Comment est née l’idée de faire du sport pour lutter contre le cancer ?
Dans les années 1980, j’étais interne dans le service du professeur Lucien Israël. L’objectif était de permettre au malade de survivre. Le vécu du malade, certes important, n’était pas l’objectif principal face au risque de mortalité majeure du fait de traitement d’efficacité médiocre. Les malades mourraient tellement…
Puis à la fin des années 90, nous avons vu arriver des traitements de plus en plus efficaces. Les malades allaient mieux, mais si on leur demandait de quand datait leur dernier théâtre, cinéma ou rapport sexuel, pfff…. « Je ne vais plus au théâtre, mon mari est parti, au travail on m’a mis dans un placard… ». Les gens étaient épuisés.
Or, il se trouve qu’à ce moment-là, le philosophe Paul Ricoeur écrit « Parcours de la reconnaissance ». Le thème de ce livre : pour qu’un être humain existe, il faut qu’il raconte son chemin à lui-même, puis il le racontera à d’autres. Quand il aura retrouvé ainsi sa place vis-à-vis des autres, il aura retrouvé une place dans la société.
En le lisant, je me suis dit : « Mais il est en train de me parler des malades ! » Parce que Madame Durand, qui a perdu ses cheveux, son sein, dont les enfants ont peur, qui a perdu son boulot, dont le mari est parti, dont les copines se sont écartées… Cette femme est complètement isolée car elle ne peut plus raconter son corps à l’autre... La question qui s’est posée à nous portait sur le rapport entre cet isolement social et le fait que les patients n’arrivaient plus à se raconter leur corps. En plus d’une fatigue terrible dont le repos ne vient pas à bout.
Mais avec une telle fatigue, pourquoi faire du sport ?
La fatigue est en cancérologie le premier symptôme du patient. Or, certaines personnes comme moi qui pratiquent les arts martiaux disent : « Moi, quand je suis fatigué, je fais du sport. Je vais au karaté et je vais mieux ». C’est alors que j’ai rencontré Jean-Marc Descotes, (ndlr : professeur de karatédo, 5° dan, diplômé d’état 1° degré et ancien sportif de haut niveau). Les espoirs de guérison s’améliorant, la fatigue devenait intolérable pour les patients.
D’où l’idée de proposer à M. Descotes de faire des cours de karaté pour les malades. Sa réponse fut : « Ca m’intéresse. J’ai fait déjà fait des cours en situation complexe, pour des trisomiques 21, pour de amputés, je suis d’accord pour essayer ».
Au bout de trois semaines, les secrétaires du service de cancérologie sont venues dans mon bureau et m’ont dit : « Il se passe quelque chose. Deux patientes sont venues ce matin, elles étaient maquillées, elles riaient et elles se sont parlées. Alors que depuis quatre mois, ces deux femmes n’adressaient la parole à personne, étaient tristes, renfermées sur elles-mêmes ». Ces femmes étaient les premières à suivre le programme sport et cancer. On s’est dit qu’on tenait peut être là, une aide pour les malades.
Quels sports les malades peuvent-ils pratiquer ?
On peut désormais proposer aux patients cancéreux du vélo, de la natation, du tennis de table, du patinage artistique, des arts martiaux, de la gym, de la danse. Ce qui compte, c’est de pratiquer en groupe, de toujours maintenir un lien avec chacun durant le cours, et de donner du plaisir en renouant avec son corps, en progressant régulièrement.
L’activité physique est-elle réellement efficace ?
Elle réduit le risque de rechute de cancer de 25 à 50%. L’activité physique a un impact comparable sur toutes les tumeurs étudiées. Ainsi, une femme de soixante-dix ans traitée pour un cancer du sein diminue son taux de rechute de la même manière qu’un homme de quarante ans avec un cancer du côlon. Cela abouti à 6% de survie en plus dix ans après un cancer du sein. 6% ? Vous allez me dire que c’est peu. Mais 6%, c’est ce qui valide les chimiothérapies qui coûtent « 10 000 dollars » par mois ! L’un ne doit pas remplacer l’autre mais s’ajouter pour faire mieux sans surcoût pour la collectivité.
