Les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer présentent parfois des troubles praxiques et cognitifs qui les empêchent de reconnaître et d’utiliser correctement leurs couverts, et donc de s’alimenter suffisamment.
Il était important, pour le bien-être de ces résidents, de trouver un mode d’alimentation qui permettent à la fois de lutter contre la dénutrition tout en contribuant au maintien de leur autonomie, en les laissant manger seuls.
C’est ainsi qu’est né le « finger food » ou « manger-main », où les aliments sont proposés sous forme de bouchées. Il s’agit par exemple de permettre à un résident déambulant de picorer une bouchée au gré de ses allers et venues et de la manger en marchant -une façon de respecter son rythme de vie !
Un nouveau regard sur le finger food
Développée en maisons de retraite médicalisées depuis une dizaine d’années, la solution « finger food » n’est certes pas nouvelle. Mais le groupe ORPEA a choisi d’en renouveler l’approche : « en plus des considérations nutritionnelles indispensables, nous avons souhaité nous pencher également sur le plaisir des résidents. En d’autres mots, comment le finger food peut-il redonner aux résidents le plaisir de manger et d’améliorer leur bien-être ? » indiquent les responsables de ce projet dans un récent communiqué.
Pour ce faire, un défi majeur était imposé dès le stade expérimental : les bouchées proposées aux résidents devaient conserver tout leur attrait visuel, gustatif et olfactif, et évoquer les mets traditionnels dont ils étaient issus, afin de susciter l’envie de déguster.
À la demande du Dr Linda Benattar ,directrice médicale du groupe ORPEA, une étude a été menée dans ce sens par Agnès Giboreau, directrice de la recherche du Centre de recherche de l’Institut Paul Bocuse, Virginie Pouyet, chargée du projet et le Pr Gérard Cuvelier, président du département Sciences et procédés des aliments et bioproduits d’AgroParisTech au sein de huit résidences du groupe. L’objectif assigné à cette étude était de déterminer les leviers de consommation des finger foods, pour ensuite décliner des menus sous forme de bouchées au sein de l’ensemble des établissements du groupe.
De la sauce et de la couleur !
La première étape du projet vient d’être franchie. Il s’agissait tout d’abord de valider scientifiquement les critères de choix des résidents, puis de tester une série d’aliments finger food facilement mangeables à la main. La phase exploratoire a permis d’identifier quatre critères supposés incontournables : la forme, le goût, la sauce et l’homogénéité des bouchées.
Pour déterminer leur influence sur les choix et la consommation des résidents, une étude a été conduite auprès de 114 personnes âgées issus d’un des huit établissements. « Partout, soignants, ASH et cuisiniers se sont immédiatement et totalement impliqués », souligne le Dr Benattar. Par ailleurs, un questionnaire rempli pour chaque résident, après chaque repas, a permis d’identifier les aliments que les résidents choisissaient spontanément, ceux qu’ils préféraient, ainsi que leurs comportements au cours des repas et les quantités consommées.
Les premiers résultats semblent extrêmement encourageants : le plaisir de manger est au rendez-vous, au regard du faible taux de refus et des assiettes vides à la fin des repas. La solution finger food proposée correspond donc bien aux besoins des résidents -notamment parce que les bouchées peuvent être mangées indifféremment avec les doigts ou avec les couverts, laissant à chacun la liberté de choisir. Autre enseignement : la présence de sauce est un facteur apprécié, car elle permet de « mouiller » les mets et de saucer l’assiette. Les bouchées bicolores sont quant à elles préférées aux bouchées monochromes, probablement parce que les personnes âgées sont sensibles aux contrastes de couleurs : l’attractivité et la consommation sont à chaque fois plus élevées.
Par ailleurs, cette étude montre que la forme de la bouchée n’influence pas le choix des personnes âgées : simplement découpée ou moulée avec sophistication, toutes sont appréciées ! En revanche, pour des raisons méthodologiques, il n’a pas été possible de conclure à une éventuelle préférence pour les finger foods d’un goût prononcé ou au contraire plus doux.
Enfin, plus surprenant, « contrairement aux attentes initiales, une partie des résidents se révèle encore capable de faire la différence entre deux produits alimentaires et d’exprimer une préférence, la plupart du temps de façon verbale et/ou à travers son choix et sa consommation », constate Virginie Pouyet, chargée du projet au sein du Centre de Recherche de l’Institut Paul Bocuse. Une découverte qui n’étonne pas vraiment les soignants, mais qui confirme qu’il est essentiel de favoriser l’expression du libre arbitre des résidents atteints de la maladie d’Alzheimer, pour entretenir le plus longtemps possible leur autonomie.
