Vous êtes avocate spécialisée en droit européen, d’où vient votre engagement dans le cancer ?
Comme beaucoup, j’ai été confrontée à la maladie de par mon entourage. Mon expertise juridique m’a amené à porter un regard sur le système de santé mais aussi sur l’évolution de la position du citoyen vers celle de patient, handicapante et décalée par rapport à la société. Cela engendre une perte de repère et la nécessité d’adaptation à de nouveaux codes dans ce parcours qu’est celui de la maladie.
Pour cela, le patient a besoin de se faire accompagner par les professionnels de santé pour affronter la maladie mais aussi par ses pairs et par le monde associatif pour rompre la solitude de son nouveau statut de patient.
C’est ce constat qui m’a interpellé et m’a incité à me rapprocher du secteur associatif en développant en 2008 le pôle citoyen de l’association Cancer Campus autour de Gustave Roussy.
Quels sont les moteurs de votre action vis-à-vis des patients ?
Nous sommes engagés pour que la place du patient et de l’entourage soit prise en compte que ce soit dans l’innovation, la sphère politique ou la recherche, et pour que l’on s’intéresse au changement de vie qu’implique la maladie.
Quels moyens mettez-vous en œuvre pour faire évoluer la place et la considération du patient dans le système de soins ?
Depuis la loi Kouchner de 2002 et son formidable impact vis-à-vis de la considération du droit des patients, de nombreux changements ont eu lieu et l’avènement du digital a permis de poursuivre cette dynamique à travers un accès à l’information et à une démocratisation des savoirs. Au-delà de l’information médicale prodiguée par les professionnels de santé, les personnes malades ont désormais eu accès à la connaissance de leurs pairs avec un partage de l’expérience de la maladie. Ils peuvent devenir alors, s’ils le souhaitent, des patients experts qui sont également des sources d’information nécessaires pour le système de santé.
La création en 2011 de la plate-forme Cancer Contribution (devenue depuis janvier 2015 une association) réunissant tous les acteurs : politiques, chercheurs, professionnels de santé, patients, entourage… a permis de faire émerger des sujets, de discuter et d’impulser des changements politiques. Nous avons par exemple été consultés dans l’élaboration du Plan cancer et avons été actifs dans la réflexion sur le patient expert, l’observance ou le droit à l’oubli.
Qu’entendez-vous par « patient-acteur » ?
Le patient doit pouvoir être acteur à double titre : d’une part au cours de son expérience de la maladie et d’autre part en tant que contributeur du système de santé. Concrètement, cela suppose de mettre à disposition des patients des outils pour que leur parcours de soins soit respectueux de leur parcours de vie afin de réduire l’écart entre la vie de malade et celle de non malade et de préserver la qualité de vie.
Quels sont les moyens pour rendre le patient acteur de son parcours de soins ?
Pour cela, il est indispensable de donner un accès aux informations avant d’être confronté à la maladie afin de limiter les inégalités dues aux disparités sociales. Augmenter l’éducation à la santé et la connaissance du système de soins par les citoyens est non seulement utile en termes de prévention, mais aussi pour leur permettre d’être partie prenante dans les décisions et de suivre les indications médicales.
Outre-Atlantique, on parle de « literacy », c’est-à-dire de la capacité à comprendre l’information, à gérer les décisions et à suivre au mieux son traitement. Pour cela, un partenariat avec l’éduction nationale et l’implication des infirmières scolaires mais aussi une implication des associations de patients demeure nécessaire.
Par ailleurs, la communication avec les professionnels de santé doit être améliorée. Cela signifie « entendre et être entendu » pour une décision médicale partagée afin de déterminer la réussite du parcours de soins Cette pratique de « share decision making » fondée au Canada vise à permettre au duo médecin/patient de ne pas subir la décision médicale mais de faire un choix qui soit à la fois basé sur l’évidence médicale mais aussi respectueux des valeurs de chacun et qui s’inscrive dans un processus de décision en lien avec l’évolution et l’anticipation de la maladie.
Il vise à permettre au patient de s’exprimer sur ses peurs, ses valeurs, sa vie personnelle, son entourage, la gestion de son traitement… Le médecin pourra ainsi proposer les possibilités de traitement en fonction des critères médicaux mais aussi de la connaissance du patient et ainsi faire intervenir le patient dans les choix qui le concernent.
Enfin, d’un point de vue collectif, il est important de faire remonter la connaissance des patients pour qu’elle puisse faire évoluer les pratiques médicales. Cela passe par une formation des soignants et des nouveaux patients à devenir des patients experts. Ces patients experts ont vocation à transmettre leur connaissance aux futurs professionnels de santé à travers leur intervention dans les formations à l’université, lors de la formation continue mais aussi dans le cadre de l’éducation thérapeutique.
Quels sont les messages que vous souhaitez transmettre ?
Tout d’abord qu’il n’est pas question d’être « patient centric » comme cela est souvent prôné ! Ce que nous voulons, c’est donner des moyens aux patients à travers l’éducation, la vulgarisation des connaissances et l’implication des professionnels de santé. Notre souhait : améliorer les formations des professionnels notamment en communication, impliquer les patients experts dans les cours de médecine, donner des outils aux patients et faire participer les patients experts à l’éducation thérapeutique pour permettre une véritable décision partagée. C’est enfin donner davantage de moyens aux associations pour faire vivre une véritable démocratie sanitaire.