Comment l’activité physique soigne-t-elle la fatigue ?
Tous les malades du cancer sont fatigués. Cette fatigue est causée par les cellules tumorales et les cellules inflammatoires autour qui jouent « au ping-pong ». Autour d’un cancer, il existe une inflammation importante. Cette inflammation secrète des protéines appelées cytokines. Ces cytokines se déplacent par le sang vers le muscle et le cerveau, avant même qu’on puisse poser un diagnostic de cancer. Les personnes décrivent alors une fatigue plusieurs mois avant qu’on leur trouve un cancer.
Evidemment !
Elles avaient déjà des cytokines dans les muscles et le cerveau. Dans le cerveau, ces cytokines induisent troubles du sommeil, troubles de la mémoire, troubles cognitifs et dépression. Mais tout à l’heure, on a dit que les personnes qui font du sport allaient mieux face à tout cela… Bien sûr !
Puisque le taux de cytokines s’effondre avec l’activité physique. D’autre part, les personnes atteintes de cancer ont des amyotrophies (atrophies musculaires) et font des sarcopénies c’est à dire une destruction du muscle.
Cela survient très tôt, dès le début de l’apparition des cellules cancéreuses qui sécrètent dans le sang les cytokines qui vont détruire le muscle. Je comprends donc pourquoi mes malades sont fatigués et ont perdu du muscle avant le diagnostic, je comprends pourquoi ils sont fatigués pendant les soins parce qu’il y a toujours une sécrétion de cytokines.
Quel est le lien entre la perte de muscle et le cancer ?
La sarcopénie précoce est directement proportionnelle au risque de décès. Cette sarcopénie est induite par les cytokines. Ces cytokines font en plus prendre de la graisse abdominale qui sécrète elle-même des cytokines. Le patient a donc moins de muscle, donc consomme moins de glucose nécessaire à l’activité du muscle.
Ce glucose non consommé par les muscles devenus réduits reste alors dans le sang. Le pancréas face à ce glucose circulant dans le sang sécrète de l’insuline, aboutissant à un taux d’insuline augmenté. Mais cette insuline du fait de la présence des cytokines issues de la tumeur et de la graisse abdominale est moins efficace pour faire entrer le glucose dans les cellules. C’est ce qu’on appelle l’insulinorésistance.
Cette résistance accroit le glucose dans le sang qui induit une élévation de l’insuline dans le sang. Et que fait l’insuline dans le sang ? Elle dit aux cellules cancéreuses : « Hé ! Bosse ! Bosse ! Je vais t’aider! ». L’insuline, c’est le carburant du cancer, elle va favoriser la croissance des cellules cancéreuses qui sont en étroit contact avec le sang. La sarcopénie, la formation de la graisse abdominale aboutissent à un taux d’insuline élevé qui stimule la croissance du cancer.
Quelles sont les conséquences ?
A la suite d’un cancer du sein et au décours de la chimiothérapie, par rapport à une femme ayant une masse musculaire normale, une femme avec une sarcopénie a trois fois plus de chance de mourir, parce qu’elle est insulinorésistante. A la suite de son traitement cette femme a pris cinq kilos, elle a en fait perdu 2 kilos de masse musculaire et a gagné six kilos de masse graisseuse. Or les masses graisseuses, ce sont les cytokines donc les troubles neurologiques, la sarcopénie, l’insulinorésistance.
Que se passe-t-il si on fait du sport alors qu’on a eu un cancer ?
Une activité sportive intense abaisse la sécrétion de cytokines donc favorise la pénétration du glucose dans les muscles et réduit l’insulinorésistance. Et ceci dès les premières heures. J’ai une bonne nouvelle pour vous : l’activité physique que vous avez faite aujourd’hui va travailler comme ça pour vous pendant 72 heures.
