A quel moment avez-vous eu envie de faire ADN ?
Depuis 2016, j’écris un film sur Madame du Barry, la maîtresse de Louis XV. Un projet long à écrire et compliqué à financer.
En 2019, Pascal Caucheteux, mon producteur, m’a dit : on ne pourra pas faire ce film cette année, mais en attendant si vous voulez en faire un autre, moins cher, allons-y. J’ai sorti des notes que j’avais depuis quelques années et je les ai mises en forme pour ADN.
Pourquoi avoir écrit ce film avec Mathieu Demy ?
Mathieu Demy est un ami dans la vie. Il venait de perdre sa mère. Je lui ai dit que je voulais faire un film qui parlait du deuil. J’avais écrit une première version seule et il est venu me rejoindre. Je sentais qu’il avait envie de s’exprimer sur le sujet, et j’aimais ses réflexions, je les trouvais pertinentes et drôles.
On a partagé ce sujet de la perte : comment gérer le deuil d’un point de vue émotionnel, mais aussi toute la logistique que cela implique et qui est la partie drôle du film : les croque-morts, le service des pompes funèbres, les aides-soignants de la maison de retraite, les horaires à respecter mais aussi le choix du cercueil, du genre de la cérémonie, des gens qu’on invite, etc.
On riait et on pleurait, et on n’était pas gênés de montrer nos émotions l’un à l’autre. Son regard a été précieux. J’ai décidé que je tournerai ADN de façon légère, comme mon premier film : en trois semaines, avec une équipe réduite dans une ambiance de court-métrage.
En fait, ça n’a pas été si simple de retrouver cette sensation-là : après avoir fait POLISSE et MON ROI, le regard d’une équipe ne peut pas être tout à fait le même, et moi je n’étais plus la même réalisatrice non plus. Donc l’envie de retrouver la sensation de mes débuts s’est volatilisée en 30 secondes dès le premier jour.
La mort du grand-père est l’élément déclencheur du récit. Comment avez-vous imaginé ce personnage ?
Le personnage du grand-père ressemble au mien, je ne vais pas vous mentir. Tout comme mon personnage et le film d’ailleurs. Mais il n’en demeure pas moins que je refuse le terme « autobiographique » que je trouve réducteur et inadéquat.
Avant de tourner ce film j’étais très obsédée par des questions identitaires, d’où je venais, que représentait l’Algérie pour moi, au quotidien mais aussi dans mon âme intérieure, ces questions-là m’obsédaient jusqu’au point de m’empêcher de dormir, donc j’ai étudié mes origines, de façon boulimique, je n’étais jamais rassasiée.
Puis je suis retournée en Algérie et là je me suis sentie Algérienne. Quelque chose de physique s’est produit : dès que je mettais les pieds à Alger, j’avais l’impression d’être dans le ventre de ma mère, en tout cas d’être dans un endroit où je me sentais bien comme peut-être jamais auparavant.
Ces sujets-là, les origines des uns et des autres, sont devenus obsessionnels, donc c’est à ce moment-là que j’ai décidé d’en faire un film, car je crois fondamentalement qu’avoir des obsessions est le bon moment pour s’exprimer.
Pour le personnage du grand-père, je voulais à la fois un personnage qui unit cette famille, un pilier en quelque sorte, mais aussi un personnage tourmenté par son passé d’homme engagé, communiste. Il ne fallait pas qu’il existe seulement par son aspect patriarche, il fallait qu’il incarne un passé intense et rugueux.
Pour comprendre la quête identitaire de mon personnage, il fallait que le grand-père existe totalement, puisqu’elle s’identifie à lui.
Les questions qui agitent la famille après la mort du grand-père, ce sont celles qui traversent toutes
les familles ?
Je ne sais pas ! En tout cas, dans la famille du film, Neige s’appuie sur les dernières années de son grand-père pour organiser la cérémonie, alors que son frère s’appuie sur la période de la jeunesse du grand-père.
Ils disent tous les deux qu’ils veulent organiser un enterrement qui « ressemble » au grand-père, mais ils cherchent aussi à dire des choses sur eux-mêmes, en somme ils ont tous les deux raison, l’un se base sur le grand-père à 93 ans, l’autre se base sur ses 20 ans, et j’avais envie de filmer cette question-là car je trouve que c’est une étape essentielle au deuil : que va-t-on montrer du défunt au monde ?
Qu’aimeriez-vous que les spectateurs tirent de la vision d’ADN ?
J’aimerais qu’ils se demandent : Qu’est-ce que mes parents m’ont transmis ? Qu’est-ce que mes grands-parents m’ont transmis ? Et qu’ai-je envie de transmettre à mon tour ?
Comment l’histoire de nos origines rejaillit dans notre vie au quotidien ? Qu’est-ce que veut dire être d’origine de tel ou tel pays ? En quoi cela se traduit-il ? Ça passe par quoi ? Par les connaissances de l’Histoire ? Par la pratique de la langue ?
C’est tout ça qui m’intéresse et que j’ai voulu questionner dans le film. En vrai et simplement, je crois que j’ai voulu faire un film CONTRE le racisme et POUR les immigrés, peu importe de quelle génération ou de quelle origine géographique. Cela n’a aucune importance.
J’ai voulu faire un film qui nous pousse à nous demander : mais d’où je viens en fait ? Quand on vit le chagrin d’un deuil, tout est bon à prendre pour soulager ce chagrin, il faut arriver à une espèce de métamorphose pour donner du sens à l’absence et parvenir presque à exister sous le regard de l’absent afin qu’il existe encore plus.
