Le rôle d'aidant et la relation à l'autre
« Est-il naturel d'être aidant ? » : pour Martyne-Isabel Forest, directrice des affaires juridiques du Réseau international francophone vulnérabilité et handicap, « le plus sage est sans doute de dire oui et non », et peut-être même « de ne pas se poser la question de la sorte ». Pour elle, il s’agit plutôt de considérer l'aidant comme un partenaire possédant des savoirs essentiels à la prise de décision ; ce que préconise également le Conseil de la CNSA depuis 2011.
Pour Hélène Davtian et Régine Scelles, psychologues cliniciennes, il existe deux enjeux dans la relation entre l'aidant et son aidé. Pour l'aidant, un enjeu de coexistence : « être à côté de son proche tout en restant soi-même, (...) être à ses côtés sans se sentir menacé et sans représenter une menace pour lui ». Pour la personne aidée, l'enjeu est que « la personne protégée fasse reconnaître ses compétences à exercer son libre arbitre concernant la nature des liens qu'elle souhaite entretenir avec son proche ». De son côté, Pascale Molinier, professeur de psychologie sociale à l'université Paris 13 évoque le « care » et une vision partenariale des relations entre celles et ceux qui prennent soins - familles ou salariés - et celles et ceux qui reçoivent le soin.
La conciliation avec la vie professionnelle
Compte tenu des tendances démographiques et économiques, de plus en plus de personnes auront à combiner travail et aide d’un proche. C’est mathématique. Pour Aurélie Damamme, maître de conférence en sociologie à l'université Paris 8, une même personne pourra être amenée à fournir de l'aide à plusieurs périodes de sa vie (périodes discontinues, continues ou chevauchées) et à aider plusieurs proches. Cette conciliation dépend du soutien apporté aux aidants, notamment dans le milieu professionnel.
Robert Anderson, responsable de l'unité conditions et qualité de vie à Eurofund, revient sur les différentes initiatives constatées dans le secteur au niveau européen : réorganisation et flexibilité du temps de travail (temps partiel, restructuration des jours de travail et des modalités de congés), possibilité de prise de congés de longue durée ou en urgence, mise à disposition d'informations, conseil et orientation du salarié vers les services à contacter, promotion d'une attitude bienveillante entre collègues. Pour lui, l'Union européenne a un rôle à jouer dans la promotion de ces bonnes pratiques et dans la mise en œuvre de recherches permettant d'évaluer l'impact de ces actions. Il estime également que cela devrait être un sujet de discussion entre syndicats et employeurs afin d'aboutir à des accords collectifs.
Vers un meilleur suivi de la santé des aidants
De nombreuses études ont démontré les répercussions négatives de l'aide sur la santé de l'aidant : fatigue, état de stress chronique causé par la réalisation continue de tâches physiquement ou émotionnellement éprouvantes pouvant aller jusqu'au burn-out, non recours aux soins...
Jean-François Buyck, médecin de santé publique, nuance cependant ces constats. En effet, les résultats de la cohorte GAZEL indiquent que, lorsque l'aidant accompagne un proche encore peu dépendant, les effets sur sa santé peuvent être positifs. La satisfaction personnelle d'apporter de l'aide à un proche en difficulté couplée à une augmentation modérée de l'activité physique et à l'adoption d'un mode de vie plus sain sont alors bénéfiques à l'aidant.
Toutefois, ces situations restent marginales. C'est ainsi que la Haute Autorité de Santé (HAS) recommande une consultation médicale annuelle aux aidants de patients Alzheimer pour être attentif à leur état psychique et nutritionnel. Elle conseille de s'assurer que les aides mises en place pour l’aidé correspondent aussi à ses besoins et préconise la mise en place de solutions de répit. La Mutualité sociale agricole a présenté une action expérimentale similaire qui consiste à proposer aux aidants un atelier de sensibilisation au stress, une consultation médicale et un échange collectif sur les solutions de répit.
Les conditions de réussite des solutions d'entraide et de répit
Les présentations dévoilées lors de cette conférence ont mis en évidence la diversité des solutions existantes pour offrir du répit aux aidants, les sortir de leur isolement, les soutenir (plateformes de répit, accueil temporaire, villages répit famille...). Les études montrent que plusieurs conditions doivent être réunies pour que le soutien soit efficace :
· Elle doit reposer sur de multiples services qui doivent être adaptables et évolutifs en fonction du besoin.
· Il est nécessaire de reconnaître le rôle des aidants et de les impliquer dans le projet de vie de la personne qu'ils soutiennent.
· Les aidants hésitent parfois à recourir à tel ou tel dispositif, il est donc indispensable de travailler sur leurs craintes (échanger avec eux, visiter un accueil de jour...)
À présent, souligne Hélène Villars, praticien hospitalier, « il est nécessaire d'évaluer le bénéfice de ce type d'action (de répit) sur la santé et la qualité de vie de la personne aidée et de son aidant, dans l'idée de faire évoluer les solutions apportées pour rester au plus proche des attentes de la dyade aidant/aidé. »
S'appuyer sur des aides techniques au quotidien
L'aide professionnelle est le premier contributeur au bien-être des aidants, mais d'autres mesures permettent d'agir en complément. C'est par exemple le cas des aides techniques qui peuvent lui faciliter le quotidien, être un élément de confort ou de sécurisation. Elles sont encore peu utilisées, souvent par manque d'information ou par méconnaissance. Pour Anne-Sophie Rigaud, chef de service à l'hôpital Broca, il faut les faire connaître aux professionnels qui les prescriront ensuite aux personnes en perte d'autonomie et à leurs aidants. Mais pour Vincent Rialle, maître de conférences, il faut veiller à ce que la puissance technologique n'impose pas sa logique et ses exigences…
Source
« Est-il naturel d'être aidant ? » : pour Martyne-Isabel Forest, directrice des affaires juridiques du Réseau international francophone vulnérabilité et handicap, « le plus sage est sans doute de dire oui et non », et peut-être même « de ne pas se poser la question de la sorte ». Pour elle, il s’agit plutôt de considérer l'aidant comme un partenaire possédant des savoirs essentiels à la prise de décision ; ce que préconise également le Conseil de la CNSA depuis 2011.
