Maladies cardiovasculaires et alimentation : un lien étroit

Alors que se tiennent actuellement à Paris au Palais des Congrès les 22ème Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (SFC), des professeurs et des médecins font le point sur les liens entre les maladies cardiovasculaires et l’alimentation… Régime méditerranéen, sel et hypertension, bon gras, mauvais gras, etc.

PAR SENIORACTU.COM | Publié le Vendredi 13 Janvier 2012

Quel régime alimentaire pour quel patient ? par le docteur Bruno Pavy de Machecoul

Médecine et nutrition ont toujours été fortement liées. Depuis la deuxième moitié du 20ème siècle, les avancées médicales et thérapeutiques ont relégué l’alimentation au second plan.

Mais l’épidémie d’obésité qui se développe montre que l’alimentation peut être à l’origine de la survenue et de la progression de certaines maladies. C’est le cas des maladies cardiovasculaires qui sont l’une des complications du mode de vie alimentaire occidental. L’étude Seven Countries a montré le lien entre l’alimentation et la mortalité coronarienne. De nombreux travaux, tels que l’étude INTERHEART, ont depuis confirmé l’importance qu’il fallait accorder à l’alimentation des patients en cardiologie.

Les bénéfices du régime méditerranéen

Les études épidémiologiques sont concordantes pour montrer que l’adoption d’un « régime méditerranéen » améliore le pronostic des MCV et le contrôle des facteurs de risques (hypertension, diabète, syndrome métabolique). Les études interventionnelles sont peu nombreuses. La Lyon Heart Study11 a démontré l’effet bénéfique du régime méditerranéen enrichi en « oméga 3 » après un infarctus du myocarde sur la mortalité cardiaque.

Le régime DASH est très proche du régime méditerranéen et permet d’avoir une action anti-hypertensive proche d’une monothérapie, d’autant qu’il est limité en sel. Les principes d’une alimentation cardio-protectrice se retrouvent également dans le Programme National Nutrition Santé (PNNS), initié en 2001, avec un effort important en faveur de l’éducation nutritionnelle du public. L’équilibre entre les apports et les dépenses caloriques est la clé du contrôle du poids.

Ainsi, il faut favoriser la consommation des acides gras polyinsaturés, essentiellement les omégas 3 (qui est très déficitaire) en conseillant : l’huile de colza, les noix, les poissons gras et les aliments de la filière du lin (œufs, viande).

Et par conséquent, limiter la consommation :

- de certains acides gras saturés : acides palmitique, laurique et myristique. L’huile de palme est nettement plus mauvaise que le beurre pour les artères. A noter que les acides gras saturés ne sont pas tous délétères.

- d’oméga 6 (huiles de tournesol, maïs), déjà excédentaire,

- de produits alimentaires enrichis en « phytostérols » qui n’ont pas fait leurs preuves sur le risque cardiovasculaire,

- de sel, qui doit être contrôlée, en particulier chez l’hypertendu et l’insuffisant cardiaque, en ciblant les sources principales tel que le pain, les biscottes, les soupes, les plats industriels et les conserves.

La part des lipides ne doit pas être restreinte aux profits des sucres au risque de favoriser l’obésité et les MCV.

Sel alimentaire et hypertension artérielle : la mauvaise association par le professeur Xavier Girerd de la Pitié-Salpétrière à Paris

Les mauvaises relations entre le sel alimentaire et l’hypertension artérielle sont reconnues depuis des décennies. L’apport excessif de chlorure de sodium est communément considéré comme un facteur favorisant la survenue d’une hypertension artérielle chez l’homme.

Ce sont des anomalies de la réabsorption du sel, au niveau du rein et/ou la difficulté de son élimination par le rein, qui expliquent la relation entre sel et hypertension. Les données scientifiques récentes ont montré que ces perturbations étaient conditionnées par des anomalies du mécanisme génétique, tous les individus n’ont donc pas la même sensibilité au sel.

Ainsi, parmi les sujets n’ayant pas d’hypertension, environ 20% présentent une sensibilité au sel conduisant à une élévation de la pression artérielle lors d’une augmentation importante de leur consommation. Chez les sujets ayant déjà une hypertension, une sensibilité au sel est observée chez 40% des patients.

L’enquête ENNS a montré que la consommation quotidienne moyenne de sel était de 8 g par jour en France, or les recommandations émises depuis 2005 pour le traitement de l’hypertension artérielle suggèrent que cette consommation ne devrait pas dépasser 6 g par jour. Des actions de santé publique sont menées pour réduire le taux de sel dans la fabrication des aliments industriels dans de nombreux pays, dont la France.

Ainsi, la quantité de sel ajoutée à la fabrication du pain a été limitée en France, imposant une diminution de près de 30% par kilo de farine. L’action de la baisse de la consommation de sel sur la pression artérielle a été démontrée dans de nombreuses études. Des campagnes de communication grand public sur les bénéfices de la limitation de la consommation de sel dans l’alimentation sont donc conduites régulièrement.

