Assistance au suicide : une large majorité des personnes sont âgées de 45 à 84 ans.

Une récente étude réalisée dans la ville de Zurich, soutenue par le Fonds national suisse (FNS), fait le point sur les organisations d’assistance au suicide Exit Suisse alémanique et Dignitas. On y apprend que ces structures accompagnent vers la mort presque deux fois plus de femmes que d’hommes et qu’une large majorité (84%) des « candidats » sont âgés de 45 à 84 ans.

PAR SENIORACTU.COM | Publié le 05/11/2008

« Jusqu’ici, le débat public sur l’aide au suicide a été émotionnel avant tout, explique Georg Bosshard, médecin, éthicien médical et directeur de l’étude. Notre étude appréhende en revanche cette pratique de façon scientifique, depuis un observatoire indépendant. Nous nous efforçons de contribuer avec des faits à dépassionner le débat ».

La comparaison montre de nettes différences entre les pratiques de Dignitas et d’Exit : dans les cas étudiés, Exit ne fournit qu’exceptionnellement une assistance au suicide à des personnes étrangères (de 2001-2004: 3%), alors que 91% des personnes accompagnées vers la mort par Dignitas venaient de l’étranger.

Dans le cas de Dignitas, la moyenne d’âge de 65 ans est nettement inférieure à celle d’Exit (77 ans). « Cette différence pourrait être liée au fait que les personnes désirant mourir viennent de l’étranger et doivent dès lors être physiquement suffisamment en forme pour se rendre en Suisse », explique Georg Bosshard.

Toujours selon cette étude, « la part de personnes atteintes d’une maladie incurable* était plus grande dans le cas de Dignitas : 79% souffraient d’affections incurables comme le cancer, la sclérose en plaques ou la sclérose latérale amyotrophique. Dans le cas d’Exit, cette part était de 67% entre 2001 et 2004 ».

« Les autres patients ne souffraient pas d’une affection incurable » affirme le communiqué de la FNS : « Il s’agissait pour la plupart d’entre eux de personnes âgées chez lesquelles plusieurs maladies avaient été diagnostiquées, comme par exemple des affections rhumatismales ou des syndromes de douleurs », explique Susanne Fischer, sociologue et co-auteur de l’étude.

La comparaison avec les données zurichoises d’Exit des années 1990 montre que la part de ces personnes a nettement augmenté. Entre 1990 et 2000, 22% des personnes décidées à mourir avec Exit n’étaient pas atteintes d’une maladie incurable. Entre 2001 et 2004, cette catégorie de patients représentait un tiers des cas. Durant cette même période, l’âge moyen des personnes prises en charge par Exit est passé de 69 à 77 ans.

« En Suisse, chez les personnes âgées, la fatigue de vivre et, de façon générale, un très mauvais état de santé représente une raison plus fréquente de recourir à l’aide au suicide que par le passé », souligne Susanne Fischer. D’après elle, cette tendance peut s’expliquer par le fait qu’Exit a assoupli sa pratique en raison de l’importance de la demande : dans les années 1990, l’organisation avait en effet annoncé sa volonté de s’ouvrir aux personnes âgées fatiguées de vivre.

Des études menées aux Pays-Bas montrent que, régulièrement, des personnes âgées de plus de 80 ans expriment leur désir d’être accompagnées vers la mort, explique Susanne Fischer. L’assistance au suicide y est entièrement aux mains des médecins –des médecins qui n’exaucent pas ce genre de demandes, car assister à mourir une personne non atteinte de maladie incurable va à l’encontre de leur éthique professionnelle. « A l’inverse, relève Susanne Fischer, dans notre système où les organisations d’assistance au suicide jouent un important rôle, on semble manifestement prêt à autoriser l’assistance au suicide pour des personnes âgées non atteintes de maladies incurables. »

A noter qu’Exit conteste la représentativité de l’étude du FNS. Dans un communiqué, l’organisation affirme que le nombre de suicides assistés pour des personnes ne souffrant pas d’une maladie incurable n’a pas augmenté.

Les résultats de l’étude mettent aussi à jour une grande différence entre les sexes : dans le cas des deux organisations, les femmes ont été nettement plus nombreuses à demander l’assistance au suicide (Dignitas : 64% ; Exit : 65%). Dans les années 1990, la répartition entre les sexes était relativement équilibrée avec 52% de femmes chez Exit.

« L’analyse des raisons de cette tendance n’est pas encore achevée », explique Lorenz Imhof, spécialiste en sciences infirmières. Les chercheurs pensent notamment à l’espérance de vie plus longue des femmes : les personnes très âgées ont en effet plus fréquemment l’impression d’en avoir fini avec leur existence. Les statistiques montrent aussi que les hommes sont plus nombreux à mettre eux-mêmes fin à leurs jours ; il se pourrait que les femmes fatiguées de vivre se tournent plus facilement vers les organisations d’assistance au suicide.

* On entend par « maladie incurable » une maladie qui, malgré son traitement, conduit à la mort.

Définitions et situation juridique

Par assistance au suicide, on entend la mise à disposition ou la prescription d’une substance mortelle qui permet à une personne de se suicider. En Suisse, l’aide au suicide n’est pas punissable pour autant qu’elle ne se fait pas pour un mobile égoïste (Art. 115 du Code pénal). D’après la pratique en vigueur, l’assistance au suicide ne peut être fournie qu’à des personnes capables de discernement. Mais le Code pénal ne spécifie aucune condition médicale. Cependant, les directives – non contraignantes sur le plan légal – de l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) n’autorisent la participation d’un médecin à l’assistance au suicide que pour des patients en fin de vie.

Méthodologie de l’étude :

Des chercheurs de l’Université de Zurich et de la Zürcher Hochschule für Angewandte Wissenschaften (ZHAW) ont analysé les cas de décès constatés par l’Institut de médecine légale de l’Université de Zurich entre 2001 et 2004 ; chaque cas d’assistance au suicide doit en effet être annoncé et être examiné ensuite par l’autorité d’instruction.

L’étude a pris en compte la quasi totalité des personnes ayant recouru à Dignitas ainsi que les cas zurichois ayant recouru aux services d’Exit Suisse alémanique (soit un tiers des cas). Les chercheurs ont relevé le sexe, l’âge, l’état civil, la nationalité, ainsi que notamment le diagnostic médical et les types de maladie dont les personnes souffraient.

L’étude prend en compte 274 personnes accompagnées par Dignitas, ainsi que 147 personnes accompagnées vers la mort par Exit (entre 2001 et 2004). Les chercheurs ont en outre comparé ces données avec une étude antérieure menée sur 149 cas d’assistance au suicide pris en charge par Exit en ville de Zurich entre 1990 et 2000.










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