Décliner toute une gamme de menus sous une forme « finger food »
Forts de ces premiers résultats, les chefs cuisiniers d’ORPEA et les ingénieurs agroalimentaires de l’Institut Paul Bocuse s’attellent désormais au développement d’une gamme de repas « finger food » destinée aux résidents atteints de la maladie d’Alzheimer. Le but consiste à fournir à chaque établissement du groupe un cahier de recettes préétablies que les cuisiniers seront chargés de réaliser sur site. Aucune place pour le hasard, même si les cuisiniers pourront laisser s’exprimer leur créativité : les finger foods sont élaborés en respectant scrupuleusement les menus du groupe, établis sous le contrôle d’un médecin et d’un diététicien. « Il s’agit rigoureusement des mêmes menus que ceux proposés aux autres résidents, car il est tout silmplement hors de question de laisser s’installer la moindre trace de stigmatisation par la nourriture », martelle le Dr Benattar.
En outre, chaque recette doit satisfaire à des exigences drastiques : tenue de la bouchée, aspect, fondant en bouche, texture… Et le résultat final doit répondre à un critère de taille, mais aussi, et surtout, réjouir les papilles aussi expérimentées qu’impitoyables des experts de l’Institut Paul Bocuse ! Ainsi, sont proposés au menu, des saveurs simples et des mets traditionnels, chers au palet des personnes âgées et vecteurs d’une réminiscence des souvenirs d’enfance : brocolis, épinards ou carottes moulés ; mais aussi poulet en sauce, boeuf bourguignon, bouchées colin/épinards ou saumon/poireaux, goulache de boeuf…
« Sans avoir l’ambition de révolutionner l’alimentation des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, cette étude ouvre de nouveaux horizons en s’intéressant davantage au plaisir et finalement au bien-être des personnes accueillies, plutôt qu’à la dimension nutritionnelle », résume le Dr Benattar. « En effet, nous avons toujours considéré que la conscience de l’ampleur des pathologies et de l’avancée du grand âge ne devait pas empêcher les équipes de travailler sur la notion de plaisir, ainsi que sur la recherche permanente d’amélioration et d’innovation pour offrir une prise en charge de qualité. »
Forts de ces premiers résultats fructueux, la collaboration se poursuit par un programme de doctorat sur la mémoire et l’attractivité des aliments chez les patients Alzheimer que débute Virginie Pouyet.
Il était important, pour le bien-être de ces résidents, de trouver un mode d’alimentation qui permettent à la fois de lutter contre la dénutrition tout en contribuant au maintien de leur autonomie, en les laissant manger seuls.
C’est ainsi qu’est né le « finger food » ou « manger-main », où les aliments sont proposés sous forme de bouchées. Il s’agit par exemple de permettre à un résident déambulant de picorer une bouchée au gré de ses allers et venues et de la manger en marchant -une façon de respecter son rythme de vie !
Un nouveau regard sur le finger food
Développée en maisons de retraite médicalisées depuis une dizaine d’années, la solution « finger food » n’est certes pas nouvelle. Mais le groupe ORPEA a choisi d’en renouveler l’approche : « en plus des considérations nutritionnelles indispensables, nous avons souhaité nous pencher également sur le plaisir des résidents. En d’autres mots, comment le finger food peut-il redonner aux résidents le plaisir de manger et d’améliorer leur bien-être ? » indiquent les responsables de ce projet dans un récent communiqué.
Pour ce faire, un défi majeur était imposé dès le stade expérimental : les bouchées proposées aux résidents devaient conserver tout leur attrait visuel, gustatif et olfactif, et évoquer les mets traditionnels dont ils étaient issus, afin de susciter l’envie de déguster.
À la demande du Dr Linda Benattar ,directrice médicale du groupe ORPEA, une étude a été menée dans ce sens par Agnès Giboreau, directrice de la recherche du Centre de recherche de l’Institut Paul Bocuse, Virginie Pouyet, chargée du projet et le Pr Gérard Cuvelier, président du département Sciences et procédés des aliments et bioproduits d’AgroParisTech au sein de huit résidences du groupe. L’objectif assigné à cette étude était de déterminer les leviers de consommation des finger foods, pour ensuite décliner des menus sous forme de bouchées au sein de l’ensemble des établissements du groupe.
De la sauce et de la couleur !
La première étape du projet vient d’être franchie. Il s’agissait tout d’abord de valider scientifiquement les critères de choix des résidents, puis de tester une série d’aliments finger food facilement mangeables à la main. La phase exploratoire a permis d’identifier quatre critères supposés incontournables : la forme, le goût, la sauce et l’homogénéité des bouchées.