Dans la forme particulière de l’hypertension qui résiste aux traitements par médicaments antihypertenseurs, on constate souvent une consommation excessive de sel. Les conseils nutritionnels sont alors d’enlever la salière de la table et de limiter les aliments riches en sel caché (fromage, charcuterie, pain, certaines préparations industrielles). Ces moyens font partie du traitement à instituer chez ces hypertendus résistants.

Maladies cardiovasculaires et alimentation : un lien étroit
Bon ou mauvais gras : pas si simple que ça ? par le docteur François Paillard de Rennes

Le gras serait-il l’ennemi du cœur et des vaisseaux ? Pas si simple. Les alimentations très riches en graisses, traditionnellement rencontrées dans les pays du Nord et de l’Est européen sont associées à un excès de maladies cardiovasculaires. Cependant la réalité est plus complexe car la qualité et la quantité des graisses consommées ont leur importance.

Plusieurs acides gras sont nuisibles :

- Les acides gras saturés (AGS) surtout présents dans les charcuteries, les viandes et les produits laitiers gras. La recommandation générale était jusqu’alors d’en consommer le moins possible. Elle a été revue de façon moins drastique à la lumière des données scientifiques récentes : les AGS ne doivent pas dépasser 12% de l’apport énergétique total (AET) dont 8% pour les trois AGS les plus athérogènes.

- Les acides gras « trans » sont définitivement à proscrire. Ceux-ci sont présents notamment dans les pâtisseries industrielles et certains plats préparés : <2% de l’AET.

La consommation de certains acides gras doit être contrôlée :

- Parmi les AG insaturés, les AG monoinsaturés sont essentiellement représentés par l’acide oléique (huiles d’olive, de colza, certaines viandes) qui peut représenter 15-20% de l’apport énergétique total.

- Au sein des AG polyinsaturés, un équilibre doit exister entre les deux acides gras essentiels précurseurs des familles d’AG polyinsaturés oméga 6 (huiles de tournesol, maïs,..) et oméga 3 (huiles de colza) : les apports conseillés pour l’acide linoléique et l’acide alpha-linolénique sont respectivement de 4-5 et 1 g/j. De plus, les oméga 3 comportent des composés à longue chaine (EPA/DHA) présents seulement dans les produits d’origine marine et que l’organisme humain ne synthétise pas ou mal. Leur bénéfice cardiovasculaire est établi et une consommation de 250 + 250 mg/j est conseillée.

- Au total, la restriction lipidique ne doit pas être excessive car la compensation par les hydrates de carbone peut être néfaste au plan métabolique et cardiovasculaire : un apport lipidique couvrant 35 à 40% de l’AET est conseillé dans le cadre d’une alimentation équilibrée et normocalorique.

Le paradoxe français : bon vin ou mauvaises graisses ? par le professeur Jean Ferrières de Toulouse

Le constat des faibles taux de mortalité par maladie coronaire en dépit d’une consommation élevée de graisses saturées et de cholestérol constitue en France un paradoxe.

Ces deux points n’ont jamais été remis en cause par les données scientifiques mêmes avec des données plus récentes. Ces taux de mortalité coronaire auraient dû augmenter au fur et à mesure de l’adoption de styles de vie plus homogènes en Europe mais les données actuelles de l’incidence et de la mortalité par maladie coronaire montre une tendance persistante à la baisse.

Le débat autour de ce paradoxe est fondamental puisqu’il touche de très près les causes de la maladie athéroscléreuse. Les graisses saturées sont considérées comme étant responsables de la genèse des plaques d’athérome vasculaire et il est nécessaire d’en réduire la quantité dans la ration quotidienne.

Très tôt, l’hypothèse que la consommation régulière de vin rouge pouvant être une des raisons à l’origine de la protection des français vis-à-vis de l’athérosclérose coronaire a été émise. De nombreux travaux réalisés en France et dans les autres pays ont ainsi montré qu’une consommation régulière d’alcool protégeait de la maladie coronaire.

Des données récentes montrent que les modes de consommation de l’alcool sont primordiaux. La consommation de vin sous une forme régulière et au cours des repas semble être la plus protectrice vis-à-vis des maladies cardiovasculaires.

Néanmoins, aucun essai thérapeutique n’a été publié à ce jour démontrant de manière formelle qu’il existait un lien entre la consommation de vin et la protection contre les maladies cardiovasculaires. Les essais thérapeutiques ne pouvant être menés sur les patients sur plusieurs années, l’épidémiologie observationnelle pour se prononcer sur le bénéfice du vin et sur les conséquences néfastes des graisses saturées reste la référence en la matière.

Les graisses saturées ne sont pas consommées de manière isolée mais au sein d’une même ration alimentaire comportant des acides gras mono-insaturés et poly-insaturés. De la même manière, la consommation de vin rouge est associée à des modes de vie particuliers et à un environnement socio-économique favorable. Il est donc illusoire d’isoler un nutriment particulier ou une graisse spécifique qui serait à l’origine de la protection cardiovasculaire des français.

La conclusion positive est que le paradoxe français replace le patient dans son environnement, c’est-à-dire la façon dont il se nourrit, dont il vit et la façon dont il pratique un exercice physique au travail ou dans les activités de loisirs.










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