Rappelons qu’en France, 46% des aidants sont encore en activité et que ces derniers contribuent à hauteur de l’équivalent de 164 milliards d’euros à la politique de santé publique. Qu’elles le veuillent ou non, les entreprises sont touchées directement par le « fait aidant » via l’absentéisme des salariés aidants ou par la perte de productivité que cette situation entraîne.
Déjà, différentes entreprises se sont mobilisées en inventant des politiques avant même que l’Etat ne bouge. Casino, Novartis, Crédit Agricole Assurance, la SNCF ou encore L’Oréal, ont mis en place des systèmes destinés à faciliter la vie des salariés en situation d’aidant d’un proche. De fait, elles ont devancé l’appel, mis en place des politiques sociales relevant de la RSE ou développées par les directions des ressources humaines, parfois dans le dialogue avec les organisations syndicales.
Une plateforme -soutenue par les Groupes Bayard et Danone-, baptisée Respons’Age, s’est créée pour permettre aux salariés-aidants d’avoir un interlocuteur-conseiller hors de l’entreprise. Il faut bien comprendre qu’au-delà de ces pionniers, les choses n’avanceront pas de manière significative tant que la conscience du coût pour l’entreprise du non soutien aux salariés-aidants ne sera pas partagée…
Le monde anglo-saxon, plus pragmatique, a déjà évalué les effets des salariés-aidants sur la performance des entreprises. Aux États-Unis, une enquête récente de l’agence Ceridian, a évalué à 38 milliards de dollars par an la perte de productivité pour les entreprises. On compte là-bas 22 millions d'aidants qui ont en même temps une activité salariée. En fait, pratiquement les trois-quarts (73%) des aidants travaillent. L’âge de départ à la retraite, plus tardif qu’en France, expliquant sans doute en grande partie ce taux très élevé.
Au Canada, une étude réalisée par le même cabinet, a estimé la perte de productivité pour les entreprises à 5,5 milliards de dollars canadiens par an. Il y a 2,8 millions de salariés-aidants au Canada. Enfin, au Royaume-Uni, la perte de productivité est évaluée à 3,5 milliards de livres par an, pour 3 millions de salariés-aidants.
Transposés à la France, le coût annuel pour les entreprises françaises représente l'équivalent de 6 milliards d'euros. Ce coût devrait augmenter dans les années qui viennent, compte tenu de l'allongement de la durée de vie, du recul progressif du départ en retraite et de la hausse continue des maladies chroniques qui touchent les personnes de plus en plus jeunes.
Oui, l’entreprise, ne pourra plus éviter très longtemps cette question majeure qui participe du contrat social. Déjà, des initiatives se développent, des entreprises échangent entre elles. Mais demain, il faudra aller plus loin.
Là aussi, il n’est pas inutile d’observer les bonnes pratiques de nos voisins… Au Royaume-Unis, une association regroupant différentes entreprises, Employers for Carers, a été lancée par l'association d'aidants CarersUK, la plus importante et influente association d'aidants en Angleterre. On compte au sein de cette structure de grandes entreprises qui acquittent une cotisation pour bénéficier ainsi des réflexions et des études réalisées.
Aux Etats-Unis, l’association React, a été créée avec des entreprises. Placée sous l'égide de l'association AARP, qui regroupe 32 millions de retraités, cette structure travaille sur l'amélioration des approches des salariés-aidants. Elle conseille des entreprises et partagent les résultats et expériences qui fonctionnent bien entre ses membres.
Parmi les pistes à étudier, la question de la rétribution du nouveau congé d’aidant de proche est importante. De même que d’imaginer un « Fonds mutualisé » pour que le don de jours de congés puisse se faire au niveau des branches et non de chaque entreprise, afin de réduire les inégalités en fonction de la taille de l’employeur.
Dans la conjoncture tendue que nous connaissons, une marge de manœuvre pourrait venir de la réallocation d’une partie des sommes destinées au nécessaire soutien à l’emploi des personnes en situation de handicap. Faut-il signaler d’ailleurs que de nombreux salariés-aidants accompagnent un enfant, un compagnon ou une compagne, ou un parent faisant face à un handicap ?