Pour Hélène Davtian et Régine Scelles, psychologues cliniciennes, il existe deux enjeux dans la relation entre l'aidant et son aidé. Pour l'aidant, un enjeu de coexistence : « être à côté de son proche tout en restant soi-même, (...) être à ses côtés sans se sentir menacé et sans représenter une menace pour lui ». Pour la personne aidée, l'enjeu est que « la personne protégée fasse reconnaître ses compétences à exercer son libre arbitre concernant la nature des liens qu'elle souhaite entretenir avec son proche ». De son côté, Pascale Molinier, professeur de psychologie sociale à l'université Paris 13 évoque le « care » et une vision partenariale des relations entre celles et ceux qui prennent soins - familles ou salariés - et celles et ceux qui reçoivent le soin.
La conciliation avec la vie professionnelle
Compte tenu des tendances démographiques et économiques, de plus en plus de personnes auront à combiner travail et aide d’un proche. C’est mathématique. Pour Aurélie Damamme, maître de conférence en sociologie à l'université Paris 8, une même personne pourra être amenée à fournir de l'aide à plusieurs périodes de sa vie (périodes discontinues, continues ou chevauchées) et à aider plusieurs proches. Cette conciliation dépend du soutien apporté aux aidants, notamment dans le milieu professionnel.
Robert Anderson, responsable de l'unité conditions et qualité de vie à Eurofund, revient sur les différentes initiatives constatées dans le secteur au niveau européen : réorganisation et flexibilité du temps de travail (temps partiel, restructuration des jours de travail et des modalités de congés), possibilité de prise de congés de longue durée ou en urgence, mise à disposition d'informations, conseil et orientation du salarié vers les services à contacter, promotion d'une attitude bienveillante entre collègues. Pour lui, l'Union européenne a un rôle à jouer dans la promotion de ces bonnes pratiques et dans la mise en œuvre de recherches permettant d'évaluer l'impact de ces actions. Il estime également que cela devrait être un sujet de discussion entre syndicats et employeurs afin d'aboutir à des accords collectifs.
Vers un meilleur suivi de la santé des aidants
De nombreuses études ont démontré les répercussions négatives de l'aide sur la santé de l'aidant : fatigue, état de stress chronique causé par la réalisation continue de tâches physiquement ou émotionnellement éprouvantes pouvant aller jusqu'au burn-out, non recours aux soins...
Jean-François Buyck, médecin de santé publique, nuance cependant ces constats. En effet, les résultats de la cohorte GAZEL indiquent que, lorsque l'aidant accompagne un proche encore peu dépendant, les effets sur sa santé peuvent être positifs. La satisfaction personnelle d'apporter de l'aide à un proche en difficulté couplée à une augmentation modérée de l'activité physique et à l'adoption d'un mode de vie plus sain sont alors bénéfiques à l'aidant.
Toutefois, ces situations restent marginales. C'est ainsi que la Haute Autorité de Santé (HAS) recommande une consultation médicale annuelle aux aidants de patients Alzheimer pour être attentif à leur état psychique et nutritionnel. Elle conseille de s'assurer que les aides mises en place pour l’aidé correspondent aussi à ses besoins et préconise la mise en place de solutions de répit. La Mutualité sociale agricole a présenté une action expérimentale similaire qui consiste à proposer aux aidants un atelier de sensibilisation au stress, une consultation médicale et un échange collectif sur les solutions de répit.
Les conditions de réussite des solutions d'entraide et de répit
Les présentations dévoilées lors de cette conférence ont mis en évidence la diversité des solutions existantes pour offrir du répit aux aidants, les sortir de leur isolement, les soutenir (plateformes de répit, accueil temporaire, villages répit famille...). Les études montrent que plusieurs conditions doivent être réunies pour que le soutien soit efficace :
· Elle doit reposer sur de multiples services qui doivent être adaptables et évolutifs en fonction du besoin.
· Il est nécessaire de reconnaître le rôle des aidants et de les impliquer dans le projet de vie de la personne qu'ils soutiennent.
· Les aidants hésitent parfois à recourir à tel ou tel dispositif, il est donc indispensable de travailler sur leurs craintes (échanger avec eux, visiter un accueil de jour...)
À présent, souligne Hélène Villars, praticien hospitalier, « il est nécessaire d'évaluer le bénéfice de ce type d'action (de répit) sur la santé et la qualité de vie de la personne aidée et de son aidant, dans l'idée de faire évoluer les solutions apportées pour rester au plus proche des attentes de la dyade aidant/aidé. »
S'appuyer sur des aides techniques au quotidien
L'aide professionnelle est le premier contributeur au bien-être des aidants, mais d'autres mesures permettent d'agir en complément. C'est par exemple le cas des aides techniques qui peuvent lui faciliter le quotidien, être un élément de confort ou de sécurisation. Elles sont encore peu utilisées, souvent par manque d'information ou par méconnaissance. Pour Anne-Sophie Rigaud, chef de service à l'hôpital Broca, il faut les faire connaître aux professionnels qui les prescriront ensuite aux personnes en perte d'autonomie et à leurs aidants. Mais pour Vincent Rialle, maître de conférences, il faut veiller à ce que la puissance technologique n'impose pas sa logique et ses exigences…
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