais un trimestre validé pour la retraite.
Enfin, s'agissant de la validation d'une partie des études, j'ai entendu la demande de certaines organisations syndicales et de mouvements de jeunes. Il existe aujourd'hui un dispositif de rachat de trimestres d'études. Le gouvernement mettra en place une aide forfaitaire dans la limite de quatre trimestres.
Les nouvelles modalités de validation des trimestres doivent également permettre une meilleure prise en compte des carrières heurtées, marquées par du chômage, de la situation des poly-pensionnés, ainsi que de celle des personnes atteintes de handicap.
Par ailleurs, pour les personnes qui ont commencé à travailler avant 20 ans et ont connu d'importantes périodes de chômage, nous aménagerons le décret du 3 juillet 2012 pour prendre en compte, dans le calcul des annuités, deux trimestres de chômage supplémentaires.
Enfin, des mesures seront prises conformément à l'engagement du président de la République pour les petites pensions agricoles.
Nous mettrons en place une garantie d'une pension minimale de 75% du Smic pour un exploitant qui a eu une carrière complète, par la création d'un complément différentiel de retraite complémentaire.
Je souhaite enfin rendre le système de retraite plus simple et plus lisible.
Les Français considèrent qu'ils sont mal informés sur leurs droits futurs, sur l'âge possible de leur départ en retraite et sur le niveau probable de leur pension.
Le gouvernement va prendre plusieurs initiatives :
- La création d'un compte retraite unique pour chaque assuré, permettant d'avoir les informations sur les trimestres et salaires validés sur l'ensemble de leur carrière, et pour tous les régimes
- La création d'un simulateur de retraite en ligne. Il permettra de connaître, en fonction de l'âge de départ, le montant futur de la retraite.
- La création d'une demande unique de retraite en ligne. Ce sera aux organismes de retraite de se coordonner, et non aux citoyens de multiplier les démarches.
Pour assurer la conduite de ces chantiers, sera créée une structure inter-régimes.
La création de ces outils et de ces procédures simplifiées permettra de diminuer le coût de gestion des régimes, qui reste trop élevé au regard de ceux de nos voisins européens. Ce sera une économie substantielle.
Mesdames, messieurs, il n'y a pas d'un côté une réforme des retraites, de l'autre une politique économique.
Notre priorité c'est la croissance et l'emploi. Car nous n'acceptons pas que dans un pays comme le nôtre, tant de personnes soient privées de ce qui fait la force de notre économie, mais au-delà, de notre société : le travail. La place du travail est et doit rester centrale dans notre modèle social.
C'est parce que le travail est notre référence que nous sommes convaincus que la bataille de l'emploi est un combat sans relâche.
Les chiffres du chômage du mois de juillet constituent un encouragement pour poursuivre dans la voie que nous avons tracée. Bien sûr, le retournement n'est pas encore là, mais deux éléments majeurs sont au rendez-vous. Je pense d'abord à la très faible hausse constatée sur le nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A, dans la continuité des chiffres des deux derniers mois. Et je pense surtout à la baisse du chômage des jeunes, pour le troisième mois consécutif. C'est l'effet de notre politique de l'emploi.
La création du Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) permet aux entreprises, par la baisse du coût du travail, de retrouver les moyens de recruter, d'innover et d'investir.
Nous voulons être cohérents.
Sur la base et dans le cadre des travaux du Haut Conseil du financement de la protection sociale, nous engagerons une réforme pour que le financement de la protection sociale, et de la branche famille en particulier, pèse moins sur le coût du travail et donc sur l'emploi.
Cette évolution sera engagée dès 2014, de sorte qu'il n'y ait pas de hausse du coût du travail l'année prochaine.
De même, le soutien à la consommation exige que nous sollicitions, le moins possible, les ménages au titre de la fiscalité. C'est pourquoi l'option de la CSG a été écartée et je vous annonce ce soir que l'indexation du barème de l'impôt sur le revenu sera rétablie, alors qu'elle avait été supprimée par nos prédécesseurs.