Les patients pratiquant une activité physique ont donc moins de sarcopénie, l’activité physique accroissant les masses musculaires, moins de graisse abdominale source de cytokines et moins d’insulino-résistance donc moins d’insuline dans le sang. Ces effets biologiques aboutissent à moins de fatigue, de troubles cognitifs et du sommeil induits par les cytokines, à une réduction de la croissance cancéreuse qui dépend de l’insuline.
Je comprends aussi alors que les personnes bien portantes qui pratiquent un sport suffisamment intense régulièrement développent moins de cancers. D’où les 25% de cancers évitables en cas d’activité physique au sein de la population générale.
Quelles sont les conditions de l’efficacité de l’activité physique ?
Ça ne fonctionne que si c’est débuté précocement dès le diagnostic, parce que l’inflammation et la sarcopénie existent tout de suite dès l’émergence du cancer dans le corps, et seulement si on pratique avec une intensité soutenue. Et puisque les bénéfices biologiques durent 72 heures, il faut donc pratiquer trois fois par semaine.
Les séances d’activité physique doivent combiner exercices en aérobie (ndlr : sans être essoufflé) et résistance (ndlr : activité soutenue à très soutenue). L’exercice en aérobie va renforcer votre bloc cardiorespiratoire et réduire les complications de la chirurgie. Mais seuls les exercices en résistance vont augmenter votre masse musculaire. En augmentant la masse musculaire vous diminuez votre masse graisseuse. Et si vous avez plus de masse musculaire, vous consommez plus de glucose. Et si vous avez moins de masse graisseuse vous produisez moins de cytokines, donc vous baissez votre insulino-résistance et vos risques de rechute cancéreuse.
C’est efficace si cette activité se fait au moins pendant six mois et très régulièrement, trois fois par semaine. Pour cela il faut y prendre du plaisir, c’est le rôle des éducateurs médico sportifs qui doivent suivre chaque patient, l’amener toujours un peu plus loin, dans la mesure de ses possibilités. L’objectif est donc de retrouver un plaisir à bouger en toute sécurité en atteignant une intensité soutenue, une durée d’effort unitaire d’au moins une heure et sur une période d’au moins 6 à 12 mois pour modifier sarcopénie, prise de graisse et insulino résistance pour réduire les risques de rechute et améliorer la qualité de vie.
Combien coûtent ces cours de sport adapté au cancer ?
Les cours CAMI sont gratuits. Les malades ne payent qu’une petite cotisation à l’année. C’est une question d’éthique. Je ne me vois pas dire aux malades : « bon alors voilà, tu as 50% de survie en plus mais il faut que tu payes ». Nous avons essayé d’obtenir le remboursement par la Sécurité sociale dans le cadre du plan cancer 3, mais nous n’avons pas réussi. Pourtant une estimation de Terra Nova montre qu’on est capable d’économiser par une telle action 600 millions d’euros par an. Simplement en médicaments, frais d’hospitalisation générés par les rechutes, sans parler des arrêts de travail et de l’ambulance thérapie !
Comment se développe l’activité CAMI sport cancer ?
La CAMI est présente dans plus d’une vingtaine de départements, à travers plus d’une cinquantaine de centres à travers la France. Pendant au moins les six à douze premiers mois, les patients doivent pratiquer dans des structures type CAMI, avec une évaluation, un suivi qui assurent une sécurité. Puis nous voulons orienter les patients vers des clubs labellisés.
Nous travaillons actuellement avec le CNOSF (Comité National Olympique et Sportif Français) sous la direction du Dr Alain Calmat au recensement des possibilités. Chaque fédération intéressée a proposé un canevas de ce qu’ils pouvaient faire pour les malades. Est ce qu’on travaille plus le muscle, la précision, le réflexe, l’équilibre, la confiance en soi… Nous sommes pour notre part en lien avec les fédérations de tennis de table, de karaté, de gym pour tous.
Tout cela prend forme, le nombre de centres CAMI se multiplie. Nous publions nos résultats dans de grandes revues médicales et les conférences médicales ont toujours plus d’audience. La CAMI, c’est une des actions les plus utiles que j’ai faite en trente ans de cancérologie en collaboration !