Depuis 2016, j’écris un film sur Madame du Barry, la maîtresse de Louis XV. Un projet long à écrire et compliqué à financer.
En 2019, Pascal Caucheteux, mon producteur, m’a dit : on ne pourra pas faire ce film cette année, mais en attendant si vous voulez en faire un autre, moins cher, allons-y. J’ai sorti des notes que j’avais depuis quelques années et je les ai mises en forme pour ADN.
Pourquoi avoir écrit ce film avec Mathieu Demy ?
Mathieu Demy est un ami dans la vie. Il venait de perdre sa mère. Je lui ai dit que je voulais faire un film qui parlait du deuil. J’avais écrit une première version seule et il est venu me rejoindre. Je sentais qu’il avait envie de s’exprimer sur le sujet, et j’aimais ses réflexions, je les trouvais pertinentes et drôles.
On a partagé ce sujet de la perte : comment gérer le deuil d’un point de vue émotionnel, mais aussi toute la logistique que cela implique et qui est la partie drôle du film : les croque-morts, le service des pompes funèbres, les aides-soignants de la maison de retraite, les horaires à respecter mais aussi le choix du cercueil, du genre de la cérémonie, des gens qu’on invite, etc.
On riait et on pleurait, et on n’était pas gênés de montrer nos émotions l’un à l’autre. Son regard a été précieux. J’ai décidé que je tournerai ADN de façon légère, comme mon premier film : en trois semaines, avec une équipe réduite dans une ambiance de court-métrage.
En fait, ça n’a pas été si simple de retrouver cette sensation-là : après avoir fait POLISSE et MON ROI, le regard d’une équipe ne peut pas être tout à fait le même, et moi je n’étais plus la même réalisatrice non plus. Donc l’envie de retrouver la sensation de mes débuts s’est volatilisée en 30 secondes dès le premier jour.
La mort du grand-père est l’élément déclencheur du récit. Comment avez-vous imaginé ce personnage ?
Le personnage du grand-père ressemble au mien, je ne vais pas vous mentir. Tout comme mon personnage et le film d’ailleurs. Mais il n’en demeure pas moins que je refuse le terme « autobiographique » que je trouve réducteur et inadéquat.
Avant de tourner ce film j’étais très obsédée par des questions identitaires, d’où je venais, que représentait l’Algérie pour moi, au quotidien mais aussi dans mon âme intérieure, ces questions-là m’obsédaient jusqu’au point de m’empêcher de dormir, donc j’ai étudié mes origines, de façon boulimique, je n’étais jamais rassasiée.
Puis je suis retournée en Algérie et là je me suis sentie Algérienne. Quelque chose de physique s’est produit : dès que je mettais les pieds à Alger, j’avais l’impression d’être dans le ventre de ma mère, en tout cas d’être dans un endroit où je me sentais bien comme peut-être jamais auparavant.
Ces sujets-là, les origines des uns et des autres, sont devenus obsessionnels, donc c’est à ce moment-là que j’ai décidé d’en faire un film, car je crois fondamentalement qu’avoir des obsessions est le bon moment pour s’exprimer.
Pour le personnage du grand-père, je voulais à la fois un personnage qui unit cette famille, un pilier en quelque sorte, mais aussi un personnage tourmenté par son passé d’homme engagé, communiste. Il ne fallait pas qu’il existe seulement par son aspect patriarche, il fallait qu’il incarne un passé intense et rugueux.
Pour comprendre la quête identitaire de mon personnage, il fallait que le grand-père existe totalement, puisqu’elle s’identifie à lui.
Les questions qui agitent la famille après la mort du grand-père, ce sont celles qui traversent toutes
les familles ?
Je ne sais pas ! En tout cas, dans la famille du film, Neige s’appuie sur les dernières années de son grand-père pour organiser la cérémonie, alors que son frère s’appuie sur la période de la jeunesse du grand-père.
Ils disent tous les deux qu’ils veulent organiser un enterrement qui « ressemble » au grand-père, mais ils cherchent aussi à dire des choses sur eux-mêmes, en somme ils ont tous les deux raison, l’un se base sur le grand-père à 93 ans, l’autre se base sur ses 20 ans, et j’avais envie de filmer cette question-là car je trouve que c’est une étape essentielle au deuil : que va-t-on montrer du défunt au monde ?
Qu’aimeriez-vous que les spectateurs tirent de la vision d’ADN ?
J’aimerais qu’ils se demandent : Qu’est-ce que mes parents m’ont transmis ? Qu’est-ce que mes grands-parents m’ont transmis ? Et qu’ai-je envie de transmettre à mon tour ?
Comment l’histoire de nos origines rejaillit dans notre vie au quotidien ? Qu’est-ce que veut dire être d’origine de tel ou tel pays ? En quoi cela se traduit-il ? Ça passe par quoi ? Par les connaissances de l’Histoire ? Par la pratique de la langue ?
C’est tout ça qui m’intéresse et que j’ai voulu questionner dans le film. En vrai et simplement, je crois que j’ai voulu faire un film CONTRE le racisme et POUR les immigrés, peu importe de quelle génération ou de quelle origine géographique. Cela n’a aucune importance.
J’ai voulu faire un film qui nous pousse à nous demander : mais d’où je viens en fait ? Quand on vit le chagrin d’un deuil, tout est bon à prendre pour soulager ce chagrin, il faut arriver à une espèce de métamorphose pour donner du sens à l’absence et parvenir presque à exister sous le regard de l’absent afin qu’il existe encore plus.