Plus largement, les efforts d'économies engagés et qui se poursuivent permettent de tendre en 2014 vers une quasi-stabilisation des prélèvements obligatoires.
Voilà, Mesdames et Messieurs, le sens de la réforme que je propose aux Français.
C'est une réforme responsable : elle tient compte de cette réalité incontournable qu'est l'allongement de l'espérance de vie dans notre société.
C'est une réforme juste, qui accorde enfin à certaines catégories de travailleurs les droits qui leur avaient été refusés lors des réformes précédentes. Trop d'injustices se sont accumulées par le passé, auxquelles nous avons décidé de nous attaquer résolument.
C'est aussi une réforme équilibrée, qui partage équitablement les efforts entre toutes les forces de la Nation.
Enfin, c'est une réforme structurelle, qui assure l'avenir de nos régimes de retraite et dont le pilotage garantit l'équilibre à moyen et long terme.
Au terme de cette concertation qui a été intense, et où j'ai eu à coeur d'écouter tous les partenaires sociaux, c'est sur ce projet que le Gouvernement a arrêté sa position. C'est ce projet que je présenterai dès demain sous la forme d'une communication au Conseil des ministres
C'est une chance pour chacun d'entre nous, comme pour la société. Mais c'est un défi pour l'avenir de nos régimes de retraites.
Ce bel héritage, nous nous devons de le préserver. Nous en avons les moyens. Nous en avons d'autant plus les moyens que nous bénéficions d'un dynamisme démographique exceptionnel.
Avec deux enfants par femme en moyenne contre 1,6 en moyenne pour l'Union européenne, la France assure le remplacement des générations.
En 2035, le « choc démographique » de l'arrivée à la retraite des générations nombreuses de l'après-guerre aura fini de produire ses effets. Nos régimes de retraite retrouveront une stabilité sur le plan démographique, et seront donc durablement équilibrés, alors que la situation devrait continuer de se dégrader dans les pays qui nous entourent.
Cela nous permet d'envisager avec confiance l'avenir à long terme de nos régimes. A condition toutefois que nous sachions faire aujourd'hui les efforts nécessaires pour assurer leur équilibre financier dans la période intermédiaire.
La tâche n'est pas simple. En 2000, il y avait encore quatre retraités pour dix actifs ; aujourd'hui, il y a près de cinq retraités pour dix actifs ; en 2035, ce sera sept retraités pour dix actifs.
Le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus était encore de 12 millions en 2000 ; il est aujourd'hui de 15 millions et sera de 20 millions en 2035. S'agissant de l'espérance de vie à 60 ans, elle va continuer à augmenter et atteindre un peu plus de 25 ans pour les hommes et 30 ans pour les femmes en 2035.
A l'horizon 2020, le besoin de financement est de l'ordre de 21 Mdeuros, dont 7,6 Mdeuros pour le régime général et les régimes assimilés ; à l'horizon 2035, il pourrait atteindre 27 Mdeuros.
C'est ma responsabilité que de rétablir durablement l'équilibre.
Pour y parvenir, il n'est pas d'autre solution que d'allonger la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d'une pension à taux plein.
Ne pas le faire, ce serait s'exposer soit à une diminution des pensions des actuels comme des futurs retraités, soit à une augmentation insupportable des prélèvements.
Les Français comprennent que les gains d'espérance de vie dont ils bénéficient doivent être partagés entre le temps du travail et le temps à la retraite.
La clé de ce partage fixée depuis 10 ans (qui affecte deux tiers des gains d'espérance de vie au travail, un tiers à la retraite) me paraît équilibrée. Elle aboutit à une augmentation de la durée de cotisation de l'ordre d'un trimestre tous les trois ans.
Je veux rassurer tout de suite les personnes qui vont partir à la retraite d'ici 2020. Le gouvernement ne propose pas un changement des règles. Un nouveau report de l'âge de départ à la retraite ou une accélération de l'augmentation de la durée de cotisations ne produirait d'ailleurs que des économies modestes. Mais il aurait un impact brutal sur les intéressés mais aussi sur les comptes du chômage et les minima sociaux. Ainsi l'augmentation de la durée de cotisation se fera comme prévu par la loi jusqu'en 2020.