Dans les années 1980, j’étais interne dans le service du professeur Lucien Israël. L’objectif était de permettre au malade de survivre. Le vécu du malade, certes important, n’était pas l’objectif principal face au risque de mortalité majeure du fait de traitement d’efficacité médiocre. Les malades mourraient tellement…
Puis à la fin des années 90, nous avons vu arriver des traitements de plus en plus efficaces. Les malades allaient mieux, mais si on leur demandait de quand datait leur dernier théâtre, cinéma ou rapport sexuel, pfff…. « Je ne vais plus au théâtre, mon mari est parti, au travail on m’a mis dans un placard… ». Les gens étaient épuisés.
Or, il se trouve qu’à ce moment-là, le philosophe Paul Ricoeur écrit « Parcours de la reconnaissance ». Le thème de ce livre : pour qu’un être humain existe, il faut qu’il raconte son chemin à lui-même, puis il le racontera à d’autres. Quand il aura retrouvé ainsi sa place vis-à-vis des autres, il aura retrouvé une place dans la société.
En le lisant, je me suis dit : « Mais il est en train de me parler des malades ! » Parce que Madame Durand, qui a perdu ses cheveux, son sein, dont les enfants ont peur, qui a perdu son boulot, dont le mari est parti, dont les copines se sont écartées… Cette femme est complètement isolée car elle ne peut plus raconter son corps à l’autre... La question qui s’est posée à nous portait sur le rapport entre cet isolement social et le fait que les patients n’arrivaient plus à se raconter leur corps. En plus d’une fatigue terrible dont le repos ne vient pas à bout.
Mais avec une telle fatigue, pourquoi faire du sport ?
La fatigue est en cancérologie le premier symptôme du patient. Or, certaines personnes comme moi qui pratiquent les arts martiaux disent : « Moi, quand je suis fatigué, je fais du sport. Je vais au karaté et je vais mieux ». C’est alors que j’ai rencontré Jean-Marc Descotes, (ndlr : professeur de karatédo, 5° dan, diplômé d’état 1° degré et ancien sportif de haut niveau). Les espoirs de guérison s’améliorant, la fatigue devenait intolérable pour les patients.
D’où l’idée de proposer à M. Descotes de faire des cours de karaté pour les malades. Sa réponse fut : « Ca m’intéresse. J’ai fait déjà fait des cours en situation complexe, pour des trisomiques 21, pour de amputés, je suis d’accord pour essayer ».
Au bout de trois semaines, les secrétaires du service de cancérologie sont venues dans mon bureau et m’ont dit : « Il se passe quelque chose. Deux patientes sont venues ce matin, elles étaient maquillées, elles riaient et elles se sont parlées. Alors que depuis quatre mois, ces deux femmes n’adressaient la parole à personne, étaient tristes, renfermées sur elles-mêmes ». Ces femmes étaient les premières à suivre le programme sport et cancer. On s’est dit qu’on tenait peut être là, une aide pour les malades.
Quels sports les malades peuvent-ils pratiquer ?
On peut désormais proposer aux patients cancéreux du vélo, de la natation, du tennis de table, du patinage artistique, des arts martiaux, de la gym, de la danse. Ce qui compte, c’est de pratiquer en groupe, de toujours maintenir un lien avec chacun durant le cours, et de donner du plaisir en renouant avec son corps, en progressant régulièrement.
L’activité physique est-elle réellement efficace ?
Elle réduit le risque de rechute de cancer de 25 à 50%. L’activité physique a un impact comparable sur toutes les tumeurs étudiées. Ainsi, une femme de soixante-dix ans traitée pour un cancer du sein diminue son taux de rechute de la même manière qu’un homme de quarante ans avec un cancer du côlon. Cela abouti à 6% de survie en plus dix ans après un cancer du sein. 6% ? Vous allez me dire que c’est peu. Mais 6%, c’est ce qui valide les chimiothérapies qui coûtent « 10 000 dollars » par mois ! L’un ne doit pas remplacer l’autre mais s’ajouter pour faire mieux sans surcoût pour la collectivité.