*Giovanna Marsico est la fondatrice de la plate-forme www.cancercontribution.fr
Comme beaucoup, j’ai été confrontée à la maladie de par mon entourage. Mon expertise juridique m’a amené à porter un regard sur le système de santé mais aussi sur l’évolution de la position du citoyen vers celle de patient, handicapante et décalée par rapport à la société. Cela engendre une perte de repère et la nécessité d’adaptation à de nouveaux codes dans ce parcours qu’est celui de la maladie.
Pour cela, le patient a besoin de se faire accompagner par les professionnels de santé pour affronter la maladie mais aussi par ses pairs et par le monde associatif pour rompre la solitude de son nouveau statut de patient.
C’est ce constat qui m’a interpellé et m’a incité à me rapprocher du secteur associatif en développant en 2008 le pôle citoyen de l’association Cancer Campus autour de Gustave Roussy.
Quels sont les moteurs de votre action vis-à-vis des patients ?
Nous sommes engagés pour que la place du patient et de l’entourage soit prise en compte que ce soit dans l’innovation, la sphère politique ou la recherche, et pour que l’on s’intéresse au changement de vie qu’implique la maladie.
Quels moyens mettez-vous en œuvre pour faire évoluer la place et la considération du patient dans le système de soins ?
Depuis la loi Kouchner de 2002 et son formidable impact vis-à-vis de la considération du droit des patients, de nombreux changements ont eu lieu et l’avènement du digital a permis de poursuivre cette dynamique à travers un accès à l’information et à une démocratisation des savoirs. Au-delà de l’information médicale prodiguée par les professionnels de santé, les personnes malades ont désormais eu accès à la connaissance de leurs pairs avec un partage de l’expérience de la maladie. Ils peuvent devenir alors, s’ils le souhaitent, des patients experts qui sont également des sources d’information nécessaires pour le système de santé.
La création en 2011 de la plate-forme Cancer Contribution (devenue depuis janvier 2015 une association) réunissant tous les acteurs : politiques, chercheurs, professionnels de santé, patients, entourage… a permis de faire émerger des sujets, de discuter et d’impulser des changements politiques. Nous avons par exemple été consultés dans l’élaboration du Plan cancer et avons été actifs dans la réflexion sur le patient expert, l’observance ou le droit à l’oubli.
Qu’entendez-vous par « patient-acteur » ?
Le patient doit pouvoir être acteur à double titre : d’une part au cours de son expérience de la maladie et d’autre part en tant que contributeur du système de santé. Concrètement, cela suppose de mettre à disposition des patients des outils pour que leur parcours de soins soit respectueux de leur parcours de vie afin de réduire l’écart entre la vie de malade et celle de non malade et de préserver la qualité de vie.
Quels sont les moyens pour rendre le patient acteur de son parcours de soins ?
Pour cela, il est indispensable de donner un accès aux informations avant d’être confronté à la maladie afin de limiter les inégalités dues aux disparités sociales. Augmenter l’éducation à la santé et la connaissance du système de soins par les citoyens est non seulement utile en termes de prévention, mais aussi pour leur permettre d’être partie prenante dans les décisions et de suivre les indications médicales.
Outre-Atlantique, on parle de « literacy », c’est-à-dire de la capacité à comprendre l’information, à gérer les décisions et à suivre au mieux son traitement. Pour cela, un partenariat avec l’éduction nationale et l’implication des infirmières scolaires mais aussi une implication des associations de patients demeure nécessaire.
Par ailleurs, la communication avec les professionnels de santé doit être améliorée. Cela signifie « entendre et être entendu » pour une décision médicale partagée afin de déterminer la réussite du parcours de soins Cette pratique de « share decision making » fondée au Canada vise à permettre au duo médecin/patient de ne pas subir la décision médicale mais de faire un choix qui soit à la fois basé sur l’évidence médicale mais aussi respectueux des valeurs de chacun et qui s’inscrive dans un processus de décision en lien avec l’évolution et l’anticipation de la maladie.
Il vise à permettre au patient de s’exprimer sur ses peurs, ses valeurs, sa vie personnelle, son entourage, la gestion de son traitement… Le médecin pourra ainsi proposer les possibilités de traitement en fonction des critères médicaux mais aussi de la connaissance du patient et ainsi faire intervenir le patient dans les choix qui le concernent.
Enfin, d’un point de vue collectif, il est important de faire remonter la connaissance des patients pour qu’elle puisse faire évoluer les pratiques médicales. Cela passe par une formation des soignants et des nouveaux patients à devenir des patients experts. Ces patients experts ont vocation à transmettre leur connaissance aux futurs professionnels de santé à travers leur intervention dans les formations à l’université, lors de la formation continue mais aussi dans le cadre de l’éducation thérapeutique.
Quels sont les messages que vous souhaitez transmettre ?
Tout d’abord qu’il n’est pas question d’être « patient centric » comme cela est souvent prôné ! Ce que nous voulons, c’est donner des moyens aux patients à travers l’éducation, la vulgarisation des connaissances et l’implication des professionnels de santé. Notre souhait : améliorer les formations des professionnels notamment en communication, impliquer les patients experts dans les cours de médecine, donner des outils aux patients et faire participer les patients experts à l’éducation thérapeutique pour permettre une véritable décision partagée. C’est enfin donner davantage de moyens aux associations pour faire vivre une véritable démocratie sanitaire.
*Giovanna Marsico est la fondatrice de la plate-forme www.cancercontribution.fr