Entre 2020 et 2035, nous poursuivrons l'augmentation de la durée de cotisation, au rythme d'un trimestre tous les trois ans. Chacun connaîtra ainsi précisément l'âge auquel il pourra partir à la retraite. A l'issue de ce processus, la génération née en 1973 devra avoir cotisé 43 ans pour bénéficier d'une cotisation à taux plein, contre 41 ans et demie aujourd'hui pour la génération née en 1956. Nous pourrons alors nous arrêter là, à 43 ans, puisque, à partir de 2035, la démographie permettra aux régimes de retraite de s'équilibrer.
Certains contestent cette augmentation de la durée de cotisation. Je leur dit franchement que je la préfère à la diminution du niveau des pensions.
D'autres nous accusent de ne pas avoir eu la main assez lourde et nous reprochent de ne pas avoir reculé l'âge légal de départ à la retraite, comme ils l'ont fait en 2010. Mais, si le recul de l'âge légal génère des économies immédiates, il pénalise ceux qui ont commencé tôt leur carrière professionnelle.
Le système que je propose est plus juste car il tient compte de l'âge de début de la carrière professionnelle, il ne bloque pas les personnes ayant acquis toutes leurs annuités. La réforme de 2010 a d'ailleurs créé bien des injustices.
C'est pourquoi l'une des premières actions de mon gouvernement a été d'y remédier en rétablissant le droit à partir à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler très jeunes et qui peuvent justifier des annuités nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein. 140 000 personnes par an peuvent utiliser ce nouveau dispositif.
L'allongement de la durée de cotisation est aussi plus efficace pour assurer le financement des régimes dans la durée. Il conduira petit à petit à un recul de l'âge effectif de départ à la retraite. C'est en cela que cette mesure est une réforme structurelle majeure.
Elle s'appliquera à tous : salariés du privé, fonctionnaires et agents des entreprises publiques.
A l'horizon 2020, il est nécessaire de solliciter d'autres sources de financement pour assurer l'équilibre de nos régimes de retraite.
C'est l'effort que je demande aux Français.
Les partenaires sociaux ont montré l'exemple lorsqu'ils ont, au printemps dernier, pris les mesures qui leur paraissaient nécessaires pour assurer l'équilibre des régimes de retraite complémentaire, l'ARRCO et l'AGIRC.
Je le dis immédiatement : j'écarte l'augmentation de la CSG. Elle pèserait sur l'ensemble des ménages. Elle n'a pas été créée pour financer les retraites. Ce sont donc les cotisations sociales qui seront sollicitées, à un faible niveau et progressivement. C'était le voeu des organisations de salariés.
Elles augmenteront de 0,15 point en 2014, puis de 0,05 chacune des années suivantes jusqu'en 2017. En 2017, l'accroissement sera donc limité à 0,3 point. Tous les régimes seront concernés, celui des fonctionnaires, les régimes spéciaux, comme le régime général ou par exemple celui des indépendants, selon des modalités propres.
S'agissant des retraités, il n'y aura pas non plus d'augmentation du taux de CSG qui leur est applicable. Nous ne toucherons pas plus à l'abattement de 10% dont ils bénéficient sur leur impôt sur le revenu car cette mesure rendrait beaucoup de retraités imposables.
Enfin, il est hors de question de recalculer ou de baisser les retraites. Le gouvernement refuse de sous-indexer les pensions pour plusieurs années.
Les retraités seront néanmoins mis à contribution sous deux formes.
Une mesure générale, tout d'abord : au lieu d'intervenir au 1er avril, la revalorisation annuelle des pensions interviendra désormais au 1er octobre. L'augmentation aura bien lieu chaque année ; elle sera simplement décalée.
Une mesure plus ciblée ensuite, qui est aussi une mesure de justice. Les parents de trois enfants et plus bénéficient, lorsqu'ils liquident leur pension, d'une majoration de cette pension de 10%. Cette majoration est aujourd'hui exonérée de l'impôt sur le revenu, contrairement au reste de la pension. Elle y sera désormais soumise. Cette mesure sera bien entendu applicable à tous les régimes.
A ce stade, je voudrais insister sur deux éléments :
Grâce à ces dispositions, nous équilibrerons en 2020 le régime général et les régimes qui lui sont associés ; ensuite, l'alignement progressif de la durée de cotisation jusqu'à 43 ans permettra de garantir cet équilibre des régimes en 2040.
Pour y veiller, un mécanisme de pilotage sera mis en place. Il permettra notamment de corriger la trajectoire si les besoins de financement se révèlent plus importants que prévu. Le cas échéant, il reviendra in fine à l'autorité politique, après concertation avec les partenaires sociaux, de prendre les décisions nécessaires.
Je veux enfin évoquer la question des régimes de fonctionnaires et des régimes spéciaux. Pour réaffirmer d'abord que tous les salariés du public, comme ceux du privé, sont concernés par la réforme et pour dissiper un certain nombre de préjugés.
La durée de cotisation des fonctionnaires est alignée sur celle des salariés du privé, elle le sera en 2017 pour les agents des régimes spéciaux. Leur âge effectif de départ à la retraite augmente régulièrement. A l'exception des fonctionnaires en catégorie active, comme les pompiers ou les policiers, les fonctionnaires partent à la retraite à un âge effectif proche des salariés du privé.
Quant au calcul des pensions, la commission Moreau a montré que les taux de remplacement étaient proches, autour de 75%. Si l'on voulait aligner les règles, cela demanderait de revoir les modes de rémunération des fonctionnaires - et notamment la question des primes qui ne comptent pas pour la retraite - sans apport financier pour le système de retraite.
La réforme que je propose a vocation à rééquilibrer durablement les comptes mais aussi à corriger bon nombre d'injustices.
La première touche ceux qui ont effectué durant des années des travaux pénibles et qui, de ce fait, ne pourront espérer la même durée de vie à la retraite que leurs collègues de la même génération.
Le gouvernement a décidé de créer un « compte personnel de prévention de la pénibilité ». Le principe est simple : tout salarié exposé à un facteur de pénibilité voit son compte crédité d'un point par trimestre d'exposition. Ou de deux points en cas d'exposition à plusieurs facteurs de pénibilité.
Le salarié pourra utiliser son compte, soit pour suivre une formation et ainsi envisager une reconversion qualifiante, soit pour travailler à temps partiel à la fin de sa carrière, avec compensation de la baisse de rémunération, soit enfin, pour partir à la retraite plus tôt que ce que le droit commun lui permettrait.
L'objectif est d'abord de permettre à un maximum de personnes de sortir du travail pénible avant que celui-ci n'entraîne des conséquences irréversibles sur leur santé. Ensuite d'aider à la gestion des fins de carrière et au maintien en emploi des seniors exposés à des facteurs de pénibilité. Enfin, de tirer les conséquences sur la retraite des conditions de travail très difficiles que connaissent certains salariés.
Je rappelle que la réforme Fillon avait écarté la pénibilité pour en rester à l'invalidité. Et seules 5000 personnes ont pu bénéficier du dispositif prévu.
Dans la réforme que je propose, près de 20% des salariés du secteur privé auront vocation à détenir un compte pénibilité.
Je souhaite que ce compte puisse être mis en place en 2015. Nous aurons le souci qu'il ne soit pas complexe en gestion pour les entreprises comme pour les salariés.
Le mécanisme montera en charge progressivement. Mais il serait anormal que les personnes exposées à des facteurs de pénibilité, aujourd'hui très proches de la retraite et qui, de ce fait, ne pourront créditer leur compte très longtemps, ne puissent partir plus tôt à la retraite. Pour ces salariés, il sera prévu une majoration des points portés au compte.
Le coût du volet pénibilité devrait représenter moins de 1 Mdeuros à l'horizon 2020 et quelque 2 à 2,5 Mdeuros à l'horizon 2035.
Son financement devrait, à compter de 2016, reposer sur une contribution payée par toutes les entreprises au titre de la solidarité inter-professionnelle et modulée en fonction de la pénibilité propre à chacune des entreprises.
Ce dispositif ne s'appliquera pas aux agents qui bénéficient d'ores et déjà de mécanismes de réparation spécifique sous forme de départ anticipé à la retraite. C'est le cas dans la fonction publique des catégories actives.
Le compte personnel de prévention de la pénibilité va ainsi dans le sens de l'équité entre salariés du public et salariés du privé.
Un autre sujet d'injustice en matière de retraite est celle faite aux femmes.
Comment admettre que les femmes aient aujourd'hui une retraite inférieure de près de 30% à celle des hommes ? Les inégalités de rémunération en sont certes la cause - et le combat du gouvernement pour l'égalité salariale entre les femmes et les hommes doit permettre de les réduire - mais les modalités de calcul des retraites les aggravent. Plus de trois millions de femmes travaillent à temps partiel. Elles occupent 82% des emplois à temps partiel. Or les règles de validation des trimestres pénalisent les salariés qui combinent bas salaires et temps partiel, et donc très largement les femmes. Je souhaite que ces salariés puissent désormais valider 4 trimestres par année travaillée. A cet effet, il sera possible d'acquérir un trimestre avec 150H SMIC de cotisations au lieu de 200.
La maternité sera ensuite mieux prise en compte pour les femmes qui partent en retraite au titre des carrières longues et pour celles qui ont connu de longs congés de maternité.
Il nous faut enfin réformer les droits familiaux de retraite. Aujourd'hui, la majoration de 10% des pensions ne concerne que les parents de trois enfants et plus. En outre, ainsi que le rapport Moreau le démontre, cet avantage bénéficie pour 70% à des hommes et pour 30% à des femmes. Le Gouvernement souhaite engager une refonte de cette majoration afin qu'elle bénéficie davantage aux femmes et qu'elle puisse intervenir dès le premier enfant.
Pour les retraités actuels et ceux partant à la retraite d'ici à 2020, les règles actuelles ne sont pas modifiées. Au-delà de 2020, la majoration actuelle sera progressivement plafonnée et transformée en majoration forfaitaire par enfant. Elle bénéficiera principalement aux femmes.
S'agissant des jeunes, il nous faut améliorer la situation des jeunes en apprentissage ou en alternance qui, du fait de leur faible niveau de rémunération, ne peuvent valider tous les trimestres qu'ils travaillent. Là encore, les règles seront modifiées, de sorte qu'un trimestre d'apprentissage soit désormais un trimestre validé pour la retraite.
Enfin, s'agissant de la validation d'une partie des études, j'ai entendu la demande de certaines organisations syndicales et de mouvements de jeunes. Il existe aujourd'hui un dispositif de rachat de trimestres d'études. Le gouvernement mettra en place une aide forfaitaire dans la limite de quatre trimestres.
Les nouvelles modalités de validation des trimestres doivent également permettre une meilleure prise en compte des carrières heurtées, marquées par du chômage, de la situation des poly-pensionnés, ainsi que de celle des personnes atteintes de handicap.
Par ailleurs, pour les personnes qui ont commencé à travailler avant 20 ans et ont connu d'importantes périodes de chômage, nous aménagerons le décret du 3 juillet 2012 pour prendre en compte, dans le calcul des annuités, deux trimestres de chômage supplémentaires.
Enfin, des mesures seront prises conformément à l'engagement du président de la République pour les petites pensions agricoles.
Nous mettrons en place une garantie d'une pension minimale de 75% du Smic pour un exploitant qui a eu une carrière complète, par la création d'un complément différentiel de retraite complémentaire.
Je souhaite enfin rendre le système de retraite plus simple et plus lisible.
Les Français considèrent qu'ils sont mal informés sur leurs droits futurs, sur l'âge possible de leur départ en retraite et sur le niveau probable de leur pension.
Le gouvernement va prendre plusieurs initiatives :
- La création d'un compte retraite unique pour chaque assuré, permettant d'avoir les informations sur les trimestres et salaires validés sur l'ensemble de leur carrière, et pour tous les régimes
- La création d'un simulateur de retraite en ligne. Il permettra de connaître, en fonction de l'âge de départ, le montant futur de la retraite.
- La création d'une demande unique de retraite en ligne. Ce sera aux organismes de retraite de se coordonner, et non aux citoyens de multiplier les démarches.
Pour assurer la conduite de ces chantiers, sera créée une structure inter-régimes.
La création de ces outils et de ces procédures simplifiées permettra de diminuer le coût de gestion des régimes, qui reste trop élevé au regard de ceux de nos voisins européens. Ce sera une économie substantielle.
Mesdames, messieurs, il n'y a pas d'un côté une réforme des retraites, de l'autre une politique économique.
Notre priorité c'est la croissance et l'emploi. Car nous n'acceptons pas que dans un pays comme le nôtre, tant de personnes soient privées de ce qui fait la force de notre économie, mais au-delà, de notre société : le travail. La place du travail est et doit rester centrale dans notre modèle social.
C'est parce que le travail est notre référence que nous sommes convaincus que la bataille de l'emploi est un combat sans relâche.
Les chiffres du chômage du mois de juillet constituent un encouragement pour poursuivre dans la voie que nous avons tracée. Bien sûr, le retournement n'est pas encore là, mais deux éléments majeurs sont au rendez-vous. Je pense d'abord à la très faible hausse constatée sur le nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A, dans la continuité des chiffres des deux derniers mois. Et je pense surtout à la baisse du chômage des jeunes, pour le troisième mois consécutif. C'est l'effet de notre politique de l'emploi.
La création du Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) permet aux entreprises, par la baisse du coût du travail, de retrouver les moyens de recruter, d'innover et d'investir.
Nous voulons être cohérents.
Sur la base et dans le cadre des travaux du Haut Conseil du financement de la protection sociale, nous engagerons une réforme pour que le financement de la protection sociale, et de la branche famille en particulier, pèse moins sur le coût du travail et donc sur l'emploi.
Cette évolution sera engagée dès 2014, de sorte qu'il n'y ait pas de hausse du coût du travail l'année prochaine.
De même, le soutien à la consommation exige que nous sollicitions, le moins possible, les ménages au titre de la fiscalité. C'est pourquoi l'option de la CSG a été écartée et je vous annonce ce soir que l'indexation du barème de l'impôt sur le revenu sera rétablie, alors qu'elle avait été supprimée par nos prédécesseurs.
Plus largement, les efforts d'économies engagés et qui se poursuivent permettent de tendre en 2014 vers une quasi-stabilisation des prélèvements obligatoires.
Voilà, Mesdames et Messieurs, le sens de la réforme que je propose aux Français.
C'est une réforme responsable : elle tient compte de cette réalité incontournable qu'est l'allongement de l'espérance de vie dans notre société.
C'est une réforme juste, qui accorde enfin à certaines catégories de travailleurs les droits qui leur avaient été refusés lors des réformes précédentes. Trop d'injustices se sont accumulées par le passé, auxquelles nous avons décidé de nous attaquer résolument.
C'est aussi une réforme équilibrée, qui partage équitablement les efforts entre toutes les forces de la Nation.
Enfin, c'est une réforme structurelle, qui assure l'avenir de nos régimes de retraite et dont le pilotage garantit l'équilibre à moyen et long terme.
Au terme de cette concertation qui a été intense, et où j'ai eu à coeur d'écouter tous les partenaires sociaux, c'est sur ce projet que le Gouvernement a arrêté sa position. C'est ce projet que je présenterai dès demain sous la forme d'une communication au Conseil des ministres