Comment l’activité physique soigne-t-elle la fatigue ?
Tous les malades du cancer sont fatigués. Cette fatigue est causée par les cellules tumorales et les cellules inflammatoires autour qui jouent « au ping-pong ». Autour d’un cancer, il existe une inflammation importante. Cette inflammation secrète des protéines appelées cytokines. Ces cytokines se déplacent par le sang vers le muscle et le cerveau, avant même qu’on puisse poser un diagnostic de cancer. Les personnes décrivent alors une fatigue plusieurs mois avant qu’on leur trouve un cancer.
Evidemment !
Elles avaient déjà des cytokines dans les muscles et le cerveau. Dans le cerveau, ces cytokines induisent troubles du sommeil, troubles de la mémoire, troubles cognitifs et dépression. Mais tout à l’heure, on a dit que les personnes qui font du sport allaient mieux face à tout cela… Bien sûr !
Puisque le taux de cytokines s’effondre avec l’activité physique. D’autre part, les personnes atteintes de cancer ont des amyotrophies (atrophies musculaires) et font des sarcopénies c’est à dire une destruction du muscle.
Cela survient très tôt, dès le début de l’apparition des cellules cancéreuses qui sécrètent dans le sang les cytokines qui vont détruire le muscle. Je comprends donc pourquoi mes malades sont fatigués et ont perdu du muscle avant le diagnostic, je comprends pourquoi ils sont fatigués pendant les soins parce qu’il y a toujours une sécrétion de cytokines.
Quel est le lien entre la perte de muscle et le cancer ?
La sarcopénie précoce est directement proportionnelle au risque de décès. Cette sarcopénie est induite par les cytokines. Ces cytokines font en plus prendre de la graisse abdominale qui sécrète elle-même des cytokines. Le patient a donc moins de muscle, donc consomme moins de glucose nécessaire à l’activité du muscle.
Ce glucose non consommé par les muscles devenus réduits reste alors dans le sang. Le pancréas face à ce glucose circulant dans le sang sécrète de l’insuline, aboutissant à un taux d’insuline augmenté. Mais cette insuline du fait de la présence des cytokines issues de la tumeur et de la graisse abdominale est moins efficace pour faire entrer le glucose dans les cellules. C’est ce qu’on appelle l’insulinorésistance.
Cette résistance accroit le glucose dans le sang qui induit une élévation de l’insuline dans le sang. Et que fait l’insuline dans le sang ? Elle dit aux cellules cancéreuses : « Hé ! Bosse ! Bosse ! Je vais t’aider! ». L’insuline, c’est le carburant du cancer, elle va favoriser la croissance des cellules cancéreuses qui sont en étroit contact avec le sang. La sarcopénie, la formation de la graisse abdominale aboutissent à un taux d’insuline élevé qui stimule la croissance du cancer.
Quelles sont les conséquences ?
A la suite d’un cancer du sein et au décours de la chimiothérapie, par rapport à une femme ayant une masse musculaire normale, une femme avec une sarcopénie a trois fois plus de chance de mourir, parce qu’elle est insulinorésistante. A la suite de son traitement cette femme a pris cinq kilos, elle a en fait perdu 2 kilos de masse musculaire et a gagné six kilos de masse graisseuse. Or les masses graisseuses, ce sont les cytokines donc les troubles neurologiques, la sarcopénie, l’insulinorésistance.
Que se passe-t-il si on fait du sport alors qu’on a eu un cancer ?
Une activité sportive intense abaisse la sécrétion de cytokines donc favorise la pénétration du glucose dans les muscles et réduit l’insulinorésistance. Et ceci dès les premières heures. J’ai une bonne nouvelle pour vous : l’activité physique que vous avez faite aujourd’hui va travailler comme ça pour vous pendant 72 heures.