Pour déterminer leur influence sur les choix et la consommation des résidents, une étude a été conduite auprès de 114 personnes âgées issus d’un des huit établissements. « Partout, soignants, ASH et cuisiniers se sont immédiatement et totalement impliqués », souligne le Dr Benattar. Par ailleurs, un questionnaire rempli pour chaque résident, après chaque repas, a permis d’identifier les aliments que les résidents choisissaient spontanément, ceux qu’ils préféraient, ainsi que leurs comportements au cours des repas et les quantités consommées.
Les premiers résultats semblent extrêmement encourageants : le plaisir de manger est au rendez-vous, au regard du faible taux de refus et des assiettes vides à la fin des repas. La solution finger food proposée correspond donc bien aux besoins des résidents -notamment parce que les bouchées peuvent être mangées indifféremment avec les doigts ou avec les couverts, laissant à chacun la liberté de choisir. Autre enseignement : la présence de sauce est un facteur apprécié, car elle permet de « mouiller » les mets et de saucer l’assiette. Les bouchées bicolores sont quant à elles préférées aux bouchées monochromes, probablement parce que les personnes âgées sont sensibles aux contrastes de couleurs : l’attractivité et la consommation sont à chaque fois plus élevées.
Par ailleurs, cette étude montre que la forme de la bouchée n’influence pas le choix des personnes âgées : simplement découpée ou moulée avec sophistication, toutes sont appréciées ! En revanche, pour des raisons méthodologiques, il n’a pas été possible de conclure à une éventuelle préférence pour les finger foods d’un goût prononcé ou au contraire plus doux.
Enfin, plus surprenant, « contrairement aux attentes initiales, une partie des résidents se révèle encore capable de faire la différence entre deux produits alimentaires et d’exprimer une préférence, la plupart du temps de façon verbale et/ou à travers son choix et sa consommation », constate Virginie Pouyet, chargée du projet au sein du Centre de Recherche de l’Institut Paul Bocuse. Une découverte qui n’étonne pas vraiment les soignants, mais qui confirme qu’il est essentiel de favoriser l’expression du libre arbitre des résidents atteints de la maladie d’Alzheimer, pour entretenir le plus longtemps possible leur autonomie.
Décliner toute une gamme de menus sous une forme « finger food »
Forts de ces premiers résultats, les chefs cuisiniers d’ORPEA et les ingénieurs agroalimentaires de l’Institut Paul Bocuse s’attellent désormais au développement d’une gamme de repas « finger food » destinée aux résidents atteints de la maladie d’Alzheimer. Le but consiste à fournir à chaque établissement du groupe un cahier de recettes préétablies que les cuisiniers seront chargés de réaliser sur site. Aucune place pour le hasard, même si les cuisiniers pourront laisser s’exprimer leur créativité : les finger foods sont élaborés en respectant scrupuleusement les menus du groupe, établis sous le contrôle d’un médecin et d’un diététicien. « Il s’agit rigoureusement des mêmes menus que ceux proposés aux autres résidents, car il est tout silmplement hors de question de laisser s’installer la moindre trace de stigmatisation par la nourriture », martelle le Dr Benattar.
En outre, chaque recette doit satisfaire à des exigences drastiques : tenue de la bouchée, aspect, fondant en bouche, texture… Et le résultat final doit répondre à un critère de taille, mais aussi, et surtout, réjouir les papilles aussi expérimentées qu’impitoyables des experts de l’Institut Paul Bocuse ! Ainsi, sont proposés au menu, des saveurs simples et des mets traditionnels, chers au palet des personnes âgées et vecteurs d’une réminiscence des souvenirs d’enfance : brocolis, épinards ou carottes moulés ; mais aussi poulet en sauce, boeuf bourguignon, bouchées colin/épinards ou saumon/poireaux, goulache de boeuf…
« Sans avoir l’ambition de révolutionner l’alimentation des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, cette étude ouvre de nouveaux horizons en s’intéressant davantage au plaisir et finalement au bien-être des personnes accueillies, plutôt qu’à la dimension nutritionnelle », résume le Dr Benattar. « En effet, nous avons toujours considéré que la conscience de l’ampleur des pathologies et de l’avancée du grand âge ne devait pas empêcher les équipes de travailler sur la notion de plaisir, ainsi que sur la recherche permanente d’amélioration et d’innovation pour offrir une prise en charge de qualité. »
Forts de ces premiers résultats fructueux, la collaboration se poursuit par un programme de doctorat sur la mémoire et l’attractivité des aliments chez les patients Alzheimer que débute Virginie Pouyet.