Serge Guérin
Professeur à l’INSEEC Paris
Directeur du Diplôme « Gestion des établissements de santé »
Dernier ouvrage : Silver Génération. 10 idées fausses à combattre sur les seniors, Michalon
Déjà, différentes entreprises se sont mobilisées en inventant des politiques avant même que l’Etat ne bouge. Casino, Novartis, Crédit Agricole Assurance, la SNCF ou encore L’Oréal, ont mis en place des systèmes destinés à faciliter la vie des salariés en situation d’aidant d’un proche. De fait, elles ont devancé l’appel, mis en place des politiques sociales relevant de la RSE ou développées par les directions des ressources humaines, parfois dans le dialogue avec les organisations syndicales.
Une plateforme -soutenue par les Groupes Bayard et Danone-, baptisée Respons’Age, s’est créée pour permettre aux salariés-aidants d’avoir un interlocuteur-conseiller hors de l’entreprise. Il faut bien comprendre qu’au-delà de ces pionniers, les choses n’avanceront pas de manière significative tant que la conscience du coût pour l’entreprise du non soutien aux salariés-aidants ne sera pas partagée…
Le monde anglo-saxon, plus pragmatique, a déjà évalué les effets des salariés-aidants sur la performance des entreprises. Aux États-Unis, une enquête récente de l’agence Ceridian, a évalué à 38 milliards de dollars par an la perte de productivité pour les entreprises. On compte là-bas 22 millions d'aidants qui ont en même temps une activité salariée. En fait, pratiquement les trois-quarts (73%) des aidants travaillent. L’âge de départ à la retraite, plus tardif qu’en France, expliquant sans doute en grande partie ce taux très élevé.
Au Canada, une étude réalisée par le même cabinet, a estimé la perte de productivité pour les entreprises à 5,5 milliards de dollars canadiens par an. Il y a 2,8 millions de salariés-aidants au Canada. Enfin, au Royaume-Uni, la perte de productivité est évaluée à 3,5 milliards de livres par an, pour 3 millions de salariés-aidants.
Transposés à la France, le coût annuel pour les entreprises françaises représente l'équivalent de 6 milliards d'euros. Ce coût devrait augmenter dans les années qui viennent, compte tenu de l'allongement de la durée de vie, du recul progressif du départ en retraite et de la hausse continue des maladies chroniques qui touchent les personnes de plus en plus jeunes.
Oui, l’entreprise, ne pourra plus éviter très longtemps cette question majeure qui participe du contrat social. Déjà, des initiatives se développent, des entreprises échangent entre elles. Mais demain, il faudra aller plus loin.
Là aussi, il n’est pas inutile d’observer les bonnes pratiques de nos voisins… Au Royaume-Unis, une association regroupant différentes entreprises, Employers for Carers, a été lancée par l'association d'aidants CarersUK, la plus importante et influente association d'aidants en Angleterre. On compte au sein de cette structure de grandes entreprises qui acquittent une cotisation pour bénéficier ainsi des réflexions et des études réalisées.
Aux Etats-Unis, l’association React, a été créée avec des entreprises. Placée sous l'égide de l'association AARP, qui regroupe 32 millions de retraités, cette structure travaille sur l'amélioration des approches des salariés-aidants. Elle conseille des entreprises et partagent les résultats et expériences qui fonctionnent bien entre ses membres.
Parmi les pistes à étudier, la question de la rétribution du nouveau congé d’aidant de proche est importante. De même que d’imaginer un « Fonds mutualisé » pour que le don de jours de congés puisse se faire au niveau des branches et non de chaque entreprise, afin de réduire les inégalités en fonction de la taille de l’employeur.
Dans la conjoncture tendue que nous connaissons, une marge de manœuvre pourrait venir de la réallocation d’une partie des sommes destinées au nécessaire soutien à l’emploi des personnes en situation de handicap. Faut-il signaler d’ailleurs que de nombreux salariés-aidants accompagnent un enfant, un compagnon ou une compagne, ou un parent faisant face à un handicap ?
Serge Guérin
Professeur à l’INSEEC Paris
Directeur du Diplôme « Gestion des établissements de santé »
Dernier ouvrage : Silver Génération. 10 idées fausses à combattre sur les seniors, Michalon