Les patients pratiquant une activité physique ont donc moins de sarcopénie, l’activité physique accroissant les masses musculaires, moins de graisse abdominale source de cytokines et moins d’insulino-résistance donc moins d’insuline dans le sang. Ces effets biologiques aboutissent à moins de fatigue, de troubles cognitifs et du sommeil induits par les cytokines, à une réduction de la croissance cancéreuse qui dépend de l’insuline.
Je comprends aussi alors que les personnes bien portantes qui pratiquent un sport suffisamment intense régulièrement développent moins de cancers. D’où les 25% de cancers évitables en cas d’activité physique au sein de la population générale.
Quelles sont les conditions de l’efficacité de l’activité physique ?
Ça ne fonctionne que si c’est débuté précocement dès le diagnostic, parce que l’inflammation et la sarcopénie existent tout de suite dès l’émergence du cancer dans le corps, et seulement si on pratique avec une intensité soutenue. Et puisque les bénéfices biologiques durent 72 heures, il faut donc pratiquer trois fois par semaine.
Les séances d’activité physique doivent combiner exercices en aérobie (ndlr : sans être essoufflé) et résistance (ndlr : activité soutenue à très soutenue). L’exercice en aérobie va renforcer votre bloc cardiorespiratoire et réduire les complications de la chirurgie. Mais seuls les exercices en résistance vont augmenter votre masse musculaire. En augmentant la masse musculaire vous diminuez votre masse graisseuse. Et si vous avez plus de masse musculaire, vous consommez plus de glucose. Et si vous avez moins de masse graisseuse vous produisez moins de cytokines, donc vous baissez votre insulino-résistance et vos risques de rechute cancéreuse.
C’est efficace si cette activité se fait au moins pendant six mois et très régulièrement, trois fois par semaine. Pour cela il faut y prendre du plaisir, c’est le rôle des éducateurs médico sportifs qui doivent suivre chaque patient, l’amener toujours un peu plus loin, dans la mesure de ses possibilités. L’objectif est donc de retrouver un plaisir à bouger en toute sécurité en atteignant une intensité soutenue, une durée d’effort unitaire d’au moins une heure et sur une période d’au moins 6 à 12 mois pour modifier sarcopénie, prise de graisse et insulino résistance pour réduire les risques de rechute et améliorer la qualité de vie.
Combien coûtent ces cours de sport adapté au cancer ?
Les cours CAMI sont gratuits. Les malades ne payent qu’une petite cotisation à l’année. C’est une question d’éthique. Je ne me vois pas dire aux malades : « bon alors voilà, tu as 50% de survie en plus mais il faut que tu payes ». Nous avons essayé d’obtenir le remboursement par la Sécurité sociale dans le cadre du plan cancer 3, mais nous n’avons pas réussi. Pourtant une estimation de Terra Nova montre qu’on est capable d’économiser par une telle action 600 millions d’euros par an. Simplement en médicaments, frais d’hospitalisation générés par les rechutes, sans parler des arrêts de travail et de l’ambulance thérapie !
Comment se développe l’activité CAMI sport cancer ?
La CAMI est présente dans plus d’une vingtaine de départements, à travers plus d’une cinquantaine de centres à travers la France. Pendant au moins les six à douze premiers mois, les patients doivent pratiquer dans des structures type CAMI, avec une évaluation, un suivi qui assurent une sécurité. Puis nous voulons orienter les patients vers des clubs labellisés.
Nous travaillons actuellement avec le CNOSF (Comité National Olympique et Sportif Français) sous la direction du Dr Alain Calmat au recensement des possibilités. Chaque fédération intéressée a proposé un canevas de ce qu’ils pouvaient faire pour les malades. Est ce qu’on travaille plus le muscle, la précision, le réflexe, l’équilibre, la confiance en soi… Nous sommes pour notre part en lien avec les fédérations de tennis de table, de karaté, de gym pour tous.
Tout cela prend forme, le nombre de centres CAMI se multiplie. Nous publions nos résultats dans de grandes revues médicales et les conférences médicales ont toujours plus d’audience. La CAMI, c’est une des actions les plus utiles que j’ai faite en trente ans de cancérologie